Trois pages pour répondre au problème posé par la persistance de placements d’enfants en rétention administrative : le ministre de l’Intérieur a signé, le 6 juillet, une circulaire demandant aux préfets d’appliquer aux familles parentes d’enfants en situation irrégulière la procédure d’assignation à résidence plutôt qu’un placement en rétention (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 25). Manuel Valls attend des représentants de l’Etat un premier bilan de l’application de ses instructions « au 30 septembre prochain ».
Rappelons que cette pratique consistant à placer, avec leurs parents en situation irrégulière, des enfants dans un centre de rétention administrative dans l’attente de leur expulsion a été condamnée le 19 janvier 2012 par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) (1). Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait promis d’y « mettre fin ». Les consignes délivrées par le ministre de l’Intérieur vont dans ce sens puisqu’elles tendent à rendre cette pratique exceptionnelle… mais elles ne la font pas, pour autant, totalement disparaître.
La circulaire demande aux préfets de privilégier, à l’égard des familles parentes d’enfants mineurs, le mécanisme de l’assignation à résidence prévu par l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il s’agit de l’assignation « avec perspective raisonnable d’exécution » de la mesure d’éloignement (2). Cette assignation à résidence ne peut excéder une durée de 45 jours, renouvelable une fois. Et est strictement encadrée avec, pour les personnes concernées, un « périmètre de circulation » à respecter et l’obligation périodique de se présenter au commissariat ou à l’unité de gendarmerie la plus proche de son domicile.
Des garanties de représentation leur sont, en outre, demandées : preuve d’une résidence effective permanente, possession de documents de voyage en cours de validité et qui peuvent être conservés par l’autorité administrative en échange d’un récépissé valant preuve d’identité.
Si les intéressés ne disposent pas d’une adresse stable – logement décent dans des conditions légales, précise la circulaire –, les préfets doivent envisager une assignation à résidence « dans une structure de type hôtelier ou autre ».
Enfin, pour les familles dont les garanties de représentation sont faibles et « dont le comportement d’ensemble revèle une volonté manifeste de fraude ou de refus de leurs obligations », Manuel Valls appelle les préfets à privilégier « la solution la plus adaptée aux particularités de chaque situation » : « assignation à résidence au domicile avec une vigilance toute particulière ou assignation dans un autre lieu permettant une surveillance facilitée » pour les forces de l’ordre.
A noter : le ministre invite les préfets à offrir aux familles concernées, avant même de prononcer l’assignation à résidence, les aides financières au retour en vigueur.
A proprement parler, la circulaire ne met pas fin à la rétention de familles parentes d’enfants mineurs en situation irrégulière. Simplement, leur placement ne se fera plus, désormais, qu’en cas de non-respect des conditions de l’assignation à résidence, en cas de fuite d’un ou de plusieurs membres de la famille ou bien encore de refus d’embarquement. Autrement dit, en cas d’interpellation ultérieure, ces familles qui se sont volontairement soustraites à leur obligation de quitter le territoire français pourront être placées en rétention administrative selon les conditions de droit commun.
Le délai de cette rétention n’excédera pas la durée « strictement nécessaire à la préparation de l’éloignement ». En tout état de cause, insiste le ministre de l’Intérieur, les préfets devront se conformer à la jurisprudence européenne qui, rappelle-t-il, « n’accepte la présence de mineurs en centres de rétention que si celle-ci est limitée dans le temps, se déroule dans des conditions adaptées et si toutes les alternatives ont été de bon droit écartées ». A cet égard, indique Manuel Valls, « des dispositions ont été prises pour que les équipements spécifiques à l’accueil des mineurs soient régulièrement entretenus ou renouvelés dans tous les centres déjà adaptés à l’accueil des familles ».
Précision importante apportée par le pensionnaire de la Place Beauvau le 7 juillet sur France Info : la nouvelle circulaire ne s’applique pas à Mayotte, où, plus globalement, une mission va être confiée à une personnalité indépendante pour faire des propositions face à l’immigration clandestine massive, « en concertation avec les autorités comoriennes ».
Le même jour, le défenseur des droits – qui, depuis l’arrêt de la CEDH, est avec les associations de défense des droits des étrangers en première ligne pour faire libérer des familles (3) –, a exprimé sa satisfaction à l’égard de la circulaire. « C’est une décision que nous attendions », a-t-il déclaré à l’AFP, assurant être intervenu environ 35 fois depuis le mois de janvier. Dominique Baudis a par ailleurs annoncé qu’il se rendrait à l’automne à Mayotte où « il y a davantage d’enfants en rétention en une année que dans tout le reste de la France ».
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