En dehors des films de Tony Gatlif, qui sont des fictions, peu de réalisateurs nous ont fait pénétrer dans l’univers des Manouches. Le projet initial de Bruno Le Jean était musical – produire un documentaire sur des musiciens de jazz manouche et rendre hommage à Django Reinhardt – mais, au fil des cinq années de tournage aux côtés d’Angelo, de Moreno, de Ninine et de Tchavolo, Les fils du vent se sont transformés en un portrait de la communauté manouche. Outre leur amour de la nature, leur vie familiale très riche et leur attachement quasi charnel à leur caravane, les Manouches partagent avec le spectateur les problèmes qu’ils rencontrent dans leur quotidien en France. Alors qu’ils se disent « fiers d’être français », ils sont las de devoir faire valider leur carnet de circulation tous les trois mois et ont du mal à comprendre l’adulation qu’ils suscitent sur scène et le rejet qu’ils subissent dans les rues de la part des gadjé. Le sujet n’est pas abordé sous l’aspect politique mais sociologique, afin de mieux appréhender leur mode de vie, leurs difficultés pour trouver un emplacement ou tout simplement de l’eau. Devant ces obstacles, Moreno a d’ailleurs renoncé à la vie en caravane et s’est installé avec sa femme dans un appartement à Paris – mais il continue, à travers son style de vie et son look, à être profondément gitan. Les autres protagonistes ne se voient pas se sédentariser. « Cela peut paraître primitif mais c’est une belle vie pour nous », martèle Angelo Debarre. En effet, malgré leur reconnaissance – Angelo a une longue discographie à son actif et Tchavolo Schmitt est considéré comme le digne héritier de Django Reinhardt –, ces voyageurs purs et durs restent très attachés aux traditions. Tous craignent néanmoins de vivre les derniers instants de ce mode vie nomade…
Et puis, dans Les fils du vent, il y a la musique. Tous les artistes dont le réalisateur fait le portrait manient la guitare depuis leur plus tendre enfance. Dans leurs caravanes, il y a peu de places pour stocker les souvenirs, alors l’héritage passe par cette passion, qu’ils se transmettent de génération en génération, au coin du feu. « Ma guitare me fait manger et elle sera mon bâton de vieillesse », assure Ninine, pour qui « la musique est comme l’air que l’on respire ». Entre festivals et concerts plus intimes à La Chope des puces, à Saint-Ouen, le spectateur est invité à partager leur plaisir de jouer.
Les fils du vent
Bruno Le Jean – 1 h 36 – En salles le 10 octobre