En s’installant à Bercy, le ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, et le ministre délégué chargé du budget, Jérôme Cahuzac, ont trouvé sur leurs bureaux un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) commandé par le précédent gouvernement et relatif aux agences de l’Etat, ces « entités qui, quoique distinctes de l’Etat, sont étroitement contrôlées et largement financées par lui » (1). Ils ont rendu le document public le 17 septembre (2). En résumé, l’IGF y dénonce le coût et les effectifs pléthoriques du millier d’agences qu’elle a répertoriées, tout en mettant en doute leur efficacité. Elle critique notamment le fait que la plupart ont été créées sans cohérence d’ensemble et sans réflexion systématique sur leurs conséquences sur le reste de la sphère publique. C’est ainsi que, dans certains champs de politiques publiques, « les acteurs apparaissent nombreux et la répartition des compétences fixées par les textes […] n’est pas toujours suffisamment précise pour éviter les frottements ». Des doublons peuvent apparaître avec l’Etat et entre agences. Une situation observable en particulier dans les sphères de la santé et du secteur médico-social. L’IGF cite à cet égard en exemple les acteurs de l’amélioration de la qualité des établissements de santé et médico-sociaux.
Plusieurs agences sont chargées d’aider ces établissements à améliorer la qualité de leur prestation :
→ l’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux), qui travaille sur la performance des établissements et notamment sur l’efficience de leur gestion ;
→ l’ANESM (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), qui produit des recommandations sur la qualité des prestations fournies par les établissements médico-sociaux (notamment du point de vue de la bientraitance des personnes) ;
→ et la HAS (Haute Autorité de santé), qui produit des recommandations sur la qualité des soins et des pratiques médicales.
Pour l’IGF, la distinction entre leurs compétences n’est pas toujours évidente (3). Ainsi, entre l’ANAP et l’ANESM, la frontière entre qualité et efficacité des prestations n’est pas toujours nette. L’ANAP a par exemple publié en avril 2011 un guide sur les repas consacré plus particulièrement aux « textures modifiées », dans lequel il s’agissait de présenter de bonnes pratiques permettant de concilier une alimentation adaptée aux capacités des personnes en alliant plaisir gustatif et qualité nutritionnelle. Or « l’ANESM aurait pu produire un guide équivalent ».
La frontière n’est pas non plus nette, aux yeux de l’inspection, entre la HAS et l’ANESM. Ainsi, sur les six recommandations produites ou engagées en 2010 par l’ANESM, la HAS a participé, à des niveaux d’implication divers, à quatre d’entre elles, illustrant des thématiques communes.
Enfin, la distinction des compétences n’est pas évidente non plus entre la HAS et l’ANAP. « Dans le cadre de ses missions sur la performance des établissements, l’ANAP est amenée à travailler sur l’efficacité de l’organisation des soins », explique le rapport. « De son côté, la HAS ne peut traiter de la qualité des pratiques médicales sans évoquer les questions d’organisation des soins. »
Cet exemple, pris dans la sphère sociale, n’est pas isolé. Et, pour l’IGF, tend à montrer que « l’Etat est peut-être allé trop loin dans son démembrement ». Entre autres propositions, elle suggère donc le lancement d’une série d’audits transversaux portant sur tous les acteurs d’une politique publique (Etat et agences) afin de rationaliser l’organisation actuelle et de supprimer les éventuels doublons.
Plusieurs mesures inspirées du rapport seront proposées dans le cadre des lois financières de l’automne (projet de loi de programmation des finances publiques et projet de loi de finances), ont indiqué Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac dans un communiqué. Par ailleurs, une mission de réflexion sera lancée dans les prochaines semaines, afin qu’une « stratégie globale de réforme et de modernisation de l’action publique » soit arrêtée « à l’automne 2012 » puis synthétisée par la ministre de la Réforme de l’Etat.
(1) Une étude du Conseil d’Etat sur le même sujet a été publiée quelques jours auparavant. Ce document plaide pour un recours plus approprié aux agences et un meilleur encadrement (« Les agences : une nouvelle gestion publique ? », disp. sur
(2) L’Etat et ses agences – Rapport n° 2011-M-044-01, mars 2012, disp. sur
(3) Un constat déjà établi par le député Yves Bur dans un rapport publié en juillet 2011 – Voir ASH n° 2719-2720 du 22-07-11, p. 9.