L’heure n’était pas à l’excès de confiance, le 25 septembre, lors de la traditionnelle « rentrée sociale » de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) devant la presse. Quatre mois après l’élection présidentielle, le contexte a pourtant changé. Les associations de solidarité se réjouissent de plusieurs impulsions données par le nouvel exécutif – une série de textes en faveur de l’accès au logement, la suppression du « ticket d’entrée » à l’aide médicale de l’Etat, de nouvelles orientations pour la politique pénale et la justice des mineurs ou encore la promesse de relancer le chantier de la dépendance –, et surtout de la concertation engagée, jugée plus « réelle ». Face aux contraintes « lourdes et contradictoires », « nous ne sommes pas de ceux qui s’impatientent devant une supposée lenteur des décisions », a assuré Dominique Balmary, président de l’Uniopss.
Un optimisme nuancé par les indicateurs socio-économiques, tous au rouge : le chiffre record de 3 millions de chômeurs est dépassé, le taux de pauvreté continue de grimper et le taux de croissance espéré pour 2013 n’est que de 0,8 %, quand « il faut 1,8 % pour recréer de l’emploi ». Alors que l’Etat doit trouver 37 milliards d’euros pour atteindre son objectif de réduction des déficits, « quelle va être l’attitude des pouvoirs publics vis-à-vis des associations sanitaires et sociales ? », s’interroge le président de l’Uniopss. La réduction des marges de manœuvre est d’autant plus inquiétante que les structures sont, depuis deux ans, confrontées à un « effet de ciseaux » – entre la chute de leurs financements et l’accroissement des besoins sociaux. « L’emploi est en repli dans le secteur », notamment dans l’aide à domicile, rappelle Nicolas Clément, directeur général de l’union, relevant au passage la part croissante du secteur privé à but lucratif. En attendant les arbitrages du gouvernement sur le financement de la protection sociale, le déficit du régime de la sécurité sociale (14,7 milliards) n’est pas, non plus, « fait pour nous rassurer », ajoute Dominique Balmary.
Dans ce contexte, le risque est grand d’assister à un décalage entre le volontarisme affiché et la mise en œuvre. Les deux premiers sujets phare du gouvernement – l’emploi des jeunes et le logement – révèlent déjà des paradoxes. Dans le texte créant les emplois d’avenir, adopté par le Sénat le 25 septembre, la formation des jeunes recrues est bien obligatoire, mais « son financement reste non fléché, regrette Nicolas Clément. Bien que cette question relève des partenaires sociaux et des régions, nous aurions aimé des indications plus contraignantes. » Au final, la prise en charge de la formation, de l’accompagnement et le surcoût éventuel d’un salaire dépassant le SMIC pourraient amener « une partie des associations à ne pas accueillir d’emplois d’avenir », même si elles sont prioritairement visées par la loi, craint le directeur général.
Le projet de loi « Duflot » sur la mobilisation du foncier public et le renforcement des obligations de production de logement social, également en cours d’adoption au Parlement, suscite aussi le scepticisme. « Comment produire 30 000 logements sociaux en plus [pour arriver à un objectif annuel de 150 000] avec un budget 2013 annoncé en baisse ? », s’interroge Jeanne Dietrich, conseillère technique au pôle « lutte contre les exclusions ». L’Uniopss souhaite, en outre, que le texte aille au bout de ses ambitions en fixant un minimum de 30 % de logements PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) dans toutes les communes et en rendant systématique le quintuplement des pénalités à l’égard de celles qui ne respectent pas la loi « Solidarité et renouvellement urbains ».
Pour les associations, les priorités de l’Etat en matière de solidarité se mesureront à l’aune du prochain plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et l’exclusion annoncé pour janvier, que l’Uniopss avait expressément demandé au candidat François Hollande. Alors que la conférence préparatoire est prévue les 11 et 12 décembre, soit un mois après la date initialement annoncée (voir ce numéro, page 5), la commission « lutte contre pauvreté » de l’Uniopss (les 32 organisations du collectif Alerte) devrait remettre ses propositions en octobre.
Les associations devront batailler sur le fond tout en jonglant avec le calendrier parlementaire. « Nous avons distingué l’urgence et le moyen terme, défend Dominique Balmary. Nous ferons toutes les pressions nécessaires pour que des mesures soient intégrées au cours de l’examen du budget », qui se termine en principe avant la fin de l’année.
Outre ses propositions sur le projet de loi « Duflot », l’Uniopss porte, avec le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement, plusieurs revendications sur l’hébergement et le logement.
Les organisations réclament un budget 2013 en phase avec les besoins, un moratoire des expulsions avec dédommagement du propriétaire, la revalorisation des aides personnelles au logement avant 2014 et la diminution des loyers des logements sociaux.
Elles veulent également rappeler au chef de l’Etat son engagement de créer 15 000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence en cinq ans. Sur ce sujet, « nous avons pris note de la rallonge budgétaire de 50 millions d’euros [voir ce numéro, page 6], qui est à relativiser » compte tenu du sous-financement chronique du secteur, souligne Jeanne Dietrich.