C’est un sujet qui le touche personnellement puisque lui-même a été naturalisé français lorsqu’il avait 20 ans. A l’occasion d’une cérémonie d’accueil des nouveaux citoyens français à laquelle il assistait le 18 octobre à Toulouse, Manuel Valls a réaffirmé sa volonté de revenir sur la politique conduite par son prédécesseur, responsable selon lui de la chute du nombre de naturalisations enregistrées ces deux dernières années (1). Le ministre de l’Intérieur n’entend pas pour autant bouleverser l’ensemble du dispositif d’accès à la nationalité… mais il souhaite le rendre « plus juste, plus transparent, plus efficace ». Il compte pour se faire procéder en deux temps.
Ainsi, « au début de l’année prochaine », une circulaire-cadre « remettra à plat tous les critères [de la naturalisation] et leurs conditions d’appréciation ». « Elle précisera l’esprit dans lequel l’accès à la nationalité doit se dérouler » et « encadrera également le contenu et la forme de l’entretien dit d’assimilation ». En attendant, l’urgence étant de « redresser la courbe du nombre de naturalisations », le pensionnaire de la place Beauvau a d’ores et déjà envoyé une première circulaire à l’ensemble des préfets afin de revenir « sur les critères les plus discriminants, qui sont à l’origine de près de 70 % des refus ». Le ministre en est convaincu : cette première étape « aura un impact considérable » et « changera les pratiques ».
Le texte revient en premier lieu sur les modalités d’appréciation de l’insertion professionnelle du candidat, « condition essentielle de l’assimilation ». Jusqu’à maintenant, cette appréciation ne permettait de prendre en compte ni les contrats à durée déterminée (CDD), ni le passage par l’intérim. « A lui seul, ce critère représente plus de 40 % des refus », a souligné Manuel Valls lors de son allocution à Toulouse. Les consignes données aux préfets sont à cet égard sans équivoques : « la nature du contrat de travail (CDD, contrats d’intérim) ne doit pas constituer un obstacle en soi, dès lors que l’activité réalisée permet de disposer de ressources suffisantes et stables ».
En outre, l’appréciation doit porter sur l’ensemble de la carrière professionnelle, et non pas sur la situation précise du postulant au seul moment de la demande de naturalisation, indique la circulaire. « C’est la cohérence et la persévérance dans le parcours qui doivent être appréciées. »
« A contrario, si les difficultés rencontrées par certaines personnes pour conserver une activité, le recours récurrent aux systèmes d’assistance ou de longues ou fréquentes périodes d’inactivité, au regard notamment de la durée de présence en France, révèlent un défaut d’intégration », les préfets doivent considérer que le postulant ne répond pas à la condition d’assimilation à la communauté française.
A noter : la circulaire demande aussi aux préfets une « meilleure prise en compte des potentiels » (jeunes diplômés, étudiants et professionnels de haut niveau).
Manuel Valls souhaite qu’un « examen attentif » soit réservé aux demandes de naturalisation des jeunes de moins de 25 ans résidant en France depuis au moins dix ans et y ayant suivi une scolarité continue d’au moins cinq ans. Ces jeunes bénéficient, en effet, d’une « forte présomption d’assimilation à la communauté française […] en raison des durées de leur résidence et scolarisation en France, ainsi que de leur démarche d’acquisition de la nationalité française », indique la circulaire.
Une attention particulière sera toutefois portée « à d’éventuels faits constituant de graves écarts de conduite ou d’autres éléments défavorables mis en exergue par l’examen du dossier, qui peuvent continuer à justifier une décision défavorable motivée, en tant que de besoin, par une insertion insuffisante ».
C’est écrit noir sur blanc dans le code civil : un étranger ne peut pas acquérir la nationalité française si son séjour en France est irrégulier. Par ailleurs, la naturalisation ne peut être accordée qu’à l’étranger justifiant d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande (sauf exception). Cette notion de « résidence habituelle », le Conseil d’Etat l’entend comme une « présence régulière au regard du séjour ».
Après avoir rappelé ces règles, la circulaire indique que, pour autant, « les périodes passées en séjour irrégulier ne doivent désormais plus figurer au nombre des critères conduisant à refuser systématiquement la naturalisation ». La situation régulière au titre du séjour demeure strictement exigée au titre de la recevabilité de la demande, indique le ministre, en l’occurrence au moment du dépôt de cette demande ainsi que dans les cinq années précédant le dépôt (2).
Le niveau linguistique exigé pour pouvoir être naturalisé, qui correspond à celui exigé à la fin de la classe de troisième, est maintenu. « Aujourd’hui, ce n’est pas ce niveau qui est discriminant mais bien la façon dont il est évalué et comment les conditions spécifiques de certaines personnes sont prises en compte », a expliqué Manuel Valls à Toulouse.
Pour justifier de son niveau de connaissance de la langue française, il appartient toujours au postulant de produire un diplôme ou une attestation (3). Le ministre a annoncé, à cet égard, la labellisation de nouveaux organismes de formation habilités à délivrer « gratuitement » des attestations de niveau.
Autre annonce, figurant cette fois dans la circulaire : les postulants à la naturalisation âgés de plus de 65 ans et ne pouvant produire les diplômes exigés par la réglementation peuvent être dispensés de produire une attestation. Leur niveau de connaissance sera apprécié lors de l’entretien d’assimilation.
La loi exige également du postulant à la nationalité française un niveau de connaissance de base de l’histoire, de la culture et de la société françaises. Le gouvernement précédent souhaitait que ces connaissances soient évaluées à l’aide d’un questionnaire à choix multiples. Une méthode rejetée par Manuel Valls qui souhaite simplement que l’agent de préfecture chargé de l’entretien d’assimilation pose des questions « dans le cours naturel de la conversation, afin d’éviter que ses interventions prennent le caractère artificiel d’un questionnaire ». « Ces questions doivent demeurer simples tout en restant précises, et éviter toute tentation d’érudition », indique la circulaire. Destinées avant tout à « susciter un échange », elles peuvent ainsi « s’insérer dans une discussion portant sur les droits et devoirs du citoyen, telles que le postulant, selon sa condition, est en mesure d’y répondre, sans craindre d’être jugé sur un niveau de culture et non pas sur son adhésion aux valeurs de la République ». Une liste de questions sera fournie, à titre indicatif, aux préfectures « dans les prochaines semaines » (4).
En aucun cas, une décision de rejet ou d’ajournement ne peut être motivée par le constat qu’il n’aura pas été répondu de façon exacte à une ou plusieurs questions, précise encore la circulaire. « L’appréciation doit rester globale. »
(1) Une baisse de l’ordre de 30 % entre 2010 et 2011 et de 45 % entre 2011 et 2012, selon le ministre.
(2) Ou dans les deux dernières années pour les postulants bénéficiant d’une réduction de la durée minimale de résidence habituelle en France.
(4) Un guide de l’entretien d’assimilation sera également prochainement mis à leur disposition. Il sera complété d’un livret – à l’usage des postulants – expliquant les connaissances attendues d’un candidat à la nationalité.