L’odyssée en coque de noix

Dans la pirogue, ils sont 30. Des Toucouleurs et des Wolofs du Sénégal et des Peuls de Guinée. Tous ces passagers ont le même objectif : rejoindre l’Europe et échapper ainsi aux problèmes de leurs pays, comme les inégalités dans la répartition des richesses et la corruption du gouvernement. « Si tu restes au pays, tu as dix chances sur dix de rater ta vie », lâche Lansana au cœur de cette fiction fondée sur des faits réels. Chaque voyageur a son idée de ce qui l’attend : Kaba deviendra champion de foot en France, Nafy cherchera un travail à Paris, un autre s’en va se faire greffer une nouvelle jambe, un vieillard travaillera dans les champs en Espagne. Tous ont dû payer au passeur un prix d’or (1 500 €) pour vivre cette dangereuse aventure. Ces hommes ont laissé femmes et enfants au pays, ils ne parlent pas tous le même dialecte, certains n’ont aucune idée de ce qu’est une traversée en mer… Mais le rêve européen vaut bien des sacrifices, se disent-ils. C’est Baye Laye qui a été choisi comme capitaine de cette embarcation illégale. Pêcheur, il connaît bien la mer. Il refuse au début de quitter sa famille et d’être responsable de toutes ces vies humaines. Mais quand son jeune frère lui annonce son intention d’embarquer dans le rafiot, il préfère prendre les commandes du Goor Fitt plutôt que de le voir périr entre les mains d’un marin moins expérimenté. Le voyage ne doit durer « que » sept jours. Les rations d’eau et de riz suffiront-elles ? Le moteur tiendra-t-il la distance ? La météo sera-t-elle favorable aux voyageurs ? La pirogue est un huis clos très réussi qui fait vivre au spectateur la traversée de l’intérieur. Un film à voir autant pour sa sensibilité et sa vision lucide que pour ses comédiens, parfaitement choisis.