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Christiane Taubira présente une politique pénale de rupture

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Longtemps attendue, la circulaire de politique pénale a enfin été diffusée aux chefs des juridictions, après avoir été présentée en conseil des ministres le 19 septembre. En rupture avec les orientations de la précédente majorité, cette circulaire pose les bases de la politique gouvernementale en matière de lutte contre la récidive – « une priorité d’action » –, d’aménagement de peine, de prise en compte des victimes… Une politique « fondée sur la triple exigence de fermeté, d’efficacité dans la lutte contre la délinquance et de respect des droits fondamentaux », souligne la chancellerie. Si les organisations syndicales saluent les mesures décidées, elles n’en demeurent pas moins inquiètes de l’absence de moyens dévolus à leur mise en œuvre (voir ce numéro, page 16).

Signalons que le texte redéfinit également les relations entre la ministre de la Justice et les parquets qui ont seuls la responsabilité de la mise en œuvre de l’action publique, a rappelé Christiane Taubira, qui s’exprimait le 20 septembre dans le journal Le Monde. Une façon pour la ministre de leur redonner la possibilité d’user de leur capacité d’appréciation des affaires dont ils sont saisis.

Les grands principes de l’action judiciaire

La nouvelle politique pénale du gouvernement se fonde, entre autres, sur les principes directeurs suivants :

→ l’individualisation de la décision, y compris dans un contexte d’urgence. La garde des Sceaux demande en effet aux magistrats de prendre en compte « en toutes circonstances », les éléments de fait, le contexte et la personnalité des mis en cause. Sur ce dernier point, elle estime que « certains outils favorisant l’individualisation demeurent encore insuffisants – notamment en ce qui concerne les renseignements de personnalité », des outils qu’elle entend renforcer « dans les mois à venir » ;

→ des réponses pénales intervenant « en temps utile ». Et « le temps utile n’est pas le temps long, c’est le temps pertinent », a indiqué la ministre de la Justice au journal Le Monde ;

→ une attention particulière portée à la situation des victimes dans le souci de « procurer un accompagnement opérationnel effectif » (voir ci-dessous) ;

→ le respect des droits de la défense ;

→ le recours à une peine d’emprisonnement ferme uniquement en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur la rendent nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. Ce, conformément à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. « La prison comme mode de punition légitime n’est pas remise en cause, a assuré la ministre de la Justice lors du conseil des ministres, mais son impact sur les risques de récidive doit être sérieusement pris en compte » (1). En ce sens, indique-t-elle dans la circulaire, « la diversification des orientations pénales doit être accrue » (voir ci-dessous) ;

→ la spécialisation de la justice des mineurs. En ce domaine, « l’exigence d’individualisation des décisions s’applique avec une acuité encore supérieure », précise la circulaire.

La lutte contre la récidive

Christiane Taubira requiert des juridictions qu’elles traitent la récidive avec une « indispensable fermeté », sans toutefois faire fi du principe d’individualisation de la réponse pénale. Dans ce cadre, a-t-elle insisté lors du conseil des ministres, les parquets doivent « s’assurer que la majorité des sorties de prison soient encadrées par des mesures de suivi appropriées et que la continuité de ce suivi soit garantie. Tout manquement aux obligations de suivi fera l’objet d’un signalement immédiat à l’autorité judiciaire ». « Ces mesures immédiates sont nécessaires mais pas suffisantes », a reconnu la ministre de la Justice, qui s’en remet à la conférence de consensus sur la récidive pour lui proposer de nouvelles mesures (2).

Quant à l’application des peines plancher – c’est-à-dire l’application automatique de peines qui ne peuvent être inférieures à ce qui est prévu par les textes –, la ministre de la Justice demande instamment aux magistrats de tenir compte de la situation personnelle, sociale et économique de chaque prévenu. Un dispositif qu’elle souhaite, à terme, supprimer (3).

La baisse de la surpopulation carcérale via les aménagements de peine

Le taux de la surpopulation carcérale est encore « extrêmement élevé », note la garde des Sceaux : il est supérieur à 200 % dans 11 établissements pénitentiaires et compris entre 150 et 200 % dans 31 autres. De plus, parmi les détenus, 40 % ont été condamnés à des peines fermes de moins de six mois et 45 % sont à moins de six mois de la fin de leur peine. Au vu de ces constats, Christiane Taubira entend réorienter la politique pénale « vers plus d’efficacité ». Elle invite donc dans sa circulaire les juridictions à veiller tout particulièrement à l’aménagement des peines d’emprisonnement, en particulier les peines anciennes ou inférieures à six mois. Les demandes présentées en ce sens doivent être traitées « dans les meilleurs délais » tant en ce qui concerne les condamnés libres que les personnes incarcérées. Dans ce cadre, la surveillance électronique de fin de peine et la procédure simplifiée d’aménagement des peines (4) prévues par la loi pénitentiaire doivent être développées.

Plus globalement, la garde des Sceaux demande aux juridictions de « privilégier les peines qui permettent de prononcer une sanction compréhensible par tous, préservant l’intérêt des victimes et les mieux à même de prévenir le risque de récidive et de favoriser la réinsertion de la personne condamnée ».

La prise en compte des victimes

Pour la ministre, « l’accompagnement des victimes, par une association d’aide aux victimes, avant, pendant et après le procès doit demeurer une priorité ». Concrètement, pour elle, il s’agit de « favoriser les mesures les plus opérationnelles » pour leur permettre de bénéficier d’un accueil et d’une écoute de qualité dès leur dépôt de plainte, d’exercer leurs droits, et de disposer des informations nécessaires à leur bonne compréhension du processus pénal. C’est pourquoi Christiane Taubira rappelle que chaque tribunal de grande instance doit être doté d’un bureau d’aide aux victimes (BAV), dont la création est désormais encadrée (5). Pour mémoire, la loi de finances pour 2012 a prévu l’installation cette année de 12 nouveaux BAV, portant leur nombre total à 50. Parallèlement, la garde des Sceaux invite les juridictions et les préfets à développer les permanences d’associations d’aide aux victimes, en particulier au sein des unités de police et de gendarmerie (6).

Par ailleurs, souligne la circulaire, « l’indemnisation effective des victimes est une priorité gouvernementale qui nécessite de les orienter efficacement vers les instances appropriées ». Aussi préconise-t-elle de « prévoir la mise à disposition de formulaires de saisine de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions et du service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions et de leurs notices explicatives à la sortie de la salle d’audience » ou encore « l’envoi de tels formulaires conjointement à l’envoi du jugement ».

[Circulaire n° CRIM 2012-16/E-19.09.2012 du 19 septembre 2012, NOR : JUSD1234837C, disponible sur www.justice.gouv.fr]
Notes

(1) En effet, a expliqué la ministre de la Justice, « l’incarcération aggrave le risque de récidive puisque 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont de nouveau condamnées dans un délai de cinq ans, contre 39 % pour celles qui ont terminé leur peine sous le régime de la libération conditionnelle ».

(2) Voir ASH n° 2775 du 21-09-12, p. 13.

(3) Voir ASH n° 2768 du 13-07-12, p. 16.

(4) Voir ASH n° 2679 du 22-10-10, p. 47.

(5) Voir ASH n° 2759 du 11-05-12, p. 17.

(6) Ces permanences pourraient, selon la circulaire, être financées grâce aux crédits du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance.

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