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Accéder à la santé : un parcours d’obstacles pour les personnes handicapées

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Lacune de la formation des médecins, lieux de soins inaccessibles, tarifs trop élevés…, se soigner relève de la mission impossible pour bien des personnes en situation de handicap. Les pouvoirs publics commencent à se saisir du sujet, mais trop lentement, selon les associations, alors que la situation s’aggrave.

La loi « handicap » du 11 février 2005 est claire : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit […] l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens. » Pourtant, plus de sept ans après, l’accès aux soins courants – non liés au handicap – reste, pour ce public, plus difficile que pour la population ordinaire, que ce soit pour les urgences médicales, les soins primaires (soins dentaires, examens ophtalmologiques…) ou la prévention, tant en ambulatoire que dans le secteur hospitalier. C’est toutefois un enjeu de santé publique : pour cette population vulnérable qui connaît, dans certains cas, une mortalité prématurée, l’inadaptation ou le retard des soins peut entraîner des « sur-handicaps préoccupants », souligne l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) (1).

Sous la pression des fédérations associatives, les pouvoirs publics commencent, enfin, à se saisir de la question. La ministre déléguée aux personnes handicapées a confié à Pascal Jacob, président de l’association I = MC2, une mission sur l’accès aux soins des personnes handicapées (voir encadré, page 27). « Le point de départ d’une prise de conscience collective a été l’audition publique organisée en octobre 2008 par la Haute Autorité de santé (HAS) sur l’accès aux soins courants pour ces publics, analyse Thierry Nouvel, directeur général de l’Unapei. Jusque-là toutes les associations concernées travaillaient sur cette problématique, chacune dans son coin. » Le rapport de la HAS peignait un tableau sombre. Il relevait « le manque d’accessibilité dans notre société, le manque de formation et d’information des acteurs concernés, l’insuffisance de disponibilité des professionnels ainsi que l’organisation complexe de l’offre de soins » et formulait de nombreuses recommandations.

PRÉOCCUPATION PHARE

En mai 2011, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) consacrait un chapitre au sujet dans son rapport annuel (2). De son côté, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) élabore actuellement une recommandation sur les besoins en santé des personnes handicapées. « La problématique de l’accès à la santé prend une ampleur telle qu’elle fait dorénavant partie des préoccupations phare des personnes handicapées, au même titre que l’accessibilité, le logement et les ressources », affirme Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France (APF). Dans le même sens, l’APAJH (Association pour adultes et jeunes handicapés) se dit « très revendicative » sur la question : « Compte tenu du désengagement de la sécurité sociale et de la raréfaction des réponses médicales sur le territoire, la situation s’aggrave », estime Jean-Louis Garcia, son président.

De fait, les obstacles restent nombreux. Avec, en tête de liste, l’inaccessibilité des lieux de soins. « On ne peut toujours pas accéder à la plupart des cabinets médicaux », s’insurge Jean-Marie Barbier. Même les maisons de santé, créées par la loi « hôpital, patients, santé et territoires », ne sont pas systématiquement adaptées aux fauteuils. La situation est telle que la simple création d’un répertoire officiel des lieux de soins accessibles constituerait déjà un progrès. Pour l’heure, c’est souvent le bouche-à-oreille qui fonctionne.

Pour accélérer le processus de mise en accessibilité (fixée par la loi à 2015), qui bloque notamment chez les praticiens libéraux pour des raisons financières, une proposition de loi déposée en 2010 par le député Jean-François Chossy, rapporteur de la loi de 2005, envisageait de rendre « déductibles de la taxe sur la valeur ajoutée » leurs dépenses d’adaptation du matériel au handicap. Tables gynécologiques et radiologiques, sièges de soins dentaires, appareils d’examens d’ophtalmologie et d’ORL nécessitent en effet souvent des aménagements simples. S’il n’y a pas eu de suite à cette proposition, les associations sont bien décidées à ce qu’elle ne reste pas lettre morte.

