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Les Préfas au cœur des débats sur la recherche au sein de l’appareil de formation

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Quatre ans après leur création, les pôles de recherche et d’étude pour la formation et l’action sociale (Préfas) ont dynamisé la production de connaissances. Retour sur le dispositif alors que s’ouvrent des discussions sur son recadrage.

Comment articuler les pôles de recherche et d’étude pour la formation et l’action sociale (Préfas) et les futures Hepass (hautes écoles professionnelles en action sociale et de santé)? Confier, par exemple, la valorisation de la recherche aux premiers et sa production aux secondes ? Les discussions – qui promettent d’être vives – sont lancées au sein de la commission « Recherche » de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale), dont la première réunion a eu lieu le 3 octobre. Objectif : arrêter une stratégie pour développer la recherche au sein de l’appareil de formation et voir, dans cette perspective, de quelle manière il convient de réorienter les ­Préfas. Un chantier hautement politique pour l’Unaforis à quelques semaines de la tenue de la conférence de consensus des 15 et 16 novembre prochain sur « La recherche en/dans/sur le travail social… ».

Encore faut-il savoir ce qu’ont apporté les Préfas sur le terrain. Leur origine remonte à la circulaire du 6 mars 2008, qui invitait les établissements de formation en travail social à être des têtes de pont pour structurer au plan régional la recherche dans le champ social. Un ballon d’oxygène donnée à la production de connaissances, qui s’accompagnait d’une préoccupation louable : éviter une recherche déconnectée des besoins en liant production de connaissances, formation et milieu professionnel. Qu’en est-il de cet élan quatre ans après ?

Une couverture nationale

Au vu du premier annuaire mis en ligne avant l’été par l’Unaforis et du bilan 2011 dressé par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la quasi-totalité du territoire est désormais couvert. On peut dessiner une carte géographique de 22 Préfas en métropole et à la Réunion – seules la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et Mayotte n’en ont pas créé. Signe qu’il existait toute une matière grise sur le social, éclatée, mal connue et peu utilisée, que les pôles ont permis de capitaliser. Signe également de l’intérêt que portaient à la recherche les établissements de formation, ceux-ci ont surpris par leur réactivité et sont les porteurs, seuls ou à plusieurs, des projets.

Deuxième enseignement, les Préfas ont eu un effet fédérateur, ce qui n’était pas gagné d’avance du fait des concurrences existant entre universités et centres de formation, mais aussi entre centres de formation sur un même territoire. Les pôles associent généralement, certes à des degrés divers et selon des confi­gurations variables, des centres de formation, des administrations, des structures d’observation et de veille… La présence des universités (par le biais de laboratoires ou de chercheurs) témoigne des liens tissés localement entre les campus et les écoles. Evolution encourageante, on constate une participation croissante des conseils régionaux et, dans une moindre mesure, des conseils généraux, encore à la traîne.

Il n’en reste pas moins une difficulté : la faible présence des associations employeurs au sein des pôles, ce qui pose la question de l’articulation de la recherche avec les pratiques d’intervention sociale. « On a du mal à sensibiliser les employeurs, regrette Patrick Menchi, ex-animateur du réseau national des Préfas. Certaines associations, parce qu’elles sont associées aux CREAI [centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées] ou parce qu’elles mènent déjà en interne ou par le biais de cabinets extérieurs leurs propres travaux de recherche, ont pu voir avec méfiance la création des pôles. » A cela s’ajoutent les recompositions du champ associatif, pris lui-même dans des enjeux de regroupement, qui font que, pour nombre d’employeurs, les priorités sont ailleurs.

Une autre limite tient à la dynamique même du partenariat. « Nous aurions souhaité que les coopérations avec le monde universitaire et l’ensemble des établissements de formation de la région soient systématiques », relève Isabelle Kittel, chargée de mission à la DGCS. Or ce n’est pas le cas partout. Par ailleurs, si les partenaires sont associés au sein des comités de pilotage et des comités d’évaluation des Préfas, ils sont peu présents (à l’exception d’une université en Picardie) aux côtés des porteurs des projets que sont les écoles de travail social. « Les têtes de pont gagneraient à être suffisamment diversifiées », plaide Isabelle Kittel, ce qui éviterait les risques de l’entre-soi et de la fermeture.

