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Selon le CNLE, il faut mettre en œuvre un « reste pour vivre » pour les ménages pauvres

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Face à l’intensification de la pauvreté sous l’effet de la crise économique et malgré les diverses aides accordées, les ménages précaires ne parviennent plus à satisfaire leurs besoins primaires, constate le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La définition d’un « reste pour vivre » doit permettre de leur garantir un revenu minimum décent.

Il y a « urgence à mettre en œuvre de manière effective le droit pour les personnes en situation de pauvreté d’accéder à des moyens convenables d’existence », alerte le président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), Etienne Pinte, dans un rapport (1) remis le 4 septembre à Marisol Touraine et à Marie-Arlette Carlotti, respectivement ministre des Affaires sociales et ministre déléguée chargée de la lutte contre l’exclusion. Un groupe de travail constitué en 2011 au sein de l’instance a planché sur la notion de « reste à vivre », rebaptisée « reste pour vivre ». Il tente aujourd’hui d’en donner une définition et formule par ailleurs des propositions pour améliorer l’adéquation des conditions d’octroi des prestations sociales à la situation des ménages précaires. Dans un communiqué, les ministres ont rappelé que, de son côté, le gouvernement avait d’ores et déjà engagé des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes (hausse de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, coup de pouce supplémentaire au SMIC…).

Des dépenses contraintes en constante hausse…

Selon Didier Piard, directeur de l’action sociale de la Croix-Rouge française et président du groupe de travail, « les ressources des ménages à revenus modestes sont faibles et de plus en plus instables » et, « dans le même temps, leurs dépenses contraintes [2] sont en forte augmentation ». La part de ces dépenses est aujourd’hui de 27 % pour les ménages à hauts revenus contre 48 % pour les ménages pauvres et 46 % pour les ménages modestes, un taux qui a « doublé en 25 ans » pour ces deux dernières catégories, relève le rapport. Parmi ces dépenses, ce sont celles liées au logement (3) et à l’énergie qui pèsent le plus.

Dans ce cadre, l’accès aux services essentiels « est rendu plus difficile ». Les gouvernements ont bien mis en place des tarifs sociaux – pour le gaz ou l’eau, notamment. Cependant, note le CNLE, « même s’ils permettent une solvabilisation partielle et temporaire des ménages, [ils] ne sont pas bénéfiques à long terme car ils peuvent être stigmatisants. C’est ce qui peut sans doute expliquer une bonne partie du non-recours aux tarifs sociaux. »

… et des prestations sociales inadaptées…

Les dépenses contraintes ne permettent plus l’accès aux besoins essentiels malgré le versement de prestations sociales. Pour le groupe de travail, cette situation s’explique par le fait que « les modalités d’indexation des prestations sociales ne sont plus adaptées à la lutte contre la pauvreté ». Par exemple, illustre-t-il, si le montant du revenu minimum d’insertion a été initialement calé sur la moitié du montant du SMIC net mensuel à plein temps, le montant du revenu de solidarité active (RSA) « socle » pour une personne qui le remplace aujourd’hui ne correspond plus qu’à 43 % d’un SMIC net (474,93 € au 1er janvier 2012). Aussi le CNLE suggère-t-il de nouveau non seulement d’augmenter le RSA « socle » de 25 %, « le plus rapidement possible et au plus tard sous cinq ans », mais aussi de réexaminer sa clause d’indexation sur la croissance et non plus sur les prix. S’agissant des aides au logement, dont il faut maintenir le pouvoir d’achat, le groupe de travail préconise de les « adapter aux situations individuelles des ménages au moyen d’une indexation sur l’indice de révision des loyers » et, « à moyen terme, […] d’envisager une remise à niveau des paramètres de calcul des aides en intégrant les loyers plafonds des barèmes et les forfaits de charges qui sont associés ».

En outre, relève le CNLE, « certaines prestations sociales ne s’adaptent pas en temps réel à la situation du demandeur ». En effet, explique-t-il, certaines d’entre elles, comme les aides au logement, sont octroyées sur la base des revenus déclarés par les ménages aux services fiscaux pour l’année N - 2. Une période de référence éloignée de la période où le besoin et la demande s’expriment. « Il n’est pas possible de conserver ce mode de calcul inadapté aux situations budgétaires réelles des ménages si l’on veut réellement lutter contre la précarité », martèle le groupe de travail.

Quant aux aides sociales facultatives, elles présentent, selon le CNLE, « plusieurs avantages précieux », comme celui de permettre de « s’extraire des effets de seuil » ou une « analyse “au réel” des budgets » des ménages et de pouvoir être attribuées dans l’urgence. Toutefois, insiste l’instance, « la nécessité de coordonner ces [aides] doit constituer une priorité afin de permettre un maillage optimal en termes de public et de thématiques couverts ». La coordination entre les collectivités, l’Etat et les acteurs locaux, « en particulier à l’échelle départementale », doit donc être encouragée, précise Didier Piard.

… poussent à définir un « reste pour vivre »

Parce que les dépenses incompressibles des ménages augmentent et que les prestations sociales ne remplissent plus leur rôle, le groupe de travail en conclut qu’il faut mettre en œuvre un « reste pour vivre » afin d’assurer aux ménages précaires un revenu décent. Une notion qui n’a pas de définition officielle. On peut toutefois en trouver une dans les textes relatifs au surendettement, qui décrivent le « reste pour vivre » comme un minimum insaisissable de manière à ce qu’une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité, calculé selon des barèmes propres aux commissions de surendettement. Dans le secteur de l’action sociale, le « reste pour vivre » est défini comme le solde disponible après avoir réglé les dépenses contraintes.

Dans un souci d’harmonisation des pratiques, le groupe de travail propose de calculer le « reste pour vivre » de la manière suivante : ressources – dépenses contraintes. Pourraient être pris en compte au titre de ces dépenses les éléments listés dans le rapport, tels que le loyer et les charges liées au logement (locatives, copropriété, maison de retraite), les impôts, taxes et redevances, les frais de santé, la pension alimentaire à verser… Cette analyse financière de la situation du ménage doit ainsi permettre d’adapter le type et le niveau des aides et prestations. Dans tous les cas, insiste le CNLE, le « reste pour vivre » ne doit rester « qu’un élément de décision parmi d’autres pour l’attribution des aides ».

Afin de mieux définir les moyens convenables d’existence, l’instance propose de construire des budgets de référence par catégories de ménages sur la base des travaux menés depuis 2010 par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

Notes

(1) Pour une mise en œuvre du droit à des moyens convenables d’existence – Analyse établie autour du concept de « reste à vivre » – Juin 2012 – Disponible sur www.cnle.gouv.fr.

(2) Les dépenses contraintes sont celles qui surviennent à échéances régulières, dont le montant est fixe et qui ne sont pas « renégociables » à court terme (loyers, facture d’énergie, cantine, assurances…).

(3) Selon le rapport, entre 1992 et 2006, les taux d’effort nets pour le logement sont passés de 32 % à 48 % pour les ménages modestes.

Dans les textes

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