L’orphelinat, la famille d’accueil, l’hospice, la Légion étrangère, la prison, la rue, les squats, les accueils de nuit, l’hôpital psychiatrique, la cure de désintoxication, Paris, Marseille, Madagascar, Djibouti… Romuald Le Doze est passé par là. Au centre de son univers, pendant une grande partie de sa « vie ratée » : l’alcool. A chaque fois qu’il trouvait un travail (dans des imprimeries, en tant que vigile, déménageur ou chaudronnier), il le perdait immanquablement à cause de ses absences. Les cuites l’empêchaient de se lever le matin. Quand il faisait la manche, pour laquelle il était plutôt doué – « Ivre ou pas, je marchais droit et avais toujours une blague ou un sourire » –, toutes les pièces qu’il collectait étaient destinées à se payer un litron. Dans son autobiographie au titre poétique Je n’entendais plus les oiseaux, il écrit même : « L’alcool était ma famille. » « Je buvais tant de rosé mélangé à du jus d’orange que le midi je n’avais plus besoin de me nourrir et le soir, je me débrouillais, étant à moitié dans les nuages, avec une baguette de pain. » Mais s’il publie aujourd’hui ses mémoires, c’est qu’il va mieux.
A 62 ans, il touche l’allocation aux adultes handicapés, vit dans un appartement à Marseille et n’a plus touché une goutte d’alcool depuis une quinzaine d’années. Il fait même du bénévolat auprès des personnes âgées au sein de l’association Les Petits Frères des pauvres. Et continue à rêver d’une vie « comme les autres ». Pour y parvenir, il s’est tourné vers la littérature, lui qui, toute sa vie, même dans les caves les plus pourries où il s’abritait, n’a cessé d’écrire des poésies, souvent à la lueur d’une bougie. Il partage ici ses années de « dégringolade ». Le livre fourmille de détails, mais manque parfois de repères chronologiques. Reste qu’il s’agit d’un juste témoignage sur une vie rythmée par les bouteilles, la manche et l’hôtel. A la rue, il y a le froid et la faim, mais aussi les amis, les amantes, les embrouilles et les larcins, la générosité des uns, la violence des autres. Certes, Romuald Le Doze parle souvent d’injustice et de ressentiment – « même ivre 20 heures sur 24, je me rendais parfaitement compte de l’inutilité de ma vie » –, mais il reste confiant en l’avenir et savoure ses moments de bonheur, « libéré de la peur du manque de plafond ».
Je n’entendais plus les oiseaux
Romuald Le Doze – Ed. La Petite Edition – 14 € – A commander sur