L’évolution du RSA sera bien abordée dans le groupe de travail sur l’accès aux droits constitué en amont de la conférence sur la lutte contre la pauvreté et les exclusions, se réjouit Pierre-Edouard Magnan, délégué adjoint du MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires), au lendemain de la réunion du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) du 10 septembre, qui se penchait sur la préparation de l’événement (voir ce numéro, page 10).
Les conclusions d’une étude de la Mission régionale d’information sur l’exclusion Rhône-Alpes (MRIE) (1), présentées aux membres du CNLE avant qu’elles ne soient rendues publiques le 18 septembre, tombent à point nommé pour éclairer les carences du dispositif. Question centrale : le RSA permet-il de sortir de la pauvreté ou se limite-t-il à la gérer ? Le bilan de l’enquête, réalisée en 2011 avec six caisses d’allocations familiales, six départements et le Pôle d’expertise régional des CAF (2), est négatif à plusieurs égards. Plus des deux tiers des personnes enquêtées sont encore allocataires du RSA au bout de 18 mois, et plus de la moitié ont exercé une activité professionnelle. Parmi elles, néanmoins, 72 % ont été concernées par le temps partiel, et la moitié évoque des contrats aidés ou de moins de six mois. « Il apparaît que la sortie du dispositif n’est positive que pour une poignée de personnes et que la majorité des allocataires du RSA en mars 2010 vit toujours une situation de pauvreté. » Ce sombre tableau est toutefois nuancé par des constats plus encourageants : 20 % des répondants estiment que leur situation s’est améliorée et, parmi ceux qui ont bénéficié d’un accompagnement (61 %), 63 % estiment qu’il les a aidés. La part de foyers ayant des ressources supérieures au seuil de bas revenus est passée sur la période d’étude de 12 % à 17 %, soit une légère augmentation. « Si le RSA peut être un coup de pouce à un moment donné pour certains, pour d’autres il est une situation durable, y compris le RSA activité qui accompagne la précarisation de l’emploi », conclut la MRIE.
L’intérêt de cette étude est également de proposer une analyse qualitative de l’expérience des allocataires. Leurs revenus, y compris avec le RSA activité, étant « dans la plupart des configurations familiales, en dessous du seuil de pauvreté », leurs conditions de vie restent très précaires. Même pour le RSA activité, un répondant sur quatre dit recourir à une aide alimentaire. Un constat qui plaide en faveur d’une réflexion sur le montant de l’allocation, comme le souligne ATD quart monde, qui réclame sa revalorisation à 50 % du SMIC.
A l’aune de ses constats, la MRIE propose par ailleurs des pistes pour résoudre la complexité des procédures et rendre le dispositif plus lisible. Le manque d’information apparaît en effet comme un problème majeur, y compris dans les courriers aux allocataires. « Par exemple, ils sont avertis d’une réduction ou d’une augmentation du RSA sans pour autant qu’il y ait de justification. » Les variations importantes du montant d’un mois à l’autre, ainsi que les fréquents mouvements entre les différents types de RSA sont facteurs de déstabilisation. En outre, les conséquences de la prise en compte des aides au logement ou des ressources d’un jeune en apprentissage dans le calcul du RSA du foyer sont notamment perçues comme difficilement compréhensibles.
L’objectif du RSA d’améliorer la situation des allocataires n’a été que partiellement atteint, conclut la MRIE. Et les derniers chiffres de l’INSEE (3) démontrent que le principal outil mis en œuvre pour réduire d’un tiers la pauvreté lors du quinquennat précédent est loin d’avoir tenu ses promesses. Pis, 8,6 millions de personnes se trouvaient en 2010 en dessous du seuil de pauvreté, qui correspondait cette année-là à 964 €, soit 14,1 % de la population, contre 13,5 % en 2009. Sur fond de creusement des inégalités (le niveau de vie baisse ou stagne pour quasiment toutes les catégories de population, sauf pour les plus aisés), cette progression affecte davantage les moins de 18 ans, dont le taux de pauvreté atteint 19,6 % (+ 1,9 point).
(1)
(2) Les départements concernés sont l’Ain, la Drôme, l’Isère, la Loire, le Rhône, la Haute-Savoie. Outre l’exploitation des données des CAF, 2093 allocataires ont répondu à un questionnaire et 70 ont été interrogés en entretien. Les informations portent sur leur parcours sur 18 mois (de mars 2010 à septembre 2011).
(3) « Les niveaux de vie en 2010 » – INSEE première n° 1412 – Disponible sur