Dans deux ordonnances du 27 août, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté les requêtes de plusieurs associations de défense des droits des étrangers (1) qui contestaient non seulement certains points de la récente circulaire du ministre de l’Intérieur demandant aux préfets d’appliquer aux familles parentes d’enfants en situation irrégulière la procédure d’assignation à résidence plutôt qu’un placement en rétention (2), mais aussi le fait que cette circulaire ne s’applique pas à Mayotte.
La circulaire contestée, signée le 6 juillet dernier par Manuel Valls, demande aux préfets de privilégier, à l’égard des familles parentes d’enfants mineurs, le mécanisme de l’assignation à résidence prévu par l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans des conditions strictes (avec notamment, pour les personnes concernées, un « périmètre de circulation » à respecter, l’obligation périodique de se présenter au commissariat ou à l’unité de gendarmerie la plus proche de leur domicile et des garanties de représentation à apporter). Ce faisant, elle ne met pas fin à la rétention de familles parentes d’enfants mineurs en situation irrégulière, toujours possible en cas de non-respect des conditions de l’assignation à résidence, en cas de fuite d’un ou de plusieurs membres de la famille ou bien encore de refus d’embarquement. Ainsi, en cas d’interpellation ultérieure, ces familles qui se sont volontairement soustraites à leur obligation de quitter le territoire français peuvent être placées en rétention administrative « selon les conditions de droit commun », indique la circulaire.
Les associations reprochaient notamment au texte d’instituer ainsi, dans cette hypothèse, une « automaticité du placement en rétention » qui violerait le pouvoir d’appréciation des préfets et instaurerait un « régime nouveau de sanction ». De quoi faire naître un doute sérieux sur la légalité de ces dispositions, aux yeux des requérants, et donc justifier la suspension de la circulaire.
Mais le juge des référés du Conseil d’Etat n’a pas suivi cette analyse. Pour lui, en effet, en raison de la référence faite aux « conditions de droit commun » de rétention administrative, ces dispositions doivent s’entendre, « ainsi qu’il l’a d’ailleurs été clairement confirmé par le gouvernement lors de l’audience publique », comme « réservant pleinement l’obligation qui incombe au préfet », avant toute décision de placement en rétention et même après avoir constaté l’existence de faits susceptibles de prouver qu’il existe un risque que l’étranger se soustraie à son obligation de quitter le territoire, de procéder chaque fois à un examen particulier de l’existence d’un tel risque.
Les associations soutenaient également que, en permettant le maintien d’un régime de rétention administrative pour des ressortissants étrangers accompagnés d’enfants mineurs, la circulaire n’était pas compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Et ont rappelé à cet égard que l’absence de fondement légal de l’accueil en centre de rétention d’enfants mineurs et l’absence de voies de recours juridictionnelles effectives pour les enfants mineurs ont été sanctionnées par la Cour européenne des droits de l’Homme (3). Mais le juge des référés a, là encore, rejeté la demande de suspension du texte, relevant que la loi française prévoit expressément la possibilité qu’un enfant mineur d’un ressortissant étranger soit accueilli dans un centre de rétention par voie de conséquence du placement de l’un de ses parents et que la circulaire contestée s’est bornée sur ce point à renvoyer aux dispositions législatives qui définissent les conditions générales du placement en rétention. Pour le juge, il n’y a donc pas de doute sérieux quant à la légalité du texte attaqué, justifiant sa suspension.
Les mêmes associations ont demandé, par ailleurs, au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre l’exécution de la décision du ministre de l’Intérieur – révélée par un simple communiqué de presse et une déclaration radiophonique –, de ne pas donner, dans l’immédiat, au préfet de Mayotte des instructions analogues à celles de la circulaire du 6 juillet 2012 s’agissant des familles avec enfants en instance d’éloignement. Avec comme conséquence, selon elles, le placement systématique de telles familles en rétention administrative. Une requête jugée toutefois irrecevable par le Conseil d’Etat qui a considéré que les requérants ne lui avaient soumis aucune décision administrative susceptible de faire l’objet d’une demande de suspension.
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(1) Le Groupement d’information et de soutien des immigrés (GISTI), l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), le Comité médical pour les exilés (Comede), la Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI), la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) et le Syndicat des avocats de France (SAF).
(2) Voir ASH n° 2768 du 13-07-12, p. 17.
(3) Voir ASH n° 2744 du 27-01-12, p. 19.