Sur les vieilles photos de famille, le petit Denis arbore le visage souriant et le regard malicieux des garçonnets de son âge. Dans la rue, les passants ne manquent jamais de remarquer cet angelot à la frange blonde. Ses parents, ses frères et sœurs, eux, voient tout autre chose : un regard vide, absent au monde, un animal sauvage qui se gifle le visage, hurle, sa seule présence physique dégageant « une sorte d’électricité ». Denis est un autiste profond. Un enfant qui ne parle pas, ne manifeste jamais le moindre sentiment, avale des cailloux, et dont la colère, devenu adulte, ne semble avoir aucune limite. Pour sa famille, la vie quotidienne est « un calvaire », « un enfer lent, monotone, répétitif et sans dialogue ». Cette expérience éprouvante, Sophie Leclercq la raconte sans fausse pudeur depuis sa place de sœur dans Mon frère, cet étranger. « Dans le cadre du handicap, on parle des parents, on ne parle jamais des frères et sœurs, écrit-elle. Et pourtant… Mes parents ont vécu une quarantaine d’années sans Denis. Mon frère, mes sœurs et moi avons vécu presque toute notre vie avec lui. Même s’il vit moins longtemps que nous, nous resterons marqués à vie. » Avec son livre, Sophie Leclercq espère contribuer à lever « le voile opaque » qui entoure l’autisme, à mettre fin à « une certaine forme d’ostracisme » qui frappe les familles. Afin que, un jour peut-être, les pouvoirs publics écoutent « l’appel à l’aide » des proches et créent « des foyers d’accueil adaptés et spécialisés ».
Mon frère, cet étranger – Sophie Leclercq – Ed. L’Harmattan, coll. « Au-delà du témoignage » – 17 €