Logement d’insertion, adapté, intermédiaire, temporaire… Si ces dénominations un peu vagues recouvrent une diversité d’opérateurs, de statuts d’occupation ou de formes d’aide auprès des ménages, elles renvoient à un même objectif : offrir une solution d’insertion par le logement à des publics fragilisés qui n’ont pas, ou plus, besoin d’une prise en charge en centre d’hébergement, sans pouvoir accéder à un logement ordinaire. Ce secteur, habituellement désigné par ce qu’il n’est pas – « ni hébergement, ni logement de droit commun » –, trouve donc toute sa place dans la logique du « logement d’abord » engagée par le précédent gouvernement, mais il est reste mal identifié et peu valorisé.
Ce constat a conduit Alain Régnier, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, à proposer à l’ancien secrétaire d’Etat au logement, Benoist Apparu, de lancer une étude sur le sujet. Mission a été donnée au cabinet FORS-Recherche sociale de réaliser un état des lieux, d’illustrer les savoir-faire et de proposer des pistes pour consolider le secteur. « L’enjeu est de mieux l’intégrer dans les stratégies nationales et territoriales du “logement d’abord”, comme une réponse à des besoins spécifiques et non pas à un défaut de places d’hébergement ou de logement social », explique Alain Régnier. Une réflexion qui ne pourra pas faire l’économie d’une relance du dialogue avec les collectivités territoriales, notamment sur les conditions de l’accompagnement social qu’il sous-tend. « Nous allons vers un acte III de la décentralisation, un new deal qui devrait permettre des relations apaisées sur qui finance quoi », estime le délégué interministériel.
Le rapport, rendu public en mars dernier, doit alimenter les débats sur les perspectives d’évolution du secteur, lors d’une rencontre organisée le 29 juin par la FAPIL (Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement), la Fédération des PACT, spécialisée dans la production d’une offre d’habitat très social, et l’UNAFO (Union professionnelle du logement accompagné), réunies depuis un an en réseau pour faire valoir leurs intérêts communs. Il s’emploie d’abord à délimiter les frontières de ce vaste champ. Au terme de « logement accompagné » souvent utilisé, il préfère celui de « tiers secteur », qui fait écho à la notion de médiation et d’intermédiaire. Un espace multiforme dont le développement s’est inscrit dans l’évolution des politiques de lutte contre l’exclusion liées au logement, dans la lignée des premières constructions de foyers destinés aux travailleurs migrants et aux jeunes travailleurs, puis de la structuration de l’accueil des exclus autour des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Avant l’accent mis sur l’autonomie résidentielle par la loi sur le droit au logement opposable (DALO) de 2007, la loi Besson du 31 mai 1990 avait contribué à « clarifier un ensemble d’initiatives éparses, la plupart du temps issues du monde associatif et des collectivités locales », destinées à pallier les carences du parc privé et social. Devant la massification des problèmes sociaux et l’ampleur de la crise du logement, ces initiatives ont cherché des solutions pour les ménages fragilisés, aux profils de plus en plus diversifiés : personnes isolées et familles en difficulté d’insertion sociale et économique, bénéficiaires de minima sociaux, jeunes, personnes âgées, travailleurs pauvres… L’offre destinée aux défavorisés s’est progressivement « banalisée » en passant du modèle des grosses structures collectives éloignées des centres ville à celui des petites unités favorisant la mixité sociale, intégrées dans le tissu urbain.
Ce « tiers secteur », majoritairement porté par le monde associatif, mais aussi des bailleurs sociaux, entraîne, à la différence de l’hébergement, un contrat de location (ou de résidence) pour les occupants, éligibles aux aides au logement. Mais à la solution « habitat » est toujours associée une prestation d’accompagnement. Parmi les structures collectives, les résidences sociales assurent une formule de logement meublé temporaire. Une fonction de « gestion locative sociale » permet d’y assurer la régulation de la vie collective, la prévention et la gestion des impayés, l’animation et la médiation avec les services extérieurs. Les pensions de famille représentent quant à elles, pour les personnes ayant davantage besoin d’un « étayage » collectif du fait de leurs difficultés, de leur âge ou de leur isolement, une opportunité d’accueil pérenne dans une structure animée par un hôte ou d’un couple d’hôtes. Dans le parc « diffus », les associations gèrent différentes formes d’offres de logement très social découlant de plusieurs types de « captation » : gestion directe (résultant d’une acquisition, d’une production en maîtrise d’ouvrage d’insertion ou d’une prise à bail), location en vue d’une sous-location, notamment en