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MSA : les assistants de service social, les délégués à la tutelle et les CESF doivent être affiliés à l’AGIRC, décide la Cour de cassation

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Dans un arrêt du 6 juin dernier, la Cour de cassation a condamné le régime de retraite complémentaire AGIRC (cadres) pour avoir refusé d’affilier les assistants de service social, les délégués à la tutelle et les conseillers en économie sociale et familiale (CESF) de la Mutualité sociale agricole (MSA). La Haute Juridiction a en effet considéré que le refus d’affilier ces professionnels, majoritairement des femmes, constitue une discrimination indirecte fondée sur le sexe (1) dans la mesure où l’Agirc avait parallèlement admis l’affiliation des contrôleurs et inspecteurs, des agents d’animation et des techniciens conseils de prévention, postes relevant du même niveau dans la convention collective de la MSA mais occupés majoritairement par des hommes.

La non-pertinence de la comparaison avec d’autres secteurs

L’histoire commence fin 1996 avec l’intégration du régime complémentaire agricole aux régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco (ensemble des salariés). L’Agirc décide alors, s’agissant des emplois de la filière « action sanitaire et sociale » de la MSA, de ne pas affilier notamment les assistants de service social, les délégués à la tutelle et les conseillers en économie sociale et familiale, des postes en grande majorité occupés par des femmes. Une quarantaine de salariées assignent alors l’Agirc aux fins d’affiliation à compter du 1er janvier 1997, estimant que la décision du régime de retraite complémentaire constitue une discrimination indirecte fondée sur le sexe. La cour d’appel de Paris leur donne raison dans une décision du 29 juin 2010, rejetant les arguments de l’Agirc.

Pour justifier son refus d’affiliation, le régime de retraite complémentaire des cadres expliquait notamment que, « dans les branches professionnelles comprenant des postes similaires, les assistants de service social, délégués à la tutelle ou conseillers en économie sociale et familiale n’étaient affiliés à l’Agirc que s’ils avaient des fonctions d’encadrement », ce qui n’était pas le cas des requérantes. Et que ce critère de comparaison était le seul à permettre la cohérence et la pérennité du régime et à éviter des discriminations parmi les cotisants exerçant les mêmes fonctions dans différentes branches. Mais la cour d’appel a jugé cette comparaison « non pertinente », en particulier pour les assistantes de service social de la MSA qui, selon les magistrats, ne sont pas dans la même situation que les assistantes de service social des autres branches, non affiliées à l’Agirc, dans la mesure où ces dernières n’exercent pas en milieu rural. Les juges d’appel ont en revanche bien accueilli la demande des requérantes de voir leur situation comparée à celle de salariés d’autres filières de la Mutualité sociale agricole, tels que les contrôleurs ou inspecteurs, les agents d’animation et les techniciens conseils de prévention, qui sont majoritairement des hommes, qui relèvent du même niveau de la convention collective de la MSA et que l’Agirc a accepté d’affilier. La cour d’appel de Paris a alors jugé qu’il y avait bien eu discrimination indirecte fondée sur le sexe de la part de l’Agirc et a condamné le régime de retraite complémentaire à les affilier à partir du 1er janvier 1997. L’Agirc a alors saisi la Cour de cassation, qui l’a déboutée et a confirmé la décision d’appel favorable aux salariées de la MSA.

L’utilisation d’un critère statistique

La Haute Juridiction énonce, tout d’abord, « qu’une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un sexe donné par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires ». Et ajoute « qu’une telle discrimination est caractérisée lorsque la mesure affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d’un sexe », reprenant le critère « statistique » utilisé par la Cour de justice de l’Union européenne pour caractériser une discrimination indirecte fondée sur le sexe (2).

Puis, la Cour de cassation estime que c’est à bon droit que la cour d’appel de Paris a retenu la discrimination indirecte fondée sur le sexe dans la mesure où :

 elle a « constaté un traitement défavorable, constitué par le refus d’affiliation à l’AGIRC, au détriment des fonctions d’assistant du service social, de délégué à la tutelle et de conseiller en économie sociale de la MSA, dont il n’est pas contesté qu’elles sont très majoritairement occupées par des femmes, par comparaison avec les fonctions de contrôleur, inspecteur, agent d’animation et technicien conseil de prévention dépendant de la même convention collective, principalement occupées par des hommes »;

 en se bornant « à soutenir que le critère de comparaison avec des fonctions semblables dans des conventions collectives voisines était le seul qui permette d’atteindre l’objectif de stabilité, de cohérence et de pérennité du régime, [l’Agirc] ne justifiait pas du caractère nécessaire et approprié du refus d’affiliation des catégories essentiellement féminines d’assistant du service social, de délégué à la tutelle et de conseiller en économie sociale ».

[Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-21.489, disp. sur www.legifrance.gouv.fr]
Notes

(1) Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, en raison de son ethnie ou de sa race, de sa religion, de ses convictions, de son âge, de son handicap, de son orientation sexuelle ou de son sexe, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

(2) CJUE, 9 février 1999, aff. C-167/97, disponible sur http://curia.europa.eu.

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