Les aides personnelles au logement, qui bénéficient à plus de 6,3 millions de personnes et représentent la prestation sociale la plus importante en direction des ménages modestes, ont vu leur efficacité sociale se détériorer pendant la dernière décennie. Au point qu’une réforme apparaît aujourd’hui nécessaire. C’est le constat dressé par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport remis le 24 juillet dernier à la ministre de l’Egalité des territoires et du Logement (1) et qui propose plusieurs évolutions possibles.
Preuve de la détérioration de l’efficacité sociale des aides personnelles au logement : l’augmentation des taux d’effort des bénéficiaires, « certains ménages supportant aujourd’hui, malgré le bénéfice de l’aide, des taux d’efforts prohibitifs, et des restes à vivre particulièrement faibles ». Les rapporteurs ont ainsi calculé que, en 2010, un ménage bénéficiaire d’aides au logement devait en moyenne consacrer 19,5 % de ses revenus à se loger après avoir perçu ces aides, alors que, en 2001, ce taux était de 16,9 %.
Pour l’IGAS, cette situation résulte de la sous-actualisation du barème de ces aides, qui a conduit à leur déconnexion progressive d’avec la réalité des marchés du logement, mais aussi de l’appauvrissement des ménages allocataires. La sous-actualisation du barème a en effet eu pour effet de resserrer le champ des aides personnelles sur les ménages les plus modestes en abaissant le seuil d’exclusion (ou plafond de ressources). Résultat : les ménages titulaires des aides personnelles sont en moyenne de plus en plus pauvres, les moins modestes des anciens bénéficiaires ayant été exclus du champ de l’aide.
En outre, le montant des prestations est « instable et imprévisible » pour les bénéficiaires dont les ressources sont précaires. « Le fait que, dans certains cas, les aides ne soient pas versées au moment où elles seraient le plus nécessaire, ou encore, qu’elles baissent trop brutalement en cas de reprise d’activité faute d’une articulation avec le [revenu de solidarité active], est un facteur majeur d’inefficacité sans doute au moins aussi important que l’augmentation des taux d’effort », dénonce le rapport.
Le rapport préconise plusieurs pistes d’évolution afin de rendre le système plus efficient. Dans le secteur locatif, il suggère notamment une refonte du barème afin de mieux solvabiliser les locataires supportant des taux d’effort prohibitifs. Scénario envisagé : la constitution de deux barèmes distincts dans le parc public et le parc privé. Dans le parc social, où les pouvoirs publics maîtrisent à la fois le niveau des loyers et le montant de l’aide, le barème de l’aide personnalisée au logement (APL) pourrait être réformé « de manière à ce qu’il vise explicitement un taux d’effort par unité de consommation ». Ce qui, expliquent les rapporteurs, permettrait d’égaliser les taux d’effort des ménages occupant le parc social en tenant compte de leur loyer et de leurs charges de famille, sans que pour autant le barème de l’APL soit lui-même assujetti à des conditions de loyer plafond et de zonage, et en garantissant qu’aucun ménage ne sera écarté de l’accès au logement social pour des considérations de revenu.
Quant au barème dans le parc privé, il devrait « mieux prendre en compte les zones où les bénéficiaires supportent aujourd’hui des taux d’effort très élevés ». Dans cette perspective, le rapport propose de conserver les trois zones actuelles tout en y ajoutant un zonage plus fin permettant de rehausser le niveau des loyers-plafonds dans certains territoires.
Au-delà, l’IGAS préconise, entre autres, une adaptation des règles de gestion des aides afin qu’elles sécurisent effectivement les bénéficiaires, le renforcement du potentiel d’affectation des aides en rendant plus efficace l’action des caisses d’allocations familiales en matière de traitement des impayés de loyers ou bien encore une réforme du pilotage des aides personnelles au logement.
Lors de la remise de ce rapport, Cécile Duflot a salué « la qualité des travaux présentés, qui apportent une contribution importante et mettent en lumière un outil de solidarité essentiel pour les ménages les plus modestes ». La ministre a également indiqué qu’elle allait maintenant approfondir l’examen de l’ensemble des mesures préconisées.
(1) Rapport disp. sur