intermédiation locative, ou gestion pour le compte d’un propriétaire (via des agences immobilières à vocation sociale). La particularité de ce logement très social (1) est d’apporter un soutien aux ménages, par le biais d’une « gestion locative adaptée » qui transforme les relations habituelles entre le bailleur et le propriétaire (2). « Tandis que les bailleurs HLM produisent une offre sociale, nous produisons une réponse adaptée aux besoins des ménages, précise Remi Gérard, directeur général de la Fédération des PACT. Par une gestion de proximité, nous aidons les personnes à entrer dans le logement, à l’investir, à s’y maintenir en prévenant les situations de surendettement par exemple, et en les mettant en relation avec les services sociaux compétents si nécessaire. Il y a eu des débats homériques sur la nature de l’accompagnement des ménages, les travailleurs sociaux, se situant historiquement du côté de la famille, ayant eu tendance à ne pas vouloir être du côté de ceux qui récupèrent les loyers. Nous plaidons pour que le lien entre la vie économique des locataires et l’accompagnement social existe. C’est ce que font les conseillères en économie sociale et familiale que nous recrutons. » L’enjeu, ajoute-t-il, est aussi de déconnecter cet objectif de ceux des politiques publiques centrées sur l’insertion professionnelle. « Nous accueillons des publics que l’Etat et les collectivités ont tendance à oublier : des personnes précaires dont l’espoir n’est plus le retour à l’emploi, comme les personnes isolées âgées, touchant l’allocation aux adultes handicapés ou en fin de vie… »
Non sans que le sujet ait suscité des débats, l’étude exclut de son périmètre les structures financées par l’allocation logement temporaire (ALT), qui d’un point de vue réglementaire appartiennent au champ de l’hébergement, mais inclut les foyers de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants et les « hôtels sociaux », dont le fonctionnement est proche de celui des résidences sociales. Au total, elle estime à environ 220 000 le nombre de places disponibles, dont la majorité (85 000 logements) en résidences sociales, en foyers pour travailleurs migrants ou jeunes travailleurs, plus de 10 000 places en pensions de famille et 45 000 logements dans le parc « diffus ». Le rapport met en lumière la fonction de ce parc dans les parcours résidentiels : entre 30 % et 70 % des ménages, selon lui, le quittent pour aller vers un logement autonome, ce taux variant toutefois selon le type d’offre. Après une durée de séjour moyenne de 17 mois, « 35 à 40 % des personnes logées en pensions de famille accèdent au logement autonome mais près de 13 % sortent pour intégrer un établissement de santé ou pour personnes âgées ». Les deux tiers des personnes logées en résidences sociales accèdent quant à elles à un logement de droit commun. Dans le cadre du dispositif Solibail (intermédiation locative) en Rhône-Alpes, « 54 % des ménages sont relogés dans le parc social et 15 % signent un bail privé. Mais 23 % intègrent une autre formule de logement hors droit commun à l’issue des 18 mois ».
Mal appréhendé du fait d’un système d’observation encore parcellaire, le secteur pâtit de surcroît d’un « modèle économique fragile », en raison de la petite taille de ses opérations immobilières, plus coûteuses, et de la faiblesse des redevances ou loyers perçus. A cette configuration spécifique s’est surtout greffé un lot de restrictions budgétaires venues réduire ses capacités d’investissement : réduction des aides à la pierre, des prêts d’Action logement et des aides de l’ANAH (Agence nationale de l’habitat), retrait de certaines collectivités locales… « Ces dernières années, la contradiction majeure de la “refondation” a été de donner la priorité au logement et de fragiliser en même temps ce secteur, commente Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre, de plus en plus amenée à co-financer des projets par des programmes spécifiques, comme l’opération « 2 000 toits pour 2 000 familles ». Et « le constat est aussi vrai pour l’accompagnement des ménages, pour lequel un glissement s’est opéré vers les conseils généraux, grands absents de la refondation par la crainte d’un transfert de charges supplémentaire, ajoute-t-il. Il est temps de prendre de la hauteur en construisant une politique structurée, qui donne toute sa place au secteur associatif de façon claire, dans une gouvernance stabilisée. » L’insuffisance des moyens alloués et leur absence de lisibilité ne permettent pas, en effet, de sécuriser le fonctionnement des structures et les prestations de soutien aux ménages. Les difficultés d’accès aux différentes sources de financement, créées par « sédimentation » au fil des années, obligent souvent les acteurs à jongler avec les dispositifs, à mutualiser leurs services, et créent par ailleurs des inégalités territoriales.