Second obstacle : l’indigence de la formation médicale consacrée au handicap. Durant son cursus, un médecin n’étudie le handicap – qu’il soit mental, moteur ou sensoriel – que durant sept ou huit heures. « C’est misérable ! Il faudrait au moins le double d’heures, ce qui ne changerait d’ailleurs rien en termes de coût », s’offusque Jean-Louis Garcia. Si cette lacune n’explique pas, à elle seule, les portes closes et les remarques hostiles dont sont parfois victimes les personnes handicapées, elle explique en partie le malaise des généralistes dès lors qu’ils ont affaire à ce public. Pour y remédier, une autre proposition de loi, également défendue en 2010 par Jean-François Chossy, proposait de consacrer des modules de formation « à l’éthique de la relation, à la coopération avec les réseaux de soins spécialisés sur des types de handicap, ainsi qu’au dépistage et à la reconnaissance des troubles psychiatriques et des souffrances physiques et psychiques ». Elle envisageait aussi « des stages dans les établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées ». Mais, là encore, le texte n’a pas eu d’écho.

AU-DELÀ DES MOTS

Les besoins sont pourtant manifestes. Notamment en ce qui concerne les personnes handicapées mentales et polyhandicapées, dont les difficultés de communication rendent souvent malaisé l’établissement d’un diagnostic médical (d’autant que s’y ajoutent, chez les secondes, de nombreuses problématiques somatiques qui complexifient encore la prise en charge). « Une personne autiste qui souffre ne le dira jamais ; en revanche, elle développera d’autres symptômes, comme le repli sur soi », explique Thierry Nouvel. Au final, pour les personnes en situation de déficience intellectuelle, « les retards de soins, les traitements inappropriés et/ou les examens superflus sont fréquents, ce qui génère souvent des souffrances inutiles », relève Pierre Lagier, membre de la commission « santé » de l’Unapei et président de l’association Chrysalide-Marseille, qui gère une quarantaine d’établissements et services pour personnes handicapées mentales.

Il peut également être difficile de déterminer avec certitude si ces personnes acceptent ou refusent telle ou telle intervention médicale, d’autant que, si elles sont majeures, le secret médical ne permet pas aux proches d’être informés (sauf s’ils ont été désignés tuteurs ou « personnes de confiance » telles que créées par la loi sur le droit des malades du 4 mars 2002). Et même lorsqu’elles sont d’accord, il n’est pas toujours simple de circonscrire avec précision les bénéfices en résultant ; aussi est-il important de se doter de garde-fous éthiques, notamment en faisant précéder la décision médicale d’une discussion collégiale avec le personnel médico-social et les familles. Exemple : une personne polyhandicapée peut avoir besoin d’une intervention orthopédique pour être assise en fauteuil au lieu d’être continuellement allongée. Mais l’intérêt social – pouvoir regarder les gens en face, être plus mobile – compense-t-il les risques de régression qui résultent de l’hospitalisation ?

SOINS DENTAIRES ANXIOGÈNES

Autre difficulté : une possible inadaptation des comportements lors des consultations médicales. Illustration avec les soins dentaires : « Alors que, pour les personnes ordinaires, ils entraînent une petite appréhension surmontable, pour les personnes handicapées mentales, ils peuvent être tellement anxiogènes qu’il faut fréquemment avoir recours – même pour une simple carie – à une sédation (calmant), voire à une anesthésie générale », explique Pierre Lagier. Pour développer les soins conservateurs et freiner le recours à l’ablation des dents malades, des administrateurs de Chrysalide-Marseille ont créé, en 2006, en partenariat avec l’hôpital de La Timone, Handident PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur), un réseau de santé de soins et d’hygiène bucco­dentaires à destination des personnes handicapées (qui existe également dans d’autres régions). Objectifs : former les chirurgiens-dentistes au handicap, orienter les familles vers les professionnels sensibilisés et équiper les hôpitaux publics en sédatifs adaptés.

Pour compléter l’action de ce réseau, un cabinet dentaire mobile a également vu le jour en 2011 : il se rend dans les établissements médico-sociaux auprès des personnes handicapées qui ont du mal à se déplacer ou pour lesquelles se rendre dans un lieu de soins peut susciter des attitudes inappropriées.

BONNES PRATIQUES

Autre moment délicat pour les personnes handicapées mentales ou polyhandicapées, l’hospitalisation. « Là encore, il ne s’agit pas tant de spécificités techniques proprement médicales – l’opération consécutive à une appendicite sera la même pour tous – que de mettre en place un accompagnement adapté, que ce soit pour aider la personne dans les actes de la vie courante, pour faciliter la communication ou encore pour assurer une présence pendant certains examens médicaux », explique Pierre Lagier. Sinon des personnes incapables de manger seules continueront, par exemple, à se voir enlever leur plateau-repas qu’elles n’y ont pas touché.

