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Vers une nouvelle procédure de retenue pour vérification du droit au séjour

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Un projet de loi institue une retenue pour remplacer la garde à vue des étrangers présumés clandestins. Il étend par ailleurs le champ des immunités en matière d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.

Le texte était attendu depuis plusieurs semaines (1). Manuel Valls a présenté le 28 septembre, en conseil des ministres, un projet de loi « relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées ». Un texte – assez mal accueilli par les organisations de défense des droits des étrangers (voir ce numéro, page 21) – qui tire notamment les conséquences de plusieurs arrêts récents de la Cour de cassation remettant en cause – pour non-conformité du droit français au droit européen – les placements en garde à vue d’étrangers seulement soupçonnés d’être en situation irrégulière.

Le projet de loi propose également d’élargir le champ des immunités pénales en matière d’aide à l’entrée ou au séjour irréguliers afin, en particulier, de mieux protéger les militants des associations d’aide aux immigrés ou même les simples particuliers contre le fameux « délit de solidarité ».

16 heures de retenue pour vérifier la situation d’un étranger

En premier lieu, le texte institue un régime de retenue spécifique censé combler le vide juridique provoqué par la Cour de cassation qui, le 5 juillet dernier, a déclaré non conforme au droit européen le placement en garde à vue (pour 24 heures renouvelables une fois) d’une personne sans papiers pour le seul motif qu’elle est en situation irrégulière (2). Au cœur du problème juridique posé par la législation française : l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui punit notamment d’une peine d’emprisonnement de un an tout ressortissant d’un pays tiers à l’Union européenne qui a pénétré irrégulièrement en France, a séjourné sur le territoire sans titre de séjour ou s’y est maintenu au-delà de la durée autorisée par son visa. Un article qui, avant que la Cour de cassation ne se penche dessus en juillet dernier, constituait le fondement légal de nombreux placements en garde à vue décidés sur le seul motif du séjour irrégulier, offrant aux forces de l’ordre ayant interpellé une personne soupçonnée de cette infraction un cadre juridique – et du temps – pour procéder aux vérifications nécessaires. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, la Haute Juridiction ayant décidé, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné pour ce seul motif. Or la réforme de la garde à vue opérée au printemps 2011 a limité son recours aux personnes soupçonnées d’infractions passibles d’une peine d’emprisonnement.

Autrement dit, depuis que la Cour de cassation a adopté cette position, une personne qui, à l’occasion d’un contrôle, refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité peut simplement, si elle est soupçonnée du seul délit de séjour irrégulier, être retenue sur place ou conduite à un local de police pour une procédure de vérification d’identité d’un maximum légal de quatre heures. Un délai jugé par Manuel Valls insuffisant pour engager une éventuelle procédure d’expulsion. Le ministre propose, en conséquence, un nouveau système de retenue en commissariat ou gendarmerie pouvant aller, au maximum, jusqu’à 16 heures à compter du début du contrôle d’identité ou de titre ayant conduit à l’interpellation de l’étranger. Un temps, précise le projet de loi, strictement limité aux nécessités de l’examen de sa situation et, le cas échéant, au prononcé et à la notification des décisions administratives applicables.

Mise en œuvre par un officier de police judiciaire, cette retenue sera placée sous le contrôle du procureur de la République et ce dernier pourra y mettre fin à tout moment, indique le projet de loi. Elle devrait être assortie de garanties. Le texte offre, en effet, à l’étranger – informé de cela dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend – la possibilité de solliciter l’assistance d’un interprète ou d’un médecin, de prévenir ou faire prévenir sa famille ou toute personne de son choix, ou bien encore de « faire aviser » un avocat désigné par lui ou commis d’office. Le projet de loi lui prévoit, à cet égard, un accès à l’aide juridique. L’avocat désigné devrait pouvoir communiquer avec l’intéressé dès son arrivée pendant 30 minutes « dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien ».

Le texte précise la possible articulation de la nouvelle mesure avec une éventuelle procédure de vérification d’identité qui l’aurait précédée. Dans cette hypothèse, la durée de cette dernière viendrait s’imputer sur celle de la vérification de situation lui succédant. De la même manière, dans le cas où une mesure de garde à vue succéderait à la procédure de retenue aux fins de vérification, la durée de cette dernière viendrait s’imputer sur celle de la garde à vue.

Suppression du « délit de solidarité »

C’est l’autre mesure emblématique du projet de loi : le ministre de l’Intérieur propose d’étendre le champ de l’immunité pénale prévue en droit français en matière d’aide à l’entrée ou au séjour irréguliers. Immunité contre le « délit de solidarité », expression inventée par les défenseurs des étrangers se rapportant à l’article L. 622-1 du Ceseda qui permet de poursuivre « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France ».

De longue date, cette immunité – prévue à l’article L. 622-4 du même code – suscite de larges débats. De nombreuses associations souhaitent en effet qu’elle protège plus explicitement les personnes qui fournissent une aide humanitaire aux clandestins. En 2011, le législateur a fait un geste mais n’a répondu que partiellement à ces demandes en accordant l’immunité à toute personne physique ou morale lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger », notion se substituant à celle de « sauvegarde de la personne » (3). Cette réécriture a en effet été « insuffisante à garantir l’action des associations et de leurs membres qui, dans le cadre de leurs actions, sont régulièrement conduits à assurer des prestations diverses auprès de toute personne en demande et sans considération de leur nationalité et de leur situation administrative en France », explique l’exposé des motifs en évoquant « une aide alimentaire, des hébergements, des soins médicaux ou des conseils juridiques ».

Le projet de loi propose donc d’étendre l’immunité à « toute personne physique ou morale sans but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant des prestations de restauration, d’hébergement ou de conseils juridiques, lorsque l’aide désintéressée que cette personne […] peut apporter dans ce cadre n’a d’autres objectifs que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à la personne de nationalité étrangère en situation irrégulière ».

Au passage, le texte propose également d’élargir le champ de l’immunité dont les membres de la famille proche de l’étranger peuvent bénéficier – également prévue à l’article L. 622-4 du Ceseda –, en y incluant les membres de sa belle-famille (ascendants, descendants ou frères et sœurs).

Notes

(1) Voir ASH n° 2771 du 24-08-12, p. 14.

(2) Voir ASH n° 2768 du 13-07-12, p. 18.

(3) Voir ASH n° 2719-2720 du 22-07-11, p. 55.

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