Sept ans après, le bilan de la loi « handicap » du 11 février 2005 est « contrasté » et « reste en deçà des espoirs initialement soulevés ». C’est le constat posé par un rapport de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, adopté le 4 juillet dernier (1). Comme de nombreux rapports avant lui (2), il souligne à la fois la « dynamique inédite » enclenchée par la loi, les « efforts incontestables » entrepris pour sa mise en œuvre ainsi que les « retards » et les « inerties » qui accompagnent « inévitablement » un texte « aussi ambitieux ». Pour les sénatrices Claire-Lise Campion (PS) et Isabelle Debré (UMP), « la loi de 2005 ne nécessite pas tant d’être complétée ou modifiée, que d’être pleinement déployée ». D’une façon générale, les rapporteures recommandent de pérenniser l’approche transversale du handicap en intégrant cette problématique dans l’ensemble des politiques publiques et en veillant à ce que les textes législatifs et réglementaires ne viennent pas en contradiction avec les objectifs définis en 2005. Elles appellent également à organiser un « pilotage national clair et cohérent des enjeux liés au handicap ». Et formulent 35recommandations « afin de ne pas décevoir davantage ».
« Innovation majeure de la loi de 2005 », la prestation de compensation du handicap (PCH) reste à ce jour un dispositif « inachevé » en attente d’un meilleur ajustement aux besoins des personnes handicapées, estiment Claire-Lise Campion et Isabelle Debré. Elles appellent ainsi à rouvrir la réflexion sur l’extension de la PCH aux aides domestiques et aux aides à la parentalité, jusqu’à présent écartée en raison de son coût. Même constat du côté de la PCH « enfant ». Jugeant le dispositif actuel « inadapté », elles recommandent de reprendre la réflexion sur l’élargissement de son périmètre. « Faute de financement », la suppression de la limite d’âge de 60 ans pour le bénéfice de la PCH n’a pas été réalisée, est-il rappelé. Les deux rapporteures préconisent néanmoins de supprimer la limite d’âge fixée à 75 ans pour solliciter la PCH applicable aux personnes qui y étaient éligibles avant 60 ans. Pour elles, cette mesure répond à un « objectif d’équité sans peser excessivement sur les finances départementales ». Signalons que, de son côté, le Conseil d’Etat a rejeté le même jour un recours visant à la suppression de ces conditions d’âge (voir ce numéro, page 11).
S’agissant des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le rapport appelle à la mise en œuvre de la loi du 28 juillet 2011 visant à améliorer leur fonctionnement (3) afin d’assurer leur pérennité financière. Il suggère également d’intensifier les actions de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour harmoniser leurs pratiques et garantir l’équité de traitement sur le territoire.
La loi du 11 février 2005 a permis une « avancée quantitative indéniable » en matière de scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire mais le nombre d’enfants handicapés non scolarisés demeure encore « très élevé », jugent Claire-Lise Campion et Isabelle Debré. Il est évalué à 20 000 mais les données disponibles sont « parcellaires et relativement anciennes ». Les sénatrices recommandent donc d’élaborer un outil statistique national permettant de chiffrer précisément le nombre d’enfants handicapés non scolarisés et scolarisables. Elles rappellent par ailleurs que les résultats sont « moins encourageants » dans le second degré, que de fortes disparités territoriales demeurent et que les temps de scolarisation sont parfois très partiels (quelques heures par semaine). Il est « indispensable » d’harmoniser les pratiques entre académies et MDPH, plaident-elles en suggérant de mettre en place des référentiels communs et d’améliorer les outils d’évaluation des besoins des enfants handicapés au sein des MDPH. Elles dénoncent par ailleurs le recrutement des auxiliaires de vie scolaire (AVS) individuels sous contrats aidés, « formule largement développée car moins coûteuse » mais pas adaptée à un accompagnement de qualité. Les élues préconisent donc de définir un « véritable cadre d’emploi » pour les AVS, une demande d’ores et déjà entendue par la ministre déléguée aux personnes handicapées (voir ce numéro, page 11). Les rapporteures souhaitent aussi que s’engage une « large concertation » sur la création, à l’échelon départemental, d’un service spécialisé d’accompagnement scolaire et social. Autres points à améliorer : la formation des enseignants et la coopération entre l’Education nationale et le secteur médico-social.
Le principal obstacle à l’emploi des personnes handicapées est leur manque de qualification, rappellent les deux sénatrices, qui recommandent en conséquence de favoriser l’accès aux études au-delà du collège, de renforcer l’accessibilité des centres de formation et du contenu des formations, ou encore d’accélérer la mise en œuvre d’une politique de formation concertée au niveau régional. L’aménagement des postes de travail doit en outre être poursuivi. Claire-Lise Campion et Isabelle Debré appellent à rendre effective l’obligation d’accessibilité des lieux de travail en publiant « dans les plus brefs délais » l’arrêté relatif aux modalités techniques assurant l’accessibilité des locaux de travail neufs.
Les « constats récurrents de retard » dans le domaine de la mise en accessibilité du cadre bâti et des transports « ne poussent pas à l’optimisme », se désolent les rapporteures. Même si le calendrier « ne pourra vraisemblablement pas être respecté », elles estiment qu’il « doit être impérativement maintenu ».« Repousser l’échéance de 2015 serait une erreur », d’une part, au regard des attentes des personnes handicapées et de leurs familles et, d’autre part, face au risque de démobilisation des acteurs de la politique d’accessibilité (collectivités territoriales…). Le rapport recommande donc d’impulser une nouvelle dynamique en la matière grâce à un pilotage national des enjeux liés à l’accessibilité. Il propose également la mise en place, avant l’échéance de 2015, d’un système de remontées d’informations obligatoires et d’un bilan exhaustif de l’état d’avancement du chantier de l’accessibilité. Il préconise aussi de lancer une « véritable démarche d’acculturation à la notion d’accessibilité universelle ».
(1) Rapport d’information n° 635 – Disp. sur
(2) En 2007, un rapport de suivi de l’application de la loi appelait déjà « à mener la réforme à son terme pour ne pas décevoir ». Plusieurs rapports du Conseil national consultatif des personnes handicapées se sont également penchés sur la mise en œuvre de la politique du handicap. En dernier lieu, l’instance a déploré des « chantiers encore inachevés » et des « risques qui pèsent sur l’effectivité de la loi » – Voir ASH n° 2751 du 16-03-12, p. 5.