Conscients du problème, certains hôpi­taux publics ont créé une « mission handicap » chargée d’améliorer la qualité de l’accueil et de la prise en charge. Initiée en 1997, celle de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) organise des formations à destination des professionnels médicaux, paramédicaux et administratifs, et de ses étudiants (sages-femmes, kinésithérapeutes, assistantes sociales, puéricultrices…). « Il s’agit de leur donner des pistes – qui sont souvent de simple bon sens – pour qu’ils adaptent leur savoir-être et leur savoir-faire », explique Nadège Renaux, responsable de la mission. Cette dernière a également élaboré une série d’outils (3), dont une plaquette de conseils pratiques rédigée en collaboration avec le centre de ressources autisme Ile-de-France pour les personnels de santé. Ou encore un « kit de communication », réalisé avec des urgentistes, des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social et des associations, pour les services d’urgence de France, qui permet, grâce à des pictogrammes, d’améliorer l’expression des personnes handicapées (pour mieux appréhender, par exemple, leur niveau de douleur).

Au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, la « mission handicap » a réussi à convaincre quelques écoles d’infirmiers des Bouches-du-Rhône d’intégrer dans leur formation l’étude d’une dizaine de cas de personnes handicapées ainsi qu’un stage dans un établissement médico-social. Ce premier pas devrait, selon Pierre Lagier, s’accompagner de la création, au sein de chaque hôpital, « d’équipes spécialisées dans le handicap qui apporteraient une expertise et délivreraient des conseils d’accompagnement » ou, à défaut, « d’équipes issues des établissements médico-sociaux qui interviendraient spécifiquement dans les hôpitaux ».

HÔPITAUX EN RETRAIT

Troisième obstacle : la coopération insuffisante entre les secteurs sanitaire et médico-social et leur méconnaissance réciproque qui nuit à la continuité des parcours de soins. « Il arrive qu’après une visite aux urgences, on nous renvoie une personne au milieu de la nuit sous perfusion : c’est un veilleur de nuit qui l’accueille ! », déplore Pierre Lagier. Les médecins hospitaliers « imaginent souvent les structures médico-sociales comme des cliniques avec des infirmiers 24 heures sur 24 ».

Il y a certes des avancées : l’hospitalisation à domicile (HAD), qui existe dans les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) depuis 2007, vient d’être autorisée au sein de l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux avec hébergement (4). Une évolution positive saluée par la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) et l’APF, car elle va permettre « d’adapter les parcours de soins et d’accompagnement des personnes vulnérables et d’éviter des réhospitalisations ».

Néanmoins, les hôpitaux restent globalement très en retrait. Il y a bien quelques initiatives intéressantes comme ce « dossier de liaison pour enfants et adultes dépendants », élaboré par la mission handicap de l’AP-HP en partenariat avec les associations, pour améliorer la continuité de l’information lorsqu’un patient handicapé à domicile ou en établissement médico-social est hospitalisé. Téléchargeable sur Internet, ce document non médical se compose d’une fiche « vie quotidienne » (destinée au personnel soignant à l’arrivée de la personne à l’hôpital) et d’une fiche « retour » (pour l’établissement à l’issue du séjour hospitalier) dans lesquelles peuvent figurer le degré de dépendance de la personne au quotidien, ses manifestations douloureuses, sa dernière prise alimentaire, etc. Mais il est encore loin d’être généralisé…

Les bonnes pratiques reposent encore, la plupart du temps, sur la bonne volonté d’acteurs locaux. C’est le cas de la convention signée entre l’association Chrysalide-Marseille et le centre départemental gérontologique des Bouches-du-Rhône, qui permet à deux médecins gériatriques d’intervenir aussi dans les établissements de la Chrysalide. Avec le double intérêt de faire bénéficier les résidents vieillissants de leur expertise médicale et, à terme, la possibilité de leur proposer une orientation au sein de l’EHPAD du centre départemental.

QUELS FINANCEMENTS ?

Reste enfin un frein majeur : le coût des soins. Les personnes en situation de handicap sont doublement concernées par le poids croissant des frais de santé. Alors qu’ils sont souvent de gros consommateurs de soins en raison de leur pathologie, les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) sont exclus de la couverture maladie universelle complémentaire : ils ne dépassent pourtant son seuil d’affiliation que de quelques dizaines d’euros ! D’où la demande des associations de réajuster celui-ci.

