Retard mental, malformation cardiaque, hypersensibilité aux bruits, comportement hypersociable… Le syndrome de Williams et Beuren relève d’un accident génétique rare, caractérisé par la perte d’une trentaine de gènes sur le chromosome 7. C’est l’affection dont est atteint celui que l’on surnomme « Zébulon » tout au long du touchant témoignage Nous au singulier. De la découverte de la maladie à la recherche de classes spécialisées – « Juin est le mois des promesses, juillet celui du silence, septembre celui des désillusions » –, en passant par l’enchevêtrement des formalités administratives, les rendez-vous pathétiques avec des médecins souvent maladroits ou la thérapie familiale rendue inévitable, ce livre nous donne un aperçu de la vie d’une famille où l’un des enfants requiert « beaucoup d’attention ». Des témoignages sur le quotidien des parents d’enfants handicapés, il en existe des dizaines. L’originalité de celui-ci, par ailleurs fort bien écrit, réside dans le fait que la narratrice est la fille aînée de la famille, morte d’une leucémie à l’âge de 10 ans, avant la naissance de son « tout petit frère ». Ce frère qu’elle n’a pas croisé, « qu’on stigmatise, qu’on jauge et juge, qu’on voudrait écarter, […] qui force mes parents à survivre… et que j’aurais aimé ». Ainsi vues d’en haut, les grandes étapes de cette famille unie dans le drame et le combat sont décrites avec poésie. Charmant et déroutant – « Capricieux, caractériel ? Non, syndromé seulement ! » –, le petit Zébulon rassemble les siens, pourtant meurtris par le chagrin, dans un univers joyeux, tendre et insouciant. Rarement abordées aussi les difficultés que rencontre la mère à son travail. Parce qu’elle a dû aménager ses horaires pour pouvoir s’occuper du petit, elle subit de nombreuses brimades. On ne lui reproche rien, sinon le handicap de son fils. Au fil des pages, Zébulon grandit, « s’angoisse au moindre imprévu et s’épanouit dès qu’il est rassuré », « gagne en autonomie » mais « demeure fatigant », accumule les bêtises mais donne du baume au cœur de son entourage, et du lecteur.
Nous au singulier – Françoise Vittori – Edité par l’association Autour des Williams (