La loi « handicap » du 11 février 2005 est-elle appliquée en matière de scolarisation des enfants handicapés ? Une mission conjointe des inspections générales de l’Education nationale et de l’administration de l’Education nationale et de la recherche s’est penchée sur le sujet dans un rapport récemment rendu public (1). Elle y formule une série de recommandations « pour avancer vers une école plus inclusive ». La ministre déléguée aux personnes handicapées a depuis apporté des précisions sur les mesures à venir dans le domaine de la scolarisation des élèves handicapées (voir ce numéro, page 5). Ces questions sont également au cœur du chantier de la refondation de l’école. La concertation menée dans ce cadre a débouché sur un autre rapport, officiellement dévoilé le 9 octobre, et sur lequel nous reviendrons dans notre prochain numéro.
La loi du 11 février 2005 a fait du projet personnalisé de scolarisation (PPS) le principal instrument d’organisation du parcours de formation de l’élève handicapé, soulignent tout d’abord les deux inspections de l’Education nationale. Elaboré par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), le PPS constitue un « véritable “cahier des charges” de la scolarité que l’école doit mettre en œuvre ». Il définit en effet les objectifs du parcours de formation ainsi que les moyens et les adaptations à mettre en place pour les atteindre, est-il rappelé. Or il règne une grande hétérogénéité des pratiques, a pu constater la mission sur le terrain. Plus précisément, explique-t-elle, le PPS « ne joue pas encore le rôle attendu par la loi », il n’est « pas en place sur l’ensemble du territoire national » (pas de document identifié comme tel dans certains départements, formulaires variés mais ne correspondant pas à l’outil prévu par la loi dans d’autres) et surtout, « dans beaucoup de cas, son élaboration est déléguée à l’Education nationale ». « Sur ce point, la loi n’est pas appliquée », conclut sévèrement la mission. Pour elle, il existe deux raisons à cette situation : d’une part, les MDPH n’ont pas les moyens humains pour élaborer les PPS et, d’autre part, l’élaboration de ces documents requiert « une connaissance du système éducatif et des compétences pédagogiques qui nécessitent l’intervention de professionnels de l’enseignement ». Elle préconise donc de déléguer la conception des PPS à l’Education nationale, plus particulièrement aux enseignants-référents. Tout en précisant qu’« il ne s’agit pas de déposséder les CDAPH [commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées] de leur rôle décisionnel, mais plutôt de demander à des équipes de l’Education nationale de concevoir, sur la base d’un cahier des charges élaboré par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, le parcours de formation et le projet de scolarisation qui en permet la mise en œuvre. Il appartiendrait aux CDAPH d’approuver les projets présentés et de décider des moyens nécessaires à leur réalisation. »
La mission propose également de donner aux PPS une portée pluriannuelle, correspondant à des cycles de la scolarité. Pour elle, il est indispensable que « tout enfant ou adolescent pris en charge par un établissement médico-social ou sanitaire bénéficie d’un vrai projet de formation traduit dans un PPS ».
Autre recommandation : conforter la fonction d’enseignant-référent en augmentant « sensiblement » leur nombre et en leur donnant une « véritable » formation. « Les textes définissant leurs missions sont à réactualiser, ne serait-ce que pour confirmer la nécessité de leur intervention auprès des élèves pris en charge dans le secteur médico-social », plaide la ministre.
Tandis que les associations pointent le manque de places en classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) et en unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) (2), les deux inspections générales recommandent de « repenser les dispositifs d’inclusion ». Plus précisément, il s’agit de rompre avec le modèle actuel qui consiste à diriger un élève vers un dispositif/structure prédéfini. Selon les rapporteurs, « il serait sans doute plus pertinent de construire d’abord le projet de l’élève avec une conception anticipatrice de son parcours pour définir ensuite quel appui un dispositif peut apporter ». Pour permettre une meilleure adaptation des enseignements du collège aux besoins de l’élève, ils proposent notamment de faciliter les parcours « modulaires » en classe ordinaire, en SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté) et en ULIS. Ils préconisent aussi d’implanter systématiquement les ULIS dédiées aux troubles des fonctions cognitives ou mentales, tels que les troubles envahissants du développement et les troubles spécifiques du langage et de la parole, dans des établissements qui comportent une SEGPA. Ou encore de développer les ULIS dans les lycées professionnels pour améliorer la « continuité du parcours des lycéens jusqu’à l’insertion » (3).
Signalons enfin que la mission aborde les questions de l’accompagnement des élèves par les auxiliaires de vie scolaire (4) et de la formation des enseignants.
(1) La mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 dans l’Education nationale – Martine Caraglio et Jean-Pierre Delaubier – n° 2012-100 – Juillet 2012 – Disponible sur
(2) La Fnaseph (Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap) l’a récemment souligné à l’occasion de la rentrée scolaire – Voir ASH n° 2775 du 21-09-12, p. 20.
(3) Bien que leur développement fasse partie de la feuille de route du ministère de l’Education nationale pour 2011-2012, il existe actuellement peu d’ULIS dans les lycées professionnels – Voir ASH n° 2709 du 13-05-11, p. 6 et n° 2772 du 31-08-12, p. 31.
(4) La mission recommande de développer l’assistance mutualisée, un chantier en cours depuis la parution cet l’été du décret qui a défini ses modalités de mise en œuvre – Voir ASH n° 2771 du 24-08-12, p. 5.