Une circulaire pour mettre fin à la rétention des familles. Une autre pour uniformiser et préciser les critères de régularisation. Une troisième pour faciliter les naturalisations. Mais aussi une loi pour créer un nouveau titre de séjour de trois ans. Et une autre pour interdire le placement en garde à vue d’un étranger pour le seul motif du séjour irrégulier. Telles sont les principales annonces que le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a faites le 28 juin dans un entretien au « Monde », levant ainsi un peu plus le voile sur la politique d’immigration que le gouvernement entend mener.
La réponse du gouvernement au problème posé par la persistance de placements en rétention de familles avec enfants était attendue (1). Manuel Valls a annoncé qu’une circulaire sur le sujet était « prête » et serait « publiée dans les prochains jours ». « Elle annoncera l’arrêt immédiat de la rétention des familles et précisera les règles de leur assignation à résidence », a-t-il assuré, ajoutant que « la rétention des familles ne se fera plus que pour celles qui n’auront pas respecté leur assignation à résidence ou ne se seront pas présentées à l’embarquement en cas d’expulsions ».
Manuel Valls a exclu de dépasser le chiffre d’environ 30 000 régularisations de sans-papiers par an réalisées sous la précédente majorité. « La situation économique et sociale ne permet pas d’accueillir et de régulariser autant que certains le voudraient », a-t-il expliqué. Simplement, il compte préciser, dans une prochaine circulaire, les critères de régularisation au cas par cas que sont les années de présence en France, la situation par rapport au travail, les attaches familiales et la scolarisation des enfants.
Des critères qui, à ses yeux, « ont été interprétés de manière beaucoup trop restrictive et n’ont pas été appliqués de manière uniforme sur le territoire par le précédent gouvernement ». « Je veux mettre fin à l’arbitraire », a-t-il affirmé.
Le ministre souhaite créer un titre de séjour intermédiaire d’une durée de trois ans (et non plus un an renouvelable, comme cela se pratique aujourd’hui), l’idée étant de permettre de « stabiliser ceux qui vivent et travaillent de manière régulière sur le sol national ». Dans cette optique, « il nous faudrait essayer de légiférer dès cette année », a-t-il avancé sans donner plus de précisions.
Sans attendre que la chambre civile de la Cour de cassation adopte une position définitive sur la conformité au droit européen du placement en garde à vue d’un sans-papiers pour le seul motif qu’il est en situation irrégulière (2), Manuel Valls a par ailleurs annoncé qu’il proposerait « un outil législatif qui permette de s’assurer que les étrangers en situation irrégulière regagnent leur pays d’origine ». « Nous pourrions nous retrouver dans une situation où il n’y aurait plus de reconduites à la frontière », a expliqué le ministre, ajoutant vouloir « traiter ce problème le plus vite possible ».
En revanche, Manuel Valls ne compte pas, pour l’instant, toucher à la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité dont plusieurs dispositions visent à faciliter l’éloignement des étrangers en situation irrégulière (3). « L’idée n’est pas de légiférer sans cesse », a-t-il indiqué. « Je veux juste m’assurer que toute personne frappée d’une mesure d’éloignement soit en mesure de faire valoir ses droits à chaque étape de la procédure. » « Si cela doit passer par un changement législatif, il y aura un changement », a-t-il promis.
« Depuis deux ans, les naturalisations ont chuté de 40 %. » Souhaitant « inverser cette tendance », Manuel Valls a promis que, « dès cet été », une circulaire sera signée en ce sens « avec des critères transparents ».
Parmi les autres sujets balayés par le pensionnaire de la Place Beauvau, on retiendra aussi, pêle-mêle, qu’il veut que les personnes qui aident les sans-papiers à titre désintéressé « ne soient plus sanctionnées », qu’il ne souhaite pas que l’action des préfets soit jugée sur la base du nombre de reconduites à la frontière exécutées mais fasse l’objet d’un « travail d’évaluation dépassionné », ou bien encore que la réduction du délai d’instruction des demandes d’asile de 18 à 6 mois – promesse électorale de François Hollande – se fera « en fonction des arbitrages budgétaires du Premier ministre ».
(1) Rappelons que la France été condamnée sur ce point par la Cour européenne des droits de l’Homme, le 19 janvier dernier – Voir ASH n° 2744 du 27-01-12, p. 19.
(2) Rappelons que la première chambre civile – qui devait rendre sa décision le 4 juillet, soit après le bouclage de ce numéro des ASH – a sollicité l’avis de la chambre criminelle de la Cour de cassation… laquelle a conclu à la non-conformité au droit européen de la législation française – Voir ASH n° 2764 du 15-06-12, p. 17.