Autre revendication de l’Association des paralysés de France : supprimer les franchises médicales. « Elles ont été faites officiellement pour “responsabiliser les malades”. Or les personnes handicapées ne sont généralement pas responsables de leur handicap, ni des frais de santé qui en découlent ! », dénonce Jean-Marie Barbier.

Blocage encore avec la tarification des actes médicaux. « La clientèle handicapée n’est pas intéressante pour les professionnels de santé car, pour un forfait identique, il faut passer plus de temps auprès d’elle, ne serait-ce que pour l’aider à se déplacer ou l’installer sur la table d’examen », explique Jean-Marie Barbier. « A l’heure actuelle, la sécurité sociale fixe le même tarif pour une consultation ordinaire et pour une consultation avec une personne handicapée », renchérit Pierre Lagier. En attendant que soit reconnue la spécificité des soins dispensés aux personnes handicapées par une revalorisation des actes médicaux et paramédicaux, le réseau de santé Handident, à Marseille, a mis en œuvre un système de financement complémentaire via un fonds d’intervention de l’agence régionale de santé lorsque les besoins de la personne handicapée exigent un surcroît de travail.

La question de la santé renvoie également à la réforme de la dépendance qu’a promis de reprendre le gouvernement. Après 60 ans, une personne handicapée bascule dans le secteur des personnes âgées et est moins bien prise en charge, alors même qu’elle est confrontée à des difficultés supplémentaires d’accompagnement (les parents, eux-mêmes vieillissants, ne sont plus en mesure de s’en occuper aussi bien) et de santé. L’APAJH préconise donc la création d’« un cinquième risque de la sécurité sociale sur l’autonomie et la dépendance, couvrant le grand âge et le handicap, avec un financement par la hausse de la CSG ». Or, selon les premières précisions données le 7 septembre par Michèle Delaunay, la réforme, renvoyée à 2014, devrait être relativement modeste. La ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie a exclu de créer une cinquième branche de l’assurance maladie – ce qui rejoint l’orientation du précédent gouvernement – même si le financement devrait relever de la solidarité nationale. Elle a jugé, en outre, qu’une « convergence vieillesse-handicap » n’était pas concevable. « On ne peut pas pourtant attendre que le dossier soit débloqué pour les personnes âgées pour prendre des mesures pour les personnes handicapées ! », s’insurge Jean-Marie Barbier.

Premiers pas encourageants… à confirmer

Bien que le candidat François Hollande soit resté très discret, pendant sa campagne, sur l’accès aux soins des personnes handicapées, s’en tenant aux mesures générales sur la santé (encadrement des dépassements d’honoraires, développement des pôles de santé de proximité…), sa présidence s’ouvre sur deux décisions encourageantes.

Tout d’abord, dans le prolongement de ses travaux sur la mise en œuvre de l’hospitalisation à domicile dans les établissements sociaux et médico-sociaux – effectués, il est vrai, à la demande du précédent gouvernement –, Pascal Jacob, président de l’association I = MC2, vient de se voir confier par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées, une mission sur l’accès aux soins courants des personnes handicapées, notamment celles touchées par un handicap sévère.

L’approche se veut originale puisqu’il envisage de recueillir 150 interviews de personnes handicapées et de leurs familles et de réaliser un film qui mettra en évidence leurs demandes.

Ce document sera présenté lors d’un séminaire organisé le 15 janvier 2013 autour de quatre thèmes : la méconnaissance réciproque du monde du handicap et du soin, l’organisation de la coordination sanitaire et médico-sociale, la prévention et les urgences. Objectif : élaborer une feuille de route qui sera discutée, de janvier à mars, au sein d’ateliers réunissant l’ensemble des acteurs concernés en vue de produire, en avril, un état des lieux et des recommandations.

« 15 % des hospitalisations de ces personnes pourraient être évitées si une politique de prévention était menée à leur égard, estime Pascal Jacob. Je rencontre sur le terrain de nombreux acteurs de la santé et du secteur médico-social, qui ont trouvé des solutions pour offrir des soins et un accompagnement adaptés. Des bonnes pratiques existent mais ne sont pas capitalisées. » Si cette mission va dans le sens souhaité par les associations, celles-ci attendent surtout des mesures concrètes.

