Alors que le gouvernement s’active sur les mesures d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) prend position sur le sujet et formule, dans un avis adopté le 26 septembre (1), une série de recommandations qui abordent notamment les emplois d’avenir – dont le projet de loi devrait être définitivement voté au Parlement le 9 octobre (2) – ainsi que les contrats de génération actuellement discutés par les partenaires sociaux (3).
Pour le CESE, « l’apprentissage a fait l’objet d’un large consensus sur son intérêt et son efficacité » et ses résultats en termes d’insertion professionnelle sont bons. Le conseil préconise donc de poursuivre son développement et propose de confier aux centres de formation, et notamment aux centres de formation d’apprentis, une mission d’accompagnement des jeunes dans leur recherche d’employeurs. « Cet accompagnement pourrait se traduire, en lien avec les organisations professionnelles et/ou les chambres consulaires, par le développement de portails de mise en relation des jeunes avec les offres des employeurs, élaborés au niveau régional », précise l’avis. Dans ces structures, des référents pourraient accompagner les jeunes apprentis dans leurs démarches relatives au logement, à la santé, au transport ou encore de garde d’enfants. Pour favoriser l’embauche à l’issue d’une période d’apprentissage, le CESE invite aussi les partenaires sociaux à fixer, branche par branche, un objectif de jeunes alternants recrutés en contrat à durée indéterminée. Dans la même idée, il propose de renforcer la réglementation des stages en entreprise afin d’éviter tout effet d’aubaine pour les employeurs. Il encourage, par ailleurs, le secteur public a augmenter « de façon significative » ses places d’apprentissage.
Parallèlement aux dispositifs « deuxième chance » existants visant à rapprocher les jeunes de l’école, le CESE propose la création d’un dispositif spécifique « au sein de l’Education nationale pour les jeunes de 16-18 ans », l’objectif étant de répondre plus spécifiquement aux jeunes décrocheurs avant qu’ils ne s’installent dans une logique de déscolarisation. « La prise en charge des décrocheurs est en effet marquée par une discontinuité importante, et il peut se passer plusieurs années entre une sortie du système scolaire et la prise en charge par une mission locale », constate le conseil. Les structures qu’il propose de mettre en place joueraient donc un rôle de « sas » permettant au jeune déscolarisé « de définir son projet personnel et professionnel, de sortir de la spirale de l’échec scolaire, de se mettre en confiance par rapport à l’école à travers un travail sur les savoirs fondamentaux, d’acquérir des compétences transversales de socialisation ». Cette transition pourrait durer de trois mois à une année scolaire, avec une prise en charge d’une trentaine d’heures hebdomadaires, totalement individualisée. La structure qui pourrait être créée dans un établissement référent, prioritairement en lycée professionnel, serait animée par un coordinateur et mobiliserait une équipe pluriprofessionnelle comprenant des enseignants spécialisés, des personnels médicaux et sociaux et des intervenants extérieurs. A l’issue de sa prise en charge, l’élève serait accompagné selon son projet vers une rescolarisation ou une formation en alternance.
Pour le CESE, « le secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) apporte une contribution essentielle à l’insertion professionnelle des jeunes particulièrement éloignés de l’emploi ». Ces structures – notamment sous forme associative – « ont acquis un savoir-faire éprouvé dans l’accompagnement de personnes éloignées de l’emploi ainsi que dans leur qualification et leur formation ». Le rapport préconise donc de conforter ce secteur dans son financement et d’en faire un des secteurs prioritaires dans la mobilisation des contrats aidés.
L’action des missions locales en direction de ce public est également mise en valeur. Le CESE salue notamment « la qualité des résultats obtenus en termes de retour à l’emploi ou d’accès à des formations par le réseau des missions locales dans un contexte contraint, et la pertinence d’un réseau territorialisé, impliquant fortement les élus locaux dans sa gouvernance, pour définir des actions au plus près des besoins ». Il invite toutefois à une meilleure coordination des actions en faveur des jeunes entre Pôle emploi et les missions locales. « Plutôt que de faire évoluer les missions locales vers le rôle de relais systématique de Pôle emploi auprès de tous les jeunes de moins de 26 ans (qui impliquerait de repenser le projet des missions locales en leur confiant une activité quasi-exclusive de placement, y compris pour des jeunes diplômés), le conseil estime nécessaire de centrer leur activité sur les publics les plus éloignés de l’emploi, disposant d’un besoin de formation important » et d’élaborer pour ces jeunes un panel d’interventions obligatoires, définies en lien avec l’Etat.
