Depuis plus de dix ans qu’elle enseigne en prison, Aude Siméon s’est souvent trouvée en butte aux mêmes réactions de son entourage : « Quand même, t’en vois des salauds, et tu les apprécies ! » Patiemment, la prof de lettres, plus habituée aux sages élèves du lycée international de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), répète cette conviction acquise au contact des détenus : « On est responsable de ses actes, mais on ne peut être réduit à eux seuls. » Avec Prof chez les taulards, Aude Siméon témoigne de son expérience, principalement en maison centrale, auprès de condamnés à de longues peines. Un récit à la subjectivité assumée, dans lequel l’enseignante dresse un portrait plein d’empathie de ses « étudiants empêchés » : Saeed, « bouillonnant d’exaspération, de violence rentrée, de brutalité sourde » ; Victoire, Camerounaise rayonnante ; Paolo, amoureux d’une présentatrice de télévision ; mais aussi Carlos, le terroriste vénézuélien, auquel elle consacre plusieurs chapitres. Amenée à intervenir également auprès des surveillants, elle découvre la « souffrance » de « tous ces hommes et ces femmes qui n’ont pas vraiment choisi leur profession sinon, disons-le, par défaut ». Avec pudeur et honnêteté, Aude Siméon raconte avoir été souvent émue, parfois manipulée, inquiète à l’occasion, mais toujours touchée par ces étudiants au bagage culturel généralement maigre, dévorant Rimbaud, Montesquieu ou Aimé Césaire. « De tous ceux-là, écrit-elle, il n’en est pas un qui, quels que soient ses forfaits ou ses crimes, n’ait gardé enfoui au fond de lui-même quelques parcelles d’humanité, de générosité, voire de spiritualité. Je voudrais qu’ils gardent l’espérance. Je crains que ce ne soit pas toujours le cas. »
Prof chez les taulards
Aude Siméon – Ed. Glyphe – 15 €