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Passage vers l’autre rive

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Comment devenir la mère de sa mère ? L’auteure, Dominique Raoul-Duval, tente de répondre au fil du récit touchant du départ de sa mère, très âgée, en maison de retraite.

« L’entrée en maison de retraite peut être l’occasion de mesurer le poids d’une solitude dont on n’avait pas conscience ou qu’on était dans l’impossibilité de s’avouer parce que seul le déni la rendait supportable. Redécouvrir une vie sociale alors que, depuis des années, on vivait confinée entre ses quatre murs, à attendre les trop rares visites des enfants ou des proches, peut être extraordinairement vivifiant. Parfois, même le seul fait d’être débarrassée des tâches quotidiennes vous rend une liberté intérieure dont on avait perdu le goût. » Enfin un livre qui parle des maisons de retraite en bien ! Mère amour compare aussi la vieillesse à une « voie royale », puisque pour la mère de la narratrice, aujourd’hui décédée, ce temps aura ouvert l’accès au meilleur d’elle-même. « Plus je la voyais se courber sous le poids des ans, plus je la voyais grandir intérieurement, devenir lumière », écrit Dominique Raoul-Duval. Lorsqu’elle doit se résoudre à la « placer » en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, elle est soulagée que l’idée vienne de sa mère. « Elle me dit, très calmement très fermement : “Je ne peux plus rester seule chez moi. Il y a un âge où ça n’est plus possible, c’est la vie, il n’y a rien à en dire. Est-ce que tu as une idée ?” Et quand je lui réponds que j’avais pensé à la maison de retraite protestante pour un certain temps, elle me réplique : “Mais ce n’est pas pour un certain temps. C’est définitif. Voilà, la décision est prise.” » C’est un lieu de vie qu’elle découvre en inscrivant sa maman dans l’établissement : plein de lumière et de couleurs gaies, ouverte sur un grand jardin fleuri, menée avec humour et amour par une équipe « qui ne ménage ni son temps si sa peine » – même si elle sait que c’est une chance et que les résidents ne sont pas toujours aussi bien traités qu’ils devraient l’être dans la majorité des établissements. Pour la narratrice aussi, les visites à l’EHPAD, où sa mère restera de longues années, ont des effets positifs : « La fréquentation de très vieilles personnes qui sont en train de passer quasi imperceptiblement vers l’autre rive me remplit d’un sentiment d’urgence : il n’y a pas une minute à perdre. » Mais Mère amour n’est pas un livre sur les structures pour personnes âgées, c’est un témoignage sur le rapprochement entre une fille et sa mère, sur l’amour qui les lie chaque jour un peu plus, alors que l’aînée vieillit et perd ses facultés physiques et mentales. « Pour rendre la vieillesse de l’autre plus douce, il n’y a d’autre choix qu’essayer d’acquérir un cœur plus ouvert, un peu plus de sagesse, donc de travailler sur soi-même. » C’est ce qu’a fait Dominique Raoul-Duval qui, en devenant peu à peu la mère de sa mère, a construit une nouvelle et belle relation avec elle.

Mère amour. Chronique du grand âge – Dominique Raoul-Duval – Ed.Nil – 18,25 €

Culture

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