Dans un rapport que les ASH se sont procuré, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) propose plusieurs pistes de réforme des établissements et services pour personnes handicapées. Il appelle également le gouvernement à revenir sur celle de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) en modifiant les critères de reconnaissance de la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE). Ce rapport – le dernier de la mandature qui s’achève fin septembre – permet au conseil d’approfondir son analyse de la politique menée en faveur des personnes handicapées (1). Adopté le 11 juillet dernier, il comporte 14 chapitres consacrés chacun à un aspect du handicap (accessibilité, éducation, ressources, santé…). Réitérant de précédentes recommandations et en formulant de nouvelles, le CNCPH souhaite que, à l’avenir, « ses travaux fassent l’objet d’une diffusion large et régulière ».
Pour le CNCPH, l’accompagnement doit s’adapter au parcours de vie de la personne handicapée. Mais, actuellement, les établissements et services sociaux et médico-sociaux font l’objet d’une autorisation individuelle qui entraîne « un certain cloisonnement et ne permet pas facilement à l’organisme gestionnaire de s’adapter aux parcours de vie, de soins et d’accompagnement de la personne handicapée », souligne-t-il. Il appelle donc à une réforme du régime des autorisations afin de pouvoir organiser les établissements et services en « dispositifs globaux d’accompagnement ». Pour le CNCPH, il s’agit de leur donner la possibilité de mettre en œuvre l’ensemble du projet personnalisé de compensation avec l’aide de « plateaux techniques coopératifs » et de fédérer les services qu’ils proposent avec les services complémentaires assurés par d’autres institutions. En parallèle, le conseil juge « nécessaire » d’adapter les modalités d’orientation des personnes handicapées vers une logique de parcours, au lieu d’une orientation par catégorie d’établissements. Il souligne aussi que l’adaptation de l’accompagnement au parcours de vie de la personne handicapée ne se limite pas à la seule redéfinition de l’organisation des structures sociales et médico-sociales mais passe également par l’accessibilité du milieu ordinaire. Pour l’instance consultative, il est également urgent d’améliorer l’évaluation des besoins des personnes handicapées afin de mieux mesurer les réponses qui y sont aujourd’hui apportées et de faire évoluer en conséquence l’offre de services. Cette réorganisation des établissements et services implique de mobiliser des moyens humains, organisationnels et financiers « en tenant compte du contexte budgétaire et donc sans exclure les mesures possibles d’optimisation des moyens existants », analyse le CNCPH. Il demande à être associé aux travaux actuellement menés sur la réforme de la tarification des établissements, réforme qui devra faciliter les évolutions proposées « et non l’inverse ». Il recommande aussi de réduire les inégalités de financement entre établissements et de mener des expérimentations avant de généraliser.
L’allocation aux adultes handicapés « ne doit pas être systématiquement présentée, comme c’est souvent le cas, sous le seul prisme de l’emploi et comme un revenu d’activité professionnelle », gronde le CNCPH, rappelant que « l’AAH est avant tout destinée à assurer un revenu d’existence aux personnes handicapées ». Il préconise notamment de « faire de l’ AAH un revenu de la personne en cessant d’intégrer dans son calcul les ressources du conjoint ». Mais, surtout, le CNCPH demande au gouvernement de modifier la procédure de reconnaissance de la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, définie par décret en 2011. Pour mémoire, la RSDAE conditionne l’attribution de l’AAH pour les personnes dont le taux d’incapacité est compris entre 50 et 80 % (2). Pour le conseil, cette réforme va à l’encontre de l’objectif de simplification posé par la loi « handicap » du 11 février 2005 et se traduit par une aggravation de l’engorgement des maisons départementales des personnes handicapées. Il préconise donc :
de fixer à cinq années au maximum la durée de validité de la RSDAE et de rétablir cette même durée pour l’attribution de l’AAH (3) ;
de rendre la RSDAE compatible avec l’exercice d’une activité professionnelle en milieu ordinaire à temps partiel supérieur à un mi-temps ;
de reconnaître automatiquement la RSDAE aux travailleurs en établissements et services d’aide par le travail.
Le CNCPH manifeste – à nouveau – sa « vive inquiétude » quant au respect de l’échéance de 2015 pour la mise en accessibilité de la société aux personnes handicapées. Ses propositions formulées en 2011 dans ce domaine sont « toujours d’actualité », signale-t-il. Parmi elles, il estime notamment prioritaire de publier l’arrêté sur l’accessibilité des lieux de travail et de créer une agence nationale de l’accessibilité universelle, dotée de moyens financiers et coercitifs (dispositif de bonus-malus, par exemple). Le conseil défend par ailleurs le concept d’« éducation adaptée », qui « vise à assurer à chaque individu le développement de toutes ses capacités en impliquant les équipes éducatives tant au sein de l’école qu’au sein des établissements et services médico-sociaux ». Dans cette perspective, il appelle à la coopération des secteurs médico-social et scolaire ainsi qu’au développement d’une culture commune des professionnels. Enfin, le CNCPH regrette que la détresse psychologique des personnes handicapées et de leurs familles ne figure pas dans le plan « psychiatrie et santé mentale » 2012-2015. Dans ce domaine, il recommande de développer la recherche, de sensibiliser l’ensemble des acteurs et de renforcer la prévention.
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur
(1) Le conseil approfondit et complète son état des lieux de la politique du handicap et ses propositions, un travail débuté dans son rapport élaboré en perspective de la deuxième conférence nationale du handicap de juin 2011 – Voir ASH n° 2710 du 20-05-11, p. 5.
(2) Pour une présentation détaillée de la RSDAE, voir ASH n° 2752 du 23-03-12, p. 45.
(3) Rappelons que, actuellement, la RSDAE est reconnue pour une durée de un à deux ans au maximum, et que l’AAH est attribuée pour la même durée.