« C’est un mois de travail intense que nous venons de partager. » C’est sur ces quelques mots que Jean-Marc Ayrault a introduit, le 10 juillet dans l’antre du Conseil économique, social et environnemental, son bilan des deux jours de la « Grande conférence sociale » (1). Deux jours que sont venues précéder plusieurs semaines de concertation avec l’ensemble des acteurs de terrain et qui ont débouché sur une feuille de route « partagée » des réformes sociales à engager à court et moyen terme par l’Etat, les partenaires sociaux et les collectivités territoriales. Le Premier ministre n’entend en outre pas s’arrêter là. Rassurant les uns et les autres sur le fait qu’il souhaite « prendre le temps du dialogue », il a annoncé qu’une réforme constitutionnelle s’engagerait prochainement afin d’accroître le poids des partenaires sociaux et du dialogue social. Outre un « grand rendez-vous annuel » évoqué la veille par le chef de l’Etat pour dresser le bilan, Jean-Marc Ayrault a également fait savoir qu’« un conseil ou un commissariat du dialogue social et de la prospective » serait prochainement créé.
Dans un contexte économique et social particulièrement dégradé, l’emploi, et tout particulièrement l’emploi des jeunes les moins qualifiés, était au cœur des débats de la « Grande conférence sociale ». L’ensemble des participants ont voulu que, sur ce thème, s’engage un travail collectif incluant l’Etat, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux. Tous les sujets cependant ne feront pas l’objet de négociations. « Si le dialogue social est, et sera, la marque de mon gouvernement, a déclaré Jean-Marc Ayrault, ça ne sera pas un frein à l’action du gouvernement qui continuera d’avancer de son côté sur les réformes urgentes. » Sur la question des emplois d’avenir, par exemple, les partenaires sociaux et les collectivités territoriales seront consultés sur leur mise en œuvre durant l’été et un projet de loi sera présenté en septembre. Cette phase de consultation permettra, selon la feuille de route du gouvernement, d’échanger sur le public et les structures concernés par ces contrats ou encore de préciser les voies de formation professionnelle offertes aux jeunes inscrits dans ces parcours.
Le gouvernement entend également garder la main sur le contrat de génération (tutorat jeune-senior). Un document d’orientation sera néanmoins remis à la rentrée de septembre aux syndicats souhaitant s’engager dans des négociations nationales interprofessionnelles sur certaines modalités de ce contrat (gestion des âges dans l’entreprise, adaptation du dispositif selon la taille des entreprises, etc.). Un projet de loi sera ensuite présenté au Parlement début 2013.
Les partenaires sociaux devraient, en revanche, négocier au cours du premier trimestre 2013, sur l’amélioration de l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle des travailleurs handicapés. L’idée étant de renforcer les sanctions applicables aux entreprises ne respectant pas leurs objectifs en matière d’emploi de ces travailleurs.
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé la fin des négociations sur les accords « compétitivité-emploi ». Le thème fera l’objet d’une « nouvelle démarche », a fait savoir Jean-Marc Ayrault. En ce sens, un document d’orientation sera transmis en septembre prochain aux partenaires sociaux afin qu’ils puissent négocier, d’ici à la fin du premier semestre 2013, sur la sécurisation de l’emploi. Sera notamment abordé dans ce cadre un volet sur la lutte contre la précarité « excessive » du marché du travail (contrats précaires, temps partiel subi…) et sur la prise en charge par Pôle emploi des publics concernés. Quant au chômage partiel, il devrait faire l’objet d’améliorations dès la rentrée 2012 sur la base de l’évaluation de l’accord national interprofessionnel de janvier dernier (2), avant une refonte globale du dispositif dans le cadre de la négociation sur la sécurisation de l’emploi.
Enfin, les négociations sur la future convention d’assurance chômage pourraient se dérouler avec un peu d’avance, dès début 2013, pour pouvoir intégrer l’ensemble de ces chantiers.