Animateurs ou producteurs ?

Quoi qu’il en soit, et en dépit des progrès encore à accomplir – qui s’expliquent aussi par la jeunesse du dispositif –, les Préfas sont désormais inscrits dans le paysage social et médico-social. Mais pour quels résultats concrets ? « En voulant réunir le maximum d’acteurs autour de la recherche, le risque était grand de créer un énième dispositif au service de quelques baronnies, plus autobloquant que constructif, analyse Patrick Menchi. Depuis la politique de la ville, on a l’habitude de ces machins pluri-tout, qui deviennent vite des usines à gaz. »

L’écueil, semble-t-il, a pour l’instant été évité. Les Préfas sont loin d’être des coquilles vides – « à condition de les activer en permanence », précise Chantal Goyau, ex-animatrice du réseau national des Préfas – même si la doctrine sur leur action est loin d’être stabilisée. Tous les pôles se retrouvent en effet autour des fonctions de repérage, de mobilisation des acteurs de la recherche et de valorisation des travaux. Mais ils se divisent sur leur fonction de production des connaissances – qu’ils investissent d’ailleurs plus ou moins : si certains conduisent directement des travaux de recherche, d’autres impulsent les projets mais confient leur réalisation à des laboratoires universitaires ou créés par les centres de formation au prétexte que les pôles n’ont pas à se substituer aux organismes de recherche. D’où la question qui traverse le réseau depuis ses origines : les Préfas sont-ils des animateurs et des coordonnateurs des travaux de recherche ou en sont-ils également des producteurs ? D’où également cer­taines craintes aujourd’hui sur les options qui seront retenues pour réorienter le dispositif.

Une certitude, en tout cas, « les Préfas produisent des connaissances directes et indirectes », analyse Isabelle Kittel. Indirectes à travers la création de banques de données, de lettres d’information et l’organisation de journées d’échange, « qui permettent un retour des savoirs vers la formation et/ou le milieu professionnel ». Directes, à travers la conduite d’études – souvent des recherches-action – qui couvrent les champs des politiques et dispositifs d’action sociale (pauvreté, parentalité…), des pratiques professionnelles (analyse des pratiques, participation des usagers…) et des populations (profils des étudiants, d’usagers…). Celles-ci tendent souvent à mettre en synergie des chercheurs, des formateurs et des praticiens. Les pôles tentent également de tisser des liens avec la formation en associant les étudiants à certains travaux, en créant des ateliers d’initiation à la recherche ou en organisant des débats.

Des réflexions à formaliser

La circulaire a donc amorcé une émulation autour de la recherche dans les régions. Mais au-delà de leurs productions, les Préfas ont déclenché, à partir de la mise en œuvre de leurs projets, des réflexions – certes encore très éparses – autour de l’articulation des savoirs professionnels et des savoirs académiques, de la diffusion des productions de recherche dans les contenus de formation, de leur appropriation par les praticiens. Il ne faudrait pas, toutefois, qu’avec leur intégration au sein de l’Unaforis, les ­logiques d’appareil étouffent ces interrogations qui mériteraient d’être davantage formalisées.

Reste que les Préfas demeurent fra­giles. Chaque projet est soumis à la reconduction chaque année de la subvention entre 20 000 et 60 000 € versée par la DGCS (prévue à l’origine le temps de la montée en charge), à laquelle peuvent s’ajouter une participation du conseil régional et des temps de mise à disposition par les centres de formation. « Pour asseoir une dynamique de recherche, il est indispensable de trouver des financements complémentaires », estime François Sentis, responsable de la commission « Recherche » de l’Unaforis.

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