Banaliser le recours aux services de soutien à la parentalité pour réduire les craintes de stigmatisation des parents, diversifier les services pour répondre à la variété de leurs besoins, leur garantir un accès effectif aux dispositifs de soutien… Dans un rapport remis le 3 septembre à la ministre déléguée à la famille (1), le Centre d’analyse stratégique (CAS) formule plusieurs pistes pour améliorer l’efficacité du dispositif français de soutien à la parentalité. S’appuyant sur une analyse internationale des bonnes pratiques en la matière, il recommande aux pouvoirs publics de créer des services à destination de tous les parents, quelle que soit la configuration familiale, et à toutes les étapes du développement de l’enfant. Le rapport a été notamment coordonné par Sylvain Lemoine, alors chef du département « questions sociales » du CAS et qui a rejoint le cabinet de Dominique Bertinotti en juin dernier en tant que conseiller pour l’enfance, la parentalité et l’égalité des droits.
La question de l’aide à la parentalité revêt une importance croissante dans l’ensemble des pays étudiés par le rapport (Australie, Canada, Etats-Unis, Irlande, Israël, Royaume-Uni…) alors que, dans le même temps, la France accuse un certain retard en la matière, estime le CAS. Reprenant le constat posé par la Cour des comptes en 2009 (2), l’organisme pointe un « empilement de dispositifs dispersés géographiquement et mal articulés entre eux ». En France, ces dispositifs visent à accroître la confiance des parents dans leurs compétences parentales (réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents), à apaiser les conflits intrafamiliaux (médiation familiale et espaces de rencontre), à accompagner les enfants et leur famille dans le parcours scolaire (contrats locaux d’accompagnement à la scolarité), à informer les parents (points info familles) ainsi que les couples autour des questions de sexualité et de vie familiale (conseil conjugal et familial). Le CAS dénonce également un « défaut de réflexion relatif à l’accès des parents à l’information », un manque d’évaluation des dispositifs et de pilotage, des financements « épars », « mal connus » et « souvent incertains » (3). Soulignons que, depuis les critiques de la Cour des comptes, un comité national de pilotage a été créé et des instructions ont été données pour améliorer la coordination au niveau départemental (4).
Il faut répondre à l’hétérogénéité des besoins et des attentes des parents en diversifiant les services et les modalités d’intervention, plaide le CAS. Pour couvrir toute la population, il recommande d’articuler une offre de services généralistes ayant vocation à bénéficier à tous les parents avec une offre de services spécifiques s’adressant à des catégories particulières, confrontées ou non à des difficultés importantes (parents d’adolescents, familles monoparentales, parents de différentes origines culturelles…). Selon l’organisme, le recours aux services de soutien doit être banalisé, notamment grâce à une « politique de communication ambitieuse et coordonnée ». Il préconise aussi d’« aller au-devant des parents pour mieux les informer sur les services de soutien disponibles ». Il suggère pour cela de systématiser l’envoi d’informations à certains moments clés de la vie, de développer les guichets uniques (sites Internet ou centres d’information) et de proposer des informations détaillées sur le contenu des programmes, la méthode, les outils, le déroulement des séances, etc.
Autre recommandation : garantir l’accès effectif de tous les parents au dispositif de soutien. A ce titre, le CAS appelle à prendre en compte les contraintes matérielles des parents telles que le manque de temps ou l’éloignement géographique de l’offre. L’accès aux services est facilité lorsqu’ils sont mis en place dans les lieux déjà fréquentés par les parents, comme les services d’accueil de la petite enfance, les établissements scolaires ou les services de santé, explique-t-il. Il se prononce aussi pour le développement d’initiatives dans les entreprises, tout en soulignant la nécessité de garantir la confidentialité des échanges dans ce cadre. Les programmes de soutien devraient être mis en œuvre en soirée ou en fin de semaine, souligne-t-il.
Le risque de stigmatisation est depuis longtemps identifié pour expliquer le non-recours des parents aux services de soutien à la parentalité, relève par ailleurs l’organisme. Ce phénomène s’est amplifié depuis les années 2000 avec le développement des programmes de soutien obligatoires dans le cadre des politiques publiques de responsabilisation des parents visant à prévenir les incivilités des mineurs. Pour y remédier, le CAS préconise de développer des programmes animés par les parents pour les parents, incluant une formation et un accompagnement spécifiques pour assurer la qualité des interventions. D’ailleurs, il recommande d’une façon générale de ne proposer que des services dont l’efficacité est évaluée. L’évaluation des actions de soutien à la parentalité doit être développée pour mettre en évidence leur impact sur les trajectoires scolaires, professionnelles et personnelles.
Les propositions du CAS ont été bien accueillies, laisse penser le ministère dans un communiqué. Dominique Bertinotti n’a pas fait savoir lesquelles pourront être mises en œuvre mais souhaite que l’entreprise s’implique, notamment en offrant une heure le jour de la rentrée scolaire à ses employés qui sont parents. La ministre entend privilégier dans un premier temps la discussion et la réflexion avec le lancement en octobre d’une concertation entre les différents acteurs pour évaluer les services existants. En outre, un bilan de l’efficacité du dispositif, réalisé par l’inspection générale des affaires sociales, est attendu pour décembre.
(1) Aider les parents à être parents. Le soutien à la parentalité, une perspective internationale – Disp. sur
(3) En 2010, les actions d’accompagnement à la parentalité comptaient pour 120 millions d’euros, dont environ la moitié financée par la caisse nationale des allocations familiales, le reste par l’Etat et les collectivités territoriales, indique le CAS.