La France va-t-elle pouvoir respecter son engagement de retour à l’équilibre de ses comptes publics d’ici à 2016 ou 2017 ? Dans son audit des finances publiques que lui a commandé Jean-Marc Ayrault à son arrivée à Matignon et qu’elle lui a remis le 2 juillet à la veille de sa déclaration de politique générale ((voir ce numéro, page 7) (1), la Cour des comptes estime que ce redressement, « indispensable » pour la crédibilité du pays à l’égard de l’Europe, est « possible » sous réserve d’efforts importants en termes d’économies et de recettes supplémentaires. « Les années 2012 et surtout 2013 sont des années charnières », estiment les magistrats financiers.
Pour l’année 2012, l’audit ne révèle « pas de risque de dérapage majeur pour les dépenses ». Des dépassements possibles de 1 à 2 milliards d’euros ont bien été identifiés – notamment en matière de solidarité – mais leur ampleur est « comparable à celle des années précédentes » et il est possible, selon la Cour des comptes, de les couvrir d’ici à la fin de l’année « en faisant preuve d’une grande vigilance et en procédant sans délai à des gels de crédits supplémentaires ». Ces dépassements sont notamment dus à la sous-budgétisation de certaines dotations – maintes fois dénoncée par la Haute Juridiction financière –, notamment pour l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui va nécessiter une « remise à niveau des crédits à hauteur de 280 millions » et, si elle est confirmée, pour la « prime de Noël » versée aux titulaires du revenu de solidarité active, qui représente un besoin de financement complémentaire de 380 millions d’euros. Les crédits manquent également pour les bourses étudiantes (120 millions) et pour la prise en charge des demandeurs d’asile (entre 55 et 100 millions). D’autres dépassements correspondent à des dispositifs d’intervention « dynamiques », tels que les aides personnelles au logement, qui vont nécessiter entre 100 et 200 millions d’euros supplémentaires, et les allocations de solidarité pour lesquelles il va manquer 150 millions d’euros.
L’audit montre également que, pour 2012, le gouvernement va devoir trouver entre 6 et 10 milliards d’euros pour respecter l’objectif de déficit public de 4,4 % du PIB (produit intérieur brut). Un trou qui s’explique par des prévisions initiales trop optimistes et la révision à la baisse de la croissance que vient d’annoncer l’INSEE. Pour la Cour des comptes, les « risques importants de moins-values de recettes » appellent des « mesures appropriées de correction ».
En 2013, pour tenir l’objectif de 3 % du déficit, l’effort à réaliser sera encore plus important puisqu’il devrait s’élever à 33 milliards d’euros dans l’hypothèse d’une croissance économique de 1 % (2). Cet effort, préviennent les magistrats de la rue Cambon, devra concerner l’ensemble des administrations publiques – c’est-à-dire l’Etat, mais aussi la sécurité sociale et les collectivités locales – et porter sur l’ensemble des dépenses, à savoir les dépenses de fonctionnement, d’intervention et d’investissement. « Le poids des dépenses publiques peut être réduit sans remettre en cause la qualité des services publics, grâce à des gains d’efficience collective », assure la Cour des comptes qui, dans ce cadre, souhaite que l’acte III de la décentralisation annoncé par le gouvernement « soit d’abord l’occasion d’une clarification des compétences entre l’ensemble des administrations publiques ».
Pour réduire les dépenses de fonctionnement, la juridiction financière prône avant tout d’agir sur la masse salariale et propose plusieurs leviers d’action, qui peuvent se combiner entre eux : le gel du point d’indice des agents publics, la maîtrise des mesures catégorielles et le blocage temporaire des avancements et des promotions. Mais « seule une baisse des effectifs est de nature à produire des marges de manœuvre durables en matière salariale », souligne la cour. Le gouvernement, lui, a choisi la stabilité des effectifs (voir ce numéro, page 8).
Quant aux dépenses d’intervention – qui ont représenté en 2011 plus de 55 % des dépenses publiques, soit plus de 620 milliards d’euros, dont 82 % constitués de prestations sociales –, les magistrats jugent qu’il faut les « réexaminer » et les passer « au tamis de l’évaluation » : « leur rigidité comme l’enchevêtrement des compétences qui les caractérise » – la cour cite en particulier le cas de l’AAH et de la formation professionnelle des jeunes et des demandeurs d’emploi – rendent en effet « délicate leur maîtrise et impliquent une méthode nouvelle d’examen de leur efficacité, toutes politiques et toutes administrations publiques confondues ». A plus court terme, pour contenir l’évolution des dépenses de sécurité sociale, la Cour des comptes recommande de poursuivre la réforme des retraites, en modifiant notamment les règles relatives aux avantages familiaux et d’acquisition des trimestres d’assurance, et de modifier le mode de revalorisation des prestations familiales en les indexant non pas sur l’évolution de l’inflation comme actuellement mais sur la croissance, « à l’image de ce qui a été mis en œuvre pour l’année 2012 ».
Mais, pour la Cour des comptes, la réduction du poids des dépenses publiques devra aussi, si nécessaire, être complétée par une hausse temporaire des prélèvements obligatoires via notamment une remise en cause des « niches » fiscales et sociales dont l’efficience est jugée contestable. La juridiction financière estime en outre que, « en 2013, l’ampleur de la consolidation budgétaire nécessaire rend difficilement évitable, au moins à titre temporaire, le recours à des impôts à assiette large et fort rendement, comme la TVA et la CSG ». Une option qui n’a pas été évoquée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.
(1) La situation et les perspectives des finances publiques – Juillet 2012 – Disp. sur
(2) Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé que gouvernement allait retenir un taux de croissance économique plus faible qu’escompté : 0,3 % en 2012 et 1,2 % en 2013, contre 0,5 % et 1,7 % prévu dans le programme de campagne de François Hollande.