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Le contrôleur des prisons pointe les obstacles à la mise en œuvre de la semi-liberté

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Au 1er janvier 2012, 1857 personnes étaient placées sous le régime de la semi-liberté, réparties dans 11 centres de semi-liberté et sept quartiers de semi-liberté offrant au total 768 places. Ce qui représente un taux d’occupation de 241 %, supérieur à celui des établissements pénitentiaires de droit commun (environ 115 %), s’inquiète le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans un récent avis dans lequel il pointe les difficultés de mise en œuvre de la semi-liberté (1). En réaction, la garde des Sceaux a rappelé, dans un communiqué du 23 octobre, que 803 places allaient être créées dans les quartiers pour peines aménagées (semi-liberté et autres aménagements) dans le cadre du budget prévu pour 2013 à 2015. Jean-Marie Delarue relève que le nombre de mesures décidées décroît pourtant régulièrement depuis quatre ans (– 16 % par rapport à 2008), sous l’effet « vraisemblalement » de la surveillance électronique, « mesure d’aménagement bien maigre dans laquelle n’est prévu le plus souvent aucun accompagnement social », estime-t-il. Dommage, selon lui, car cet aménagement de peine « est par contraste un instrument très utile, bien conçu dans son principe, qui peut contribuer très significativement à la réinsertion des personnes condamnées et à la prévention de la récidive ». Comme il l’a déjà évoqué dans un précédent avis (2), le contrôleur général rappelle que la semi-liberté peut aussi contribuer à la lutte contre la surpopulation carcérale, un avis que partage Christiane Taubira (3).

Manque de travailleurs sociaux et éloignement des bassins d’emplois

En pratique, la semi-liberté consiste le plus souvent à fixer des horaires pendant lesquels les intéressés peuvent exercer une activité professionnelle ou rechercher du travail. En dehors de ces horaires, ils doivent être présents dans le centre ou le quartier de semi-liberté. Parallèlement, ces détenus bénéficient d’un accompagnement social dispensé par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Ceux-ci assurent leur suivi dans le cadre de permanences ou lors de rendez-vous. Mais « leur nombre est souvent insuffisant » (4), constate le contrôleur général, et leurs horaires de présence ne sont « pas nécessairement adaptés aux heures pendant lesquelles les semi-libres sont présents : dans un centre, étaient assurées des permanences de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures. Avec le CPIP, il faut donc s’absenter du travail ou manquer aux entretiens ».

Jean-Marie Delarue constate aussi que « l’accès au travail ou à une formation et a fortiori à un emploi lorsqu’il s’agit d’en trouver un, est rendu difficile pour plusieurs raisons ». D’abord parce que certains quartiers ou centres sont éloignés des bassins d’emplois. Alors que le choix d’implantation des quartiers et des centres de semi-liberté devrait toujours privilégier les bassins d’emplois significatifs, rappelle le contrôleur général, il « suit “à l’aveugle” la géographie des établissements pénitentiaires et engendre […] de profondes inégalités ». « A tout le moins, faut-il veiller aux moyens de transport existants et à leur coût », suggèrent ses services. La ministre de la Justice a assuré, le 23 octobre, que la plupart des créations de places en quartiers pour peines aménagées allaient se faire « en centre ville ou en périphérie de ville et, pour les autres, il est prévu de relier les établissements au réseau des transports en commun de l’agglomération ». L’avis relève en outre que les horaires d’ouverture des centres et des quartiers sont parfois « trop restreints et incompatibles avec les rythmes de certains emplois que les personnes détenues ont moins de difficultés à occuper que les autres (restauration, bâtiment…) ». Afin de pallier cette difficulté, certains centres de semi-liberté permettent de sortir et de rentrer jour et nuit, une règle qui, selon lui, doit être généralisée, y compris pour les quartiers de semi-liberté. Le contrôleur général précise en outre que « l’affectation des semi-libres doit impérativement tenir compte du lieu de leur projet d’insertion pour que les plus grandes chances de succès leur soient données ». Ces remarques sont d’autant plus importantes si l’on considère que l’une des principales causes de révocation de la semi-liberté réside dans le non-respect des horaires de présence dans l’établissement.

Des délais trop longs

Lorsqu’une juridiction prononce une peine de moins de deux ans et décide que celle-ci doit être exécutée sous le régime de la semi-liberté, les délais dans lesquels le juge de l’application des peines (JAP) définit, après le jugement, les modalités de son exécution « peuvent être très longs », déplore l’avis, en moyenne deux ans et trois mois selon les cas étudiés. Même constat lorsque la semi-liberté est décidée en cours d’exécution de la peine. Le délai moyen entre la décision du JAP de placer un détenu sous ce régime et la mise en œuvre de la mesure est alors de 13 mois. Des délais « exagérés » et qui « compromettent des projets d’insertion ». En cause, l’insuffisance du nombre de magistrats (5) et de travailleurs sociaux, selon le contrôleur général, qui suggère donc d’« accroître les effectifs mais aussi de déléguer certaines responsabilités » (6).

Par ailleurs, parmi les obligations auxquelles le semi-libre peut être soumis figure l’obligation de soins, en cas d’addictions notamment. En pratique, déplore Jean-Marie Delarue, « les centres spécialisés sont souvent saturés et les délais d’attente se chiffrent en semaines ou en mois ». Dans la mesure où la durée du placement en semi-liberté est elle-même de quelques mois, « les obligations ne sont pas du tout, ou seulement en parties, suivies d’effet ».

Notes

(1) Avis du 26 septembre 2012, NOR : CPLX1236397V, J.O. du 23-10-12.

(2) Voir ASH n° 2764 du 15-06-12, p. 15.

(3) Voir ASH n° 2776 du 28-09-12, p. 46.

(4) Afin de renforcer les effectifs des CPIP, le gouvernement a prévu de créer 63 emplois supplémentaires en 2013 – Voir ASH n° 2778 du 12-10-12, p. 47.

(5) Pour mémoire, la ministre de la Justice a prévu, dans son budget pour 2013, la création de 80 postes de JAP – Voir ASH n° 2778 du 12-10-12, p. 47.

(6) Par exemple, le JAP peut, dans sa décision, autoriser le chef d’établissement pénitentiaire à modifier les horaires de sortie des détenus.

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