Quant au second geste important du président de la République, qui pourrait aussi favoriser l’accès aux soins, il réside dans sa décision d’intégrer un volet sur le handicap dans chaque projet de loi (5). Une mesure, réclamée depuis plusieurs années par les associations, qui consacre le caractère transversal de la politique du handicap. Mais là aussi, « reste à savoir comment la circulaire sera mise en œuvre, tempère Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France. Est-ce que le Conseil national consultatif des personnes handicapées va être saisi sur la totalité des textes ? » L’APAJH (Association pour adultes et jeunes handicapés), quant à elle, voudrait voir inscrite cette nouvelle mesure « dans le marbre » de la loi, voire de la Constitution, et réfléchit à des propositions en ce sens.

Isabelle Sarazin

Déficients auditifs : des besoins spécifiques notamment en santé mentale

En matière d’accès à la santé, les personnes sourdes, malentendantes ou souffrant de troubles de l’audition (acouphènes, hyperacousie, surdité évolutive…) sont confrontées à un double obstacle : à l’absence de sensibilisation des personnels médicaux à leur handicap s’ajoute la non-prise en compte de leur souffrance psychique, très fréquente du fait de leur sentiment d’isolement ou de perte d’autonomie (6). « Outre la difficulté de communication que peuvent vivre les personnes sourdes, la non-connaissance des effets de la surdité et des troubles de l’audition risque d’engendrer des malentendus sur les thérapies et l’accompagnement à mettre en œuvre, notamment en matière de santé mentale », expliquent Cédric Lorant et Jean-Louis Bosc, respectivement président et vice-président de l’Unisda (Union nationale pour l’insertion sociale du déficient auditif), ainsi que Roselyne Nicolas, présidente de France Acouphènes. Accentués par le fait que le handicap n’est pas toujours visible, les freins à l’accès aux soins sont particulièrement importants dans les services d’urgence des hôpitaux et dans les consultations auprès de praticiens libéraux. Or, si des dispositifs d’accueil et de soins adaptés (notamment en langue des signes pour les patients sourds) ont bien été créés, l’offre reste très insuffisamment développée, en particulier concernant le volet santé mentale.

L’Unisda et France Acouphènes ont entrepris des démarches auprès des pouvoirs publics, d’une part pour inscrire dans les plans régionaux de santé l’accès des personnes sourdes au droit commun en matière de prévention et de soins de santé mentale (en créant notamment « de petites équipes-ressources régionales dédiées ») et, d’autre part, pour recenser les réseaux de professionnels sensibilisés à leurs difficultés spécifiques.

C. S.-D.

Oubliées de la prévention

Les personnes handicapées sont largement exclues de la prévention en matière de santé. Parfois faute d’un équipement adapté : pour le dépistage du cancer du sein, par exemple, les appareils utilisés pour les mammographies sont destinés à des femmes en position debout et ne peuvent être employés lorsqu’elles sont en fauteuil. Mais aussi à cause de préjugés discriminatoires : « Certains professionnels de santé ne voient tout simplement pas la nécessité de faire de la prévention vis-à-vis notamment des personnes polyhandicapées, qui ne sont toujours pas considérées comme des personnes à part entière », déplore Pierre Lagier, membre de la commission « santé » de l’Unapei et président de l’association Chrysalide-Marseille.

Selon le degré de handicap, des possibilités existent néanmoins. L’association Chrysalide-Marseille a établi un partenariat avec la section « sports adaptés » de la faculté des sports de la ville : ses foyers d’accueil médicalisés accueillent des stagiaires chargés d’organiser des activités physiques dont les effets sur la santé sont bien connus.

Pour mieux évaluer les besoins de santé et de prévention, il faudrait mettre l’accent sur la recherche. Les relations entre la santé et le handicap restent encore largement à explorer – par exemple le rapport entre handicap mental et obésité (7). L’Unapei soutient un projet sur les liens entre déficience intellectuelle et cancer, sur les aspects de la recherche, du traitement et de la prévention. La survenance de cette maladie semble en effet plus précoce chez les personnes handicapées mentales. Mais, faute de financement, le projet n’a pas encore démarré…

C. S-D.

Notes

(1) Dans son « Programme pour les élus de la République » à destination des candidats aux élections présidentielle et législatives.

(2) En ligne sur www.ladocumentationfrancaise.fr/ var/storage/rapports-publics/114000264/0000.pdf.

(3) En ligne sur http://handicap.aphp.fr.

(4) Voir ASH n° 2774 du 14-09-12, p. 36.

(5) Voir ASH n° 2773 du 7-09-12, p. 11.

(6) Voir ASH n° 2710 du 20-05-11, p. 23.

(7) Le risque d’obésité serait de 1,5 à 2,5 plus important chez un jeune en situation de handicap mental.

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