« Son engagement envers les plus vulnérables, sa haute compétence dans le domaine de l’avance en âge et son attachement aux missions de service public ont contribué à un développement majeur de la gérontologie en France », résume la Fondation nationale de gérontologie (FNG) à l’annonce du décès de Geneviève Laroque, sa présidente. Celle qui fut à l’origine de la circulaire du 26 août 1986 « relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale » a disparu le 19 septembre à l’âge de 82 ans dans une unité de soins palliatifs.
On parlait souvent à Geneviève Laroque de son illustre cousin Pierre Laroque (1907-1997), fondateur de la FNG et surtout « père » de la sécurité sociale et auteur du « Rapport sur la politique de la vieillesse » en 1962. Cette « grande dame » aura, elle aussi, à sa façon, symbolisé la lutte de ceux qui se battent pour que la vieillesse sorte de l’indifférence. C’est en 1974 qu’elle « tombe », selon ses propres termes, dans la gérontologie avec pour mission, au sein de l’AP-HP, de coordonner les activités des établissements de long et moyen séjour. Elle se surnomme alors « l’Impératrice des poubelles », tant il y a à faire pour transformer les hospices en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). « J’ai soufflé sur le feu tant que j’ai pu. 1975, c’est l’année où la décision a été prise de supprimer les hospices dans les dix ans. En 1985, il a fallu se donner dix ans de plus, mais le mouvement était lancé », confiait-elle aux ASH dans une interview en 2007 (1).
La gérontologie n’était pas son unique centre d’intérêt, comme le montrent ses autres investissements : vice-présidence de HABEO (Handicap, âge, bientraitance, écoute, orientation), présidence de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) de 1994 à 1996, membre du comité d’honneur de Jalmalv (Jusqu’à la mort accompagner la vie) Ile-de-France, présidence du conseil d’administration de l’IDEF (Institut de l’enfance et de la famille), membre de l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale décentralisée) et du Cedias-Musée social…
Celle qui préférait au terme « vieillir » celui d’« avancer en âge » était de tous les congrès du secteur gérontologique, où elle défendait ses convictions avec ferveur. « Elle avait un franc-parler dont on a, plus que jamais, besoin », affirme Alain Villez, conseiller technique à l’Uniopss, qui a travaillé à ses côtés sur le droit universel à l’autonomie, « le 5e risque, dont elle n’a malheureusement pas pu voir l’aboutissement ». Marie-Jo Guisset, responsable du pôle « initiatives locales » de la Fondation Médéric-Alzheimer, côtoyait Geneviève Laroque depuis 30 ans : « Nos premiers débats ont concerné les petites unités de vie, à propos desquelles elle était très réservée. Mais, même quand elle n’était pas d’accord, elle donnait son opinion avec beaucoup de respect. Elle avait toujours les mots justes et pertinents. »
« Elle avait une libre parole, certes, mais ce n’était en rien de l’agitation d’idées ; plutôt une réflexion personnelle sur la place des personnes âgées basée sur son parcours institutionnel », pointe Jean-Michel Hote, secrétaire général de la Fondation nationale de gérontologie. « Elle martelait l’idée qu’il y a une vieillesse ordinaire sans incapacités – comme elle – et souhaitait qu’après le mouvement de libération de la jeunesse et celui de la femme, il existe enfin un mouvement de libération des vieux ! » Jean-Michel Hote rappelle, en outre, que cette militante s’intéressait à la formation professionnelle et restait attentive à l’évolution des métiers de la gérontologie, de l’aide médico-psychologique au gériatre. « Elle avait encore des projets comme de travailler sur les questions d’éthique et mettre à jour la charte des droits et libertés des personnes âgées. »
Si la présidence de la fondation reste vacante, Geneviève Laroque – qui a assuré ses missions jusqu’au bout – avait préparé le terrain pour son successeur en réfléchissant au « repositionnement » de l’institution face à la baisse des financements publics.
Née en 1930, Geneviève Laroque a été diplômée de l’ENA en 1965 (promotion Stendhal). Après un passage (1975-1983) à l’AP-HP en tant que directrice déléguée pour les établissements de moyen et long séjour, elle entre à la direction générale de la santé (1983-1987) comme sous-directrice, puis comme chef de service, avant de devenir inspectrice générale des affaires sociales (1987-1996). Elle est alors détachée pour diriger le cabinet de Michel Gillibert, secrétaire d’Etat aux handicapés et accidentés de la vie, en 1988, puis celui de Théo Braun, ministre délégué aux personnes âgées, en 1990.
Elle présidait la FNG (Fondation nationale de gérontologie) depuis 1991.