Le CESE propose également aux missions locales de développer, afin d’accroître leur visibilité au niveau national, « un label ou une identité de réseau plus forte ». Il estime enfin que le réseau des missions locales « pâtit de moyens insuffisants et hétérogènes » et encourage l’Etat, comme il l’a fait pour Pôle emploi, à renforcer leurs moyens, notamment humains, dans le cadre de conventions d’objectifs signées aussi avec les collectivités territoriales.
Un jeune de moins de 25ans qui cherche pour la première fois un emploi n’a accès ni à une allocation de chômage, ni au revenu de solidarité active (RSA). « Près de 356 000 jeunes actifs au chômage se retrouvent ainsi sans indemnisation ni minimum social », relève le conseil. Une aide contractualisée pourrait donc être proposée, pendant six mois au maximum, à tout jeune demandeur d’emploi âgé de moins de 25 ans n’ayant pas acquis suffisamment de droits pour entrer dans le système assurantiel et s’inscrivant dans un parcours d’insertion renforcé. Cette aide pourrait être versée par Pôle emploi et le jeune serait tenu de rechercher activement un emploi, dans les mêmes conditions que les autres demandeurs.
Le conseil propose également d’aligner progressivement la situation des jeunes actifs sur le droit commun, en abaissant la limite d’âge de 25 à 18 ans pour l’attribution de plein droit du RSA. « Une telle mesure serait de nature à inciter financièrement les jeunes actifs à s’inscrire dans un parcours d’insertion », estime-t-il. L’accompagnement social, professionnel et le suivi de leurs obligations d’insertion seraient confiés aux missions locales. Afin de mettre en œuvre progressivement une telle mesure, l’âge ouvrant droit au RSA de droit commun pourrait, dans un premier temps, être abaissé à 21ans (contre 25ans actuellement) ou bien la durée d’activité exigée pour bénéficier du RSA jeune (actuellement de deux ans au cours des trois dernières années) ramenée à un an, périodes de stage incluses.
Globalement, le CESE est favorable à une hausse du nombre de contrats aidés – via les emplois d’avenir – pour éviter aux jeunes les plus éloignés de l’emploi de se couper du marché du travail. Il met toutefois l’accent sur les actions de formation qui doivent être mises en œuvre dans le cadre de ces emplois ainsi que sur la durée des contrats qui, selon lui, doit être de 36 mois minimum si l’on veut favoriser une insertion durable des publics visés par le projet de loi.
Quant aux contrats de génération qui, pour mémoire, devraient permettre simultanément l’embauche d’un jeune et le maintien dans l’emploi d’un senior, le conseil, sans remettre en cause l’opportunité de la mesure, s’interroge sur le risque d’effet d’aubaine attaché au dispositif. Il encourage les partenaires sociaux et le gouvernement à prioriser le public des jeunes les moins qualifiés rencontrant des difficultés particulières d’insertion sur le marché du travail et des seniors exposés à des facteurs de pénibilité professionnelle ou relevant de secteurs et de métiers qui, « du fait de leur pyramide des âges, sont susceptibles de perdre des compétences clés dans les années à venir ».
Dans son rapport, le CESE propose d’étendre la gratification des stages en travail social à l’ensemble de la fonction publique territoriale, et pour l’ensemble des formations de la filière médico-sociale, au besoin en prévoyant pour les secteurs concernés une compensation à négocier avec les pouvoirs publics. Pour le conseil, une concertation pourrait s’engager avec les partenaires sociaux sur l’évolution des conditions de gratification des stagiaires : « un versement dès le premier jour pour tous les stages quelle que soit leur durée pourrait être envisagé (afin d’éviter les effets de seuil constatés) et le montant de cette gratification pourrait être modulé selon le niveau de qualification du stagiaire, conformément à ce que l’ANI [accord national interprofessionnel] du 7 juin 2011 invite les branches professionnelles à réaliser ».
(1) L’emploi des jeunes – Septembre 2012 – Disp. sur
(2) Sur le projet de loi, voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 5.
(3) Voir ASH n° 2774 du 14-09-12, p. 10.