« Comment se fait-il qu’à partir du moment où un être est porteur, par hasard, d’une différence, tout ce qu’il est par ailleurs disparaisse aux yeux de tous ? » Commençant sa réflexion par cette question très contemporaine que le Hamlet de Shakespeare posait aux alentours de 1 600, Elisabeth Zucman, médecin de réadaptation fonctionnelle, propose un plaidoyer sensible et argumenté pour une transformation du regard social sur les personnes handicapées. Malgré sa longue carrière dans ce secteur, le docteur Zucman reconnaît n’avoir pris conscience qu’assez tardivement de l’emprise de la différence dans sa propre perception des personnes polyhandicapées. Quand on a toute son attention concentrée sur la volonté de réduire ou de compenser les déficiences des intéressées, on risque de les considérer uniquement comme des personnes différentes sans plus les voir comme des semblables, témoigne-t-elle. Ce danger ne guette pas que les professionnels. Pour d’autres raisons – au premier rang desquelles la peur et l’ignorance –, il est partagé par le commun des valides. S’adressant aux uns comme aux autres, la spécialiste leur enjoint de « ne pas nier, ni même sous-traiter la différence », mais de ne pas non plus « la laisser envahir tout le champ de la rencontre ». Elisabeth Zucman, toutefois, ne se fait pas d’illusions : « L’acceptation de la diversité ne peut résulter d’une obligation morale ou réglementaire. » C’est donc très précocement, avant que s’enracinent défiances et préjugés, que les enfants tout-venant et les enfants handicapés doivent apprendre à vivre ensemble. Semblables et différents.
Personnes handicapées, personnes valides : ensemble, semblables et différentes – Elisabeth Zucman – Ed. érès – 13 €