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GENS DU VOYAGE : « CENT ANS APRÈS, LES CARNETS DE CIRCULATION N’ONT PLUS AUCUN SENS »

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Président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, le sénateur (UMP) de Haute-Savoie Pierre Hérisson s’apprête à déposer une proposition de loi visant à abroger les titres de circulation imposés aux gens du voyage (1). Une démarche qui coïncide avec les cent ans d’existence de ces « carnets anthropométriques » destinés à l’origine à « encadrer l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades ».

Les titres de circulation des gens du voyage ont cent ans. De quoi s’agit-il ?

Depuis la loi du 16 juillet 1912, le carnet comme le livret de circulation imposés aux personnes de plus de 16 ans qui ont choisi le mode de vie itinérant – soit 400 000 à 500 000 Français – doivent être tamponnés tous les trois mois dans un commissariat de police ou à la gendarmerie, que les voyageurs restent ou pas dans la même ville. S’ils ne le font pas, ils risquent une amende de 1 500 € ou un emprisonnement. Ce statut d’exception représente, selon moi, une discrimination dans la mesure où les gens du voyage sont de nationalité française et qu’ils sont aussi détenteurs d’une carte d’identité. Ils ont certes la liberté d’aller et venir sur le territoire mais c’est en quelque sorte une « liberté surveillée ». Si cette logique administrative permettait il y a cent ans de savoir périodiquement où les itinérants étaient, elle n’a plus aucun sens aujourd’hui. La France est le seul pays occidental qui impose de tels documents aux itinérants !

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette question ?

J’ai été rapporteur au Sénat de la loi Besson du 5 juillet 2000 relatif à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage (2). Depuis 2002, je préside la Commission nationale consultative des gens du voyage et j’ai été reconduit à ce poste pour trois ans début 2012 (3). Je suis reconnu, par les parlementaires de toutes les sensibilités, comme le spécialiste de ce dossier. C’est pourquoi je vais déposer dans les prochains jours une proposition de loi abrogeant purement et simplement le carnet de circulation et généralisant le rattachement à une commune. Les gens du voyage se verraient dès lors délivrer uniquement une carte d’identité ou un passeport à l’adresse de cette commune et auraient la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales.

Cette loi a-t-elle des chances d’être votée ?

La HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) a longtemps dénoncé cette pratique, tout comme l’Organisation des Nations unies, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Si de nombreuses associations tsiganes luttent depuis longtemps pour la disparition de ces carnets, cette proposition n’a pas immédiatement fait l’unanimité auprès de l’ensemble des voyageurs. Certains estiment que le carnet de circulation leur donne une identification qui leur octroie une priorité d’accès sur les aires d’accueil. Elle sert aussi, dans certains cas, de reconnaissance du statut social des gens du voyage. Il a fallu beaucoup de temps pour expliquer et réexpliquer la situation à ces personnes réfractaires. Et les convaincre au final que l’abrogation du carnet de circulation va au contraire améliorer leur statut au sens de la liberté et de la non-discrimination. En lieu et place du livret de circulation à montrer aux aires d’accueil, il suffira que les communes de rattachement délivrent un récépissé aux gens du voyage.

Je déposerai donc mon texte dès que j’aurai reçu l’avis du défenseur des droits. Il me faudra trouver une « niche » parlementaire d’ici à la fin de l’année pour faire voter la loi. Je ne suis pas inquiet car c’est un texte qui fait consensus.

Notes

(1) Apparu dans les années 1970, le terme générique « gens du voyage » est une dénomination administrative désignant une population hétérogène qui réside habituellement en abri mobile terrestre.

(2) Voir ASH n° 2173 du 30-06-00, p. 9.

(3) La Commission nationale consultative des gens du voyage, créée auprès du ministre chargé des affaires sociales en 1992, a pour objectif de proposer des solutions répondant aux problèmes spécifiques rencontrés par les gens du voyage afin de leur garantir une meilleure insertion dans la communauté nationale.

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