Créé en septembre 2011, le Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) professionnel géré par l’Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales (Adapei) 92 a émergé d’une demande conjointe des parents et de l’Education nationale constatant que le Sessad classique ne répondait pas aux problématiques particulières des adolescents. Destiné à accompagner des jeunes scolarisés en milieu ordinaire, âgés de 14 à 20 ans, jusqu’à la fin de leurs études, il a vocation à « créer une continuité entre le monde de l’enfance et le monde des adultes », explique Yves Tannou, son directeur. Le premier volet d’intervention, consacré à la découverte des métiers et à la construction d’un projet professionnel réaliste au vu des difficultés du jeune, prend la forme d’une prise en charge individuelle, menée conjointement par une éducatrice spécialisée et une enseignante spécialisée. « Entre 14 et 16 ans, il faut préparer la sortie du collège avec une orientation soit vers le secteur protégé (IMPro par exemple), soit vers le lycée professionnel. Dans ce dernier cas, il est nécessaire de travailler sur les représentations des métiers et parfois d’émettre un avis : est-il judicieux, par exemple, pour un jeune qui a de grosses difficultés d’expression de s’orienter vers la vente ? »
L’orientation est d’autant plus compliquée que, les lycées étant peu rodés à l’accueil d’élèves handicapés, les partenariats sont encore à construire – il faut par exemple négocier, comme le fait le service de l’Adapei 92, une adaptation des cours pour que le CAP (certificat d’aptitude professionnelle) soit réalisé en trois ans au lieu de deux afin de soulager le rythme de vie des adolescents. En outre, l’offre de formation est limitée – il existe peu d’ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) dans les lycées professionnels –, ce qui peut conduire à des choix par défaut ou à la nécessité d’accepter des temps de transport importants. Autre difficulté : après l’obtention d’un CAP, les débouchés dans le milieu ordinaire ne sont pas toujours au rendez-vous. Or la perspective de s’orienter vers le milieu protégé, après un cursus dans des établissements scolaires classiques, est souvent perçue comme un échec. Parmi les solutions envisagées par le service de l’Adapei 92 : la prolongation de l’agrément jusqu’à 25 ans afin de pouvoir accompagner les jeunes en centres de formation pour apprentis (CFA) dont le mode de fonctionnement en alternance est généralement vécu positivement. Intéressée, l’agence régionale de santé (ARS) devrait bientôt donner son autorisation.
Faire sauter le verrou d’âge, qui s’arrête normalement à 20 ans, fait d’ailleurs partie des revendications de l’APAJH (Association pour adultes et jeunes handicapés), qui y voit une façon de répondre aux nouveaux besoins générés par l’élévation de l’âge des bénéficiaires des Sessad : « Dès lors qu’on lève cette barrière, on s’aperçoit que les services peuvent aller au-delà du rééducatif et de l’éducatif vers l’accompagnement au logement, l’accès aux soins, la pratique de loisirs, l’apprentissage de l’autonomie, etc. », note Jean-Louis Leduc, directeur général adjoint de l’APAJH.
De fait, le suivi professionnel permet d’aborder tout un ensemble d’autres problématiques plus sociales. Le Sessad de l’Adapei 92 y consacre le second volet de son intervention : mené en binôme (éducatrice spécialisée/psychologue), il se déroule dans le cadre d’ateliers collectifs de soutien et de sociabilisation qui favorisent les relations sociales et la prise d’initiatives. « Nous travaillons l’autonomie au sens large (transport, logement, vie citoyenne, budget, alimentation, vie affective…) en prenant en considération les projets des jeunes (une sortie au cinéma, l’achat de vêtements…) et en les aidant à les réaliser », explique Yves Tannou.
Les constats sont globalement les mêmes au sein du SESSD (service d’éducation et de soins spécialisés à domicile) de l’Association des paralysés de France de la Charente-Maritime, qui accueille un public en situation de handicap moteur : malgré une scolarité dans des établissements ordinaires, les adolescents ont besoin d’un accompagnement spécifique. « Ce sont des jeunes qui peuvent se trouver en situation d’isolement, ce qui nous a amenés à nous interroger sur la façon dont nous pouvions développer les rencontres, entre eux et avec d’autres ados », explique Franck Riché, directeur du service. Parmi les outils mis en place : un rendez-vous mensuel dans un café en présence d’un éducateur, l’organisation de week-ends… « Ce sont des choses très simples (par exemple passer une soirée entre copains) mais certains jeunes ne l’ont jamais fait. Cela permet également aux parents d’apprendre à laisser de l’autonomie à leur enfant, ce qui n’est pas toujours facile pour eux. » Par ailleurs, en parallèle du suivi psychologique et éducatif mené par le service, des aménagements dans les rééducations proposées peuvent être envisagés : consultations dans le secteur libéral, pratique dans une salle de sports, etc.
(1) Entre 2001 et 2006, les jeunes âgés de 15 à 20 ans sont passés de 13 % à 15 % – Source : Enquêtes ES 2001 et 2006, DREES.