Les intervenants de la table ronde sur l’avenir des retraites et de la protection sociale ont, de leur côté, rappelé leur attachement au système français de protection sociale qui a permis, selon eux, d’atténuer les effets de la crise, notamment pour les personnes vulnérables. Ils ont toutefois reconnu l’existence d’une inadaptation structurelle entre le niveau des dépenses et celui des ressources. Afin de diversifier et d’élargir les sources de financement de notre système de protection sociale, le gouvernement a donc décidé de saisir, dès septembre 2012, le Haut Conseil du financement de la protection sociale afin qu’il établisse un diagnostic du système actuel et propose des pistes d’amélioration. Sur la base de son rapport, qu’il doit remettre au Premier ministre début 2013, une concertation s’engagera avec les partenaires sociaux.
Sur les retraites, le Conseil d’orientation des retraites (COR) effectuera entre septembre prochain et début 2013 un état des lieux du système, notamment sur son équité (égalité hommes-femmes, personnes en situation de handicap, pénibilité). Sur la base des travaux du COR, une commission ad hoc formulera ensuite différentes pistes de réforme à plus ou moins long terme, et une concertation s’engagera avec les partenaires sociaux à partir du printemps 2013 sur les orientations devant être retenues pour l’avenir du système de retraite, a expliqué le gouvernement.
Conformément aux annonces faites par François Hollande lors de son investiture, les règles de revalorisation du SMIC seront revues avant la fin 2012, prévoit la feuille de route. Un groupe de travail interministériel sera constitué et travaillera, en collaboration avec la commission nationale de la négociation collective (CNNC), sur les différents scénarios possibles d’ajustement des critères légaux et réglementaires de revalorisation. A l’issue de ce processus, le gouvernement présentera un projet de texte qui sera soumis et débattu avec les partenaires sociaux dans la cadre de la CNNC. Le comité de suivi des négociations salariales de branches devrait être réuni à la rentrée de septembre pour faire le point sur l’engagement des négociations dans les branches présentant un salaire minimum conventionnel inférieur au SMIC. Des actions correctrices seront programmées le cas échéant et un bilan sera présenté d’ici la fin 2012 par le gouvernement. La prime sur les dividendes instaurée par Nicolas Sarkozy sera supprimée, l’ensemble des acteurs ayant fait part, selon le ministre du Travail, de son inutilité.
Dans la fonction publique, le gouvernement prévoit de mener une série de concertations avant la fin de l’année, notamment sur les évolutions de carrières, les rémunérations et l’égalité hommes-femmes. Un accord-cadre sur la prévention des risques sociaux sera également négocié à partir de la rentrée 2012. Enfin, un bilan de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sera réalisé sur l’ensemble du territoire. Une lettre de mission a été envoyée le 6 juillet par Jean-Marc Ayrault aux inspections générales de l’administration et des finances afin de « tirer les enseignements » de la RGPP et d’« éclairer le gouvernement sur les conditions et les modalités d’une nouvelle politique de rénovation de l’action publique ».
Côté formation professionnelle, pas de grande réforme programmée mais une amélioration des dispositifs existants. Dès l’automne 2012, l’Etat, les partenaires sociaux et les régions devraient plancher sur la lutte contre les formes de « décrochage » des jeunes et la promotion de l’alternance afin de diminuer le nombre d’entrants sur le marché du travail sans qualification. Sur la même période, une étude sur le compte individuel formation sera confiée au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie qui évaluera le dispositif et proposera des pistes d’amélioration. Le Premier ministre a également confirmé le « sauvetage » de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Et un bilan de l’action du service public pour l’orientation devrait être mené à l’automne prochain.
Selon la feuille de route, la question de l’égalité professionnelle hommes-femmes fera l’objet, à compter du 21 septembre 2012, d’une négociation nationale interprofessionnelle devant aboutir avant la fin du premier trimestre 2013. Elle traitera notamment de l’articulation vie professionnelle-vie personnelle et de la prise en compte de la parentalité par l’entreprise. La question du temps partiel pourra être également abordée dans ce cadre.
Enfin, le chef du gouvernement a annoncé qu’un bilan sur la réforme de la représentativité syndicale sera mené au second semestre 2013 et que la question de la représentativité patronale sera également abordée sur la base des propositions à venir des organisations représentatives d’employeurs.