Introduite par la circulaire du 6 mars 2008, la notion de « site qualifiant » a mis les organismes d’accueil des stagiaires en situation d’organisation apprenante, co-actrice de la formation, et fait passer l’alternance d’une conception « juxtapositive » à « intégrative ». Reste que ce nouveau modèle, qui renforce la synergie entre l’établissement de formation et le terrain de stage, bouscule les habitudes et peine à se mettre en place.
La notion de « site qualifiant » est encore peu intégrée dans les structures d’accueil des stagiaires, relève ainsi une recherche exploratoire réalisée à la demande du Prefas (pôle régional d’étude pour la formation et l’action sociale) Provence-Alpes-Côte-d’Azur par le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) et l’observatoire régional des métiers en 2010 et 2011 (1). Des entretiens ont été conduits auprès de sept professionnels (responsables de structures, chefs de service) chargés de l’accueil et de l’accompagnement de stagiaires préparant le Caferuis (certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale) et le DEIS (diplôme d’Etat d’ingénierie sociale) au sein de plusieurs établissements (2).
L’enquête relève que les cultures d’accueil sont très variables suivant les structures. Si une minorité, de taille importante (avec plusieurs dizaines, voire des centaines de salariés), dotée de services de ressources humaines ou de formation, est engagée dans une démarche régulière et structurée en matière d’accueil, pour la majorité, composée de toutes petites associations, les expériences d’accompagnement sont plus ponctuelles. Globalement, les connaissances relatives à la notion de site qualifiant sont plutôt limitées et les managers s’engagent avec réserve dans la démarche : il y a beaucoup d’interrogations et de craintes, par exemple sur le temps pris par l’accueil de stagiaires, sans compter les préoccupations financières liées à leur gratification. Quoiqu’il en soit, les participants sont fortement demandeurs d’informations concrètes (guides, ateliers de réflexion…), ne serait-ce que parce que la transmission des savoirs d’expérience est devenue un enjeu dans un contexte de renouvellement générationnel important.
L’étude met également en évidence que les expériences d’accueil sont très hétérogènes et développées de façon empirique. « C’est principalement en situation de travail que les acteurs professionnalisent leur pratique tutorale », et l’idée de concevoir des outils d’accompagnement préétablis ne semble pas appropriée. Leur approche repose principalement sur des entretiens entre le stagiaire et les personnes qui l’accompagnent (directeur de la structure, tuteur, chef de projet…) et des écrits rédigés par le professionnel en formation au fur et à mesure de l’avancée de son stage. « Les tuteurs privilégient une démarche maïeutique où leur rôle est d’accompagner le questionnement du stagiaire sur son positionnement de futur cadre », ce qui n’apparaît pas en tant que tel dans les référentiels des diplômes, précise l’étude. Celle-ci met d’ailleurs en évidence un décalage entre les savoirs d’expérience, jugés incontournables par les tuteurs pour l’exercice du métier de cadre, et la façon dont ils sont formulés dans les référentiels, ce qui ne manque pas d’interroger.
Cette recherche régionale, qui permet notamment de mettre au jour les activités liées au tutorat – émergence d’une « professionnalité » ?, comme le suggère l’étude –, s’ajoute aux travaux en cours sur l’alternance. Ses résultats pourront en particulier être mis en regard avec ceux de la recherche action menée actuellement par le Céreq et son réseau de centres associés visant à évaluer la mise en œuvre de l’alternance intégrative (3). Effectuée à la demande de la direction générale de la cohésion sociale sur cinq diplômes (éducateur spécialisé, assistant de service social, éducateur de jeunes enfants, moniteur-éducateur et auxiliaire de vie sociale) dans trois régions (Alsace, Aquitaine, Rhône-Alpes), elle vise à produire un guide méthodologique à la fin de l’année afin de faciliter la mise en œuvre de l’alternance dans les formations sociales? Après l’établissement d’un diagnostic général et la réalisation en juillet d’une enquête auprès des étudiants pour savoir comment ils ont vécu leur dernier stage, une investigation est menée auprès de 30 sites qualifiants.
(1) « Le tutorat de futurs cadres du social » – Collection Céreq NEF n° 50 – Juillet 2012 –
(2) Deux maisons d’enfants à caractère social, un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, un institut médico-éducatif, un service d’accompagnement à la vie sociale et une structure d’accompagnement à l’insertion sociale.