« Quel est l’avenir de la branche professionnelle du secteur social, médico-social et sanitaire à but non lucratif ?
La question se pose devant les échecs cuisants de rénovations concernant aussi bien la convention collective du 15 mars 1966 que celle du 31 octobre 1951, devant la réticence des pouvoirs publics à s’engager auprès des différents acteurs sociaux du fait du manque de lisibilité de cette branche professionnelle très morcelée et surtout devant le manque de volontarisme des syndicats employeurs de l’Unifed (1) à aboutir rapidement à une convention collective unique de branche.
Nous sommes nombreux pourtant à considérer celle-ci comme la condition incontournable d’un renouveau de la légitimité des associations d’action sociale dans leur vocation d’intérêt général. Qu’attendre, en effet, de cette convention collective unique ?
Pour les salariés, une attractivité du secteur plus grande et ce, dès le début de carrière, une meilleure valorisation des qualifications et des compétences favorable à une vraie progression de carrière et, bien sûr, un minimum de sécurité dans les conditions d’emploi. Autant d’éléments nécessaires à l’autonomie et l’investissement personnel dans des pratiques professionnelles particulièrement exigeantes. Nous attendons en effet de nos salariés une capacité d’expertise en lien avec les missions reçues et une prise de risque dans leurs fonctions d’interpellation politique au sein même de nos institutions. Par politique, il faut entendre le droit et le devoir d’ingérence des professionnels de l’action sociale dans le débat démocratique, qui participe à la légitimité même de nos associations, espaces de débat et donc acteurs de changement des rapports sociaux, et non simples agents de régulation sociale.
Pour les employeurs, un minimum de règles du jeu communes limitant les effets dévastateurs pour les usagers d’une concurrence sauvage entre les acteurs de l’action sociale, une certaine cohérence de moyens en fonction des missions reçues, une vraie mobilité des professionnels du secteur au sein de la branche professionnelle, contribuant à la cohérence identitaire et à la singularité de cette dernière. Cette cohérence est nécessaire à la reconnaissance par les pouvoirs publics d’un secteur social, médico-social et sanitaire à but non lucratif au cœur des enjeux de l’action sociale.
Nos associations ont toujours été bien plus que de simples prestataires de service, de véritables acteurs des politiques sociales investis démocratiquement d’une mission d’intérêt général. Si la légitimité des décideurs politiques au titre d’une démocratie élective ne fait aucun doute, celle du secteur associatif au titre d’une démocratie participative, expression de la société civile, ne l’est pas moins. Cet état de fait, l’association d’action sociale, corps intermédiaire de l’expression citoyenne en matière de “mieux vivre ensemble”, est aujourd’hui mis à mal :
le manque de croissance et la crise actuelle de l’économie imposent des arbitrages de plus en plus serrés dans les moyens mis à disposition de nos actions par les collectivités publiques ;
le secteur associatif n’a plus les moyens de développer des offres de service en lien avec son analyse des besoins sociaux insuffisamment pris en compte ;
et plus inquiétant encore, la politique des appels à projets péniblement mise en place par les agences régionales de santé et les conseils généraux condamne les associations à des réponses techniques normatives là où l’originalité des réponses et des moyens, voire l’expérimentation, seraient nécessaires.
Ces difficultés interrogent le secteur à but non lucratif dans sa plus-value auprès des usagers, face aux opérateurs lucratifs qui, profitant de la solvabilité de certains bénéficiaires, investissent avec un certain savoir-faire des pans entiers de l’action sociale. Il nous faut rappeler dans ce contexte que la raison d’être première de nos associations est de promouvoir la solidarité, que notre plus-value auprès des pouvoirs publics reste, au-delà de la non-lucrativité, notre capacité d’analyse des enjeux sociaux dans une démarche interactive entre élus et bénéficiaires de l’action sociale. En effet, en contribuant à un débat public argumenté, nos associations participent à la reconnaissance de la validité du point de vue des usagers sur leurs situations individuelles et collectives comme de l’intérêt de leur participation effective à la définition des réponses aux besoins.
Le secteur social, médico-social et sanitaire à but non lucratif, nous venons de le voir, détient sa légitimité d’acteur des politiques publiques dès lors qu’il assume en cohérence :
son expérience et ses savoir-faire en matière de gestion des établissements et services d’action sociale ;
sa capacité singulière à mobiliser usagers, bénévoles, professionnels et décideurs politiques dans une même dynamique démocratique en faveur de la solidarité.
Tenir bon sur cette double fonction d’utilité sociale demande d’être exigeants sur les moyens nécessaires à assurer la qualité de nos prestations auprès des usagers, demande une reconnaissance des pouvoirs publics dans notre participation aux débats de société, demande également la promotion d’une branche professionnelle dynamique et active comme ossature d’un secteur d’activité engagé démocratiquement au cœur de l’action sociale. Pour cela, il nous faut pouvoir nous appuyer sur une convention collective unique de branche.
Il est de la responsabilité des syndicats employeurs et salariés de ce secteur de trouver les opportunités d’alliances, voire de dépasser certaines rivalités d’appareils, pour avancer à marche forcée vers cet objectif… et non simplement l’envisager comme une possibilité ! »
Contact :
(1) Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social. L’Unifed regroupe la Croix-Rouge française, la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne à but non lucratif), la Fédération Unicancer-Fédération des centres de lutte contre le cancer, la Fegapei (Fédération nationale de parents et amis employeurs et gestionnaires d’établissements et services pour personnes handicapées mentales) et le Syneas (Syndicat d’employeurs au service de l’action sociale et santé).