La politique pénale doit prendre en considération la victime pour ce qu’elle est. Elle doit être fondée sur les notions de peine « utile » et « efficace », c’est-à-dire une peine qui marque la sanction, diminue les risques de récidive et facilite la réinsertion et l’indemnisation des victimes. Des victimes pour lesquelles il faudra créer des conditions de soutien et d’accompagnement efficaces. Tels sont les principes énoncés par la ministre de la Justice le 29 juin, à l’occasion des 27e Assises nationales des associations d’aide aux victimes, où elle a dévoilé les grandes lignes de sa politique pénale, qui doit être déclinée dans une circulaire à paraître prochainement.
« Je veux servir les victimes et pas m’en servir », a martelé Christiane Taubira, soulignant qu’il fallait « mettre un terme à toutes les déclarations et décisions intempestives prises à la suite de drames ». Une pique lancée au précédent gouvernement critiqué pour avoir empilé les textes, sans en avoir assuré la cohérence ni envisagé de donner les moyens pour les mettre en œuvre. Pour la garde des Sceaux, la politique pénale doit être « solide et durable » et ne pas se concentrer sur « le tout carcéral » pour lutter contre la récidive. D’ailleurs, le 25 juin, elle a confié à l’AFP qu’elle estimait que seules 6 000 places de prison supplémentaires devaient être construites pour atteindre 63 000 places au total (1), taclant ainsi l’objectif de construction de 80 000 places voté dans le cadre de la loi de programmation relative à l’exécution des peines pour la période 2013-2017 (2). Si elle n’entend pas « stopper ce qui a déjà commencé » pour ne « pas faire perdre de l’argent à l’Etat », Christiane Taubira a assuré qu’elle serait vigilante sur les financements et les besoins réels.
Son action reposera donc sur plusieurs principes fondamentaux. Tout d’abord, assurer l’efficacité de la peine, c’est-à-dire qu’il faudra faire en sorte que la peine soit « juste et pertinente » et prononcée « dans un temps utile et dans le respect des droits de la défense », a indiqué la ministre de la Justice. Ajoutant que la peine devra aussi être « utile », c’est-à-dire « rompre avec cette logique exclusiviste du tout carcéral ». « Il faut cesser de poser l’incarcération comme seule réponse possible » et « travailler sur des modalités de peine qui facilitent la compréhension de la peine et la réinsertion, et limitent le renouvellement des infractions ». Interrogé le 25 juin par l’AFP, la ministre de la Justice a indiqué qu’elle entendait créer une « peine de probation » (3), une alternative à l’incarcération basée sur une prise en charge plus personnalisée des condamnés afin de prévenir la récidive (4). Une réflexion qui rejoint celle du contrôleur général des lieux de privation de liberté (5). Afin d’avancer sur ce sujet, une conférence de consensus devrait se tenir d’ici à la fin de l’année.
La ministre de la Justice invite les parquets à « faire en sorte que le procès pénal soit vraiment individualisé de façon à ce qu’il soit efficace et que les modalités de la peine le soient également ». Dans ce cadre, elle entend mener une « lutte déterminée contre toutes les formes de violence », en insufflant le principe d’individualisation à toutes les étapes des poursuites, du jugement et de la mise en œuvre de la peine. Parallèlement, Christiane Taubira a annoncé qu’elle allait bientôt lancer des campagnes d’information en direction notamment des personnes âgées, des jeunes victimes de harcèlement à l’école et de toutes les personnes vulnérables. En ce qui concerne l’aide aux victimes au cours du procès pénal, la garde des Sceaux demande aux parquets d’« amplifier leur attention vis-à-vis des associations d’aide aux victimes et des victimes elles-mêmes ». Ce, « notamment en cas de comparution immédiate », où l’on doit s’assurer que la victime a été convoquée, qu’elle a pu avoir accès à un avocat ou à une association d’aide aux victimes. Signalons que, dans cette optique, le précédent ministre de la Justice, Michel Mercier, a généralisé les bureaux d’aide aux victimes (6).
Parce que 60 % des associations d’aide aux victimes sont en difficulté financière, « il faut sécuriser le financement du réseau », a affirmé Christiane Taubira, qui rejoint sur ce point la députée (UMP) de l’Yonne, Marie-Louise Fort, auteure d’un rapport sur les dispositifs d’aide aux victimes (7). Elle a assuré que plusieurs réponses possibles étaient à ce jour à l’étude. La garde des Sceaux entend également demander un rééquilibrage des crédits – en diminution, constate-t-elle – affectés au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (8) afin qu’ils puissent mieux profiter à ces associations.
S’agissant enfin de la justice des mineurs – sujet sur lequel elle s’est déjà exprimée (9) –, la ministre de la Justice rappellera dans sa circulaire de politique pénale les principes qui la fonde. En tout cas, a-t-elle insisté, il faut non seulement « travailler à nouveau à sa spécialisation et plus encore à l’individualisation du procès, du prononcé de la peine et du suivi », mais aussi « travailler à la continuité de la prise en charge du mineur ».
(1) Une mesure inutile pour l’Observatoire international des prisons (OIP), qui, dans un communiqué du 28 juin, a indiqué que « si les peines de moins de un an (20 641 au 1er janvier 2012) étaient exécutées en milieu ouvert, le nombre de places de prison actuel (environ 57 000) serait déjà trop élevé ».
(3) Existant dans plusieurs pays, comme le Canada, la probation – prônée par le Conseil de l’Europe – consiste en une série d’activités et d’interventions qui impliquent suivi, conseil et assistance en vue de réintégrer socialement le condamné.
(4) Selon l’OIP, cette proposition ne peut trouver son sens que dans le cadre d’une politique « réductionniste » de la surpopulation carcérale.
(8) Sur les orientations du fonds pour 2012, voir ASH n° 2747 du 17-02-12, p. 21.