En 2010, les aides de l’Etat à ce fonctionnement (120 millions d’euros) représentaient 11 % du programme budgétaire « 177 » de prévention de l’exclusion et d’insertion des personnes vulnérables. Mais les professionnels font état de montants inadaptés au projet social de leur structure et qui ne suivent pas le développement de l’offre. Les crédits consacrés à l’aide à la gestion locative sociale (AGLS), destinée aux résidences sociales, ont ainsi du mal à couvrir les frais engagés. Les pensions de famille bénéficient d’une participation à la rémunération de l’hôte, en théorie fixée à 16 € par jour par logement, mais les associations témoignent, dans les régions, d’une tendance à la diminution des enveloppes. Depuis la décentralisation du Fonds de solidarité logement (FSL), en 2005, la contribution anciennement apportée par l’Etat pour financer l’acte d’intermédiation dans le parc « diffus » a été remplacée par une aide optionnelle des conseils généraux. Selon le rapport de FORS-Recherche sociale, près du tiers des départements ne la financent pas. La création, en 2009, de la mesure d’« accompagnement vers et dans le logement » (AVDL), ciblée sur l’accès et le maintien dans le logement, a favorablement été accueillie comme un signe du retour de l’Etat dans l’aide aux ménages. Destinées à monter en puissance (elles ont bénéficié de 12 millions d’euros en 2012), ces mesures semblent « jusqu’à présent utilisées en priorité pour les personnes sortant de CHRS et les prioritaires DALO, mais peu au profit des personnes logées en résidence sociale pour lesquelles l’accompagnement social lié au logement (ASLL) du FSL peut être plus fréquemment mobilisé ». La coexistence de deux mesures proches – financées, l’une, l’AVDL, par l’Etat, l’autre, l’ASLL, par le conseil général – a d’ailleurs eu l’effet plus négatif de brouiller le partage des compétences et de favoriser les désengagements plutôt que la recherche d’une complémentarité.
Difficile, dans ce contexte, d’avoir une vision claire de la responsabilité et du financement de chaque mission. « Le rapport met en lumière la nécessité de remettre à plat tous ces dispositifs. Mais il ne faudrait pas qu’une simplification aboutisse à la réduction des ressources des associations », prévient Jean-Michel David, délégué général de la FAPIL. « Le fait d’avoir un budget “insincère” dans le programme 177 est un obstacle à nos projets d’insertion, ajoute Gilles Desrumaux, délégué général de l’UNAFO. La circulaire relative à l’aide à la gestion locative sociale, qui n’a pas été revalorisée depuis 2000, est la seule à être formulée en francs ! L’Etat a deux mains, l’une au ministère du Logement, l’autre au ministère chargé des affaires sociales, mais le budget social a décroché de la production. »
Au sein de l’ASLIM (Action de soutien au logement d’insertion et au meublé), dans le Rhône, qui gère notamment plus de 400 logements en sous-location dans le parc « diffus », les décisions en matière de rapports locatifs – gestion d’un impayé ou règlement d’un trouble de voisinage – sont toujours prises en lien avec un référent social, issu d’une de ses structures adhérentes spécialisées dans l’accompagnement social lié au logement. « Depuis longtemps, les associations revendiquent d’assortir la gestion locative adaptée d’un accompagnement social, souligne Valérie Vardanega, sa directrice. Mais les départements ont tendance à estimer que celui-ci n’est pas nécessaire dès lors que la gestion locative adaptée existe. C’est pourquoi la création du dispositif de l’intermédiation locative est intéressant, car il couvre un ensemble de prestations, mais il reste bien trop limité en nombre. Nous avons obtenu son financement pour seulement 20 logements. » Pour les autres, l’enveloppe, à montant constant, du conseil général pour la gestion locative adaptée est devenue insuffisante.
En 2010, l’association Solidarités nouvelles pour le logement (SNL) Essonne – 27 salariés, dont 11 travailleurs sociaux, et 360 bénévoles assurant un soutien de proximité dans les immeubles – s’est trouvée en sérieux déséquilibre budgétaire. L’association, qui a dû procéder à un plan de redressement, a notamment pu obtenir deux postes pour mettre en place la mesure d’AVDL financée par l’Etat, mais à titre expérimental. « Le conseil général [qui a par ailleurs créé un fonds de soutien aux associations d’insertion par le logement], est le seul financeur de l’ASLL, mais pour une durée limitée à trois ans, explique Gilles Ruaud, directeur de SNL Essonne. L’AVDL existe, mais il suffit de la mettre en œuvre et d’éviter qu’elle ne soit réservée aux ménages prioritaires DALO. »
Pour FORS-Recherche sociale, l’enjeu de la sécurisation des opérateurs dépend donc de l’affirmation de leurs fonctions d’accueil et d’accompagnement des ménages défavorisés. Aussi les réseaux associatifs doivent-ils parvenir « à objectiver et donner de la visibilité aux coûts spécifiques de production et de gestion », afin de contribuer, avec les pouvoirs publics, à faire évoluer leur système de financement.
L’expérience du PACT d’Indre-et-Loire montre que l’inscription du secteur dans les stratégies territoriales d’accès au logement est possible, à condition de réunir la volonté de tous les acteurs concernés. Partant du constat commun que certaines personnes ne pouvaient accéder au logement du fait de leur mode de vie, de leurs difficultés sociales ou de santé, l’association et ses partenaires – structures associatives, bailleurs, caisse d’allocations familiales, union départementale des associations familiales, financeurs… – ont décidé, dans les années 1990, de monter une filiale dédiée à la création de logements adaptés. La Ficosil en est l’émanation, et gère aujourd’hui 420 logements. Dans le cadre du PDALPD (plan départemental d’accès au logement des personnes défavorisées), une commission réunissant les acteurs de l’hébergement et du logement statue sur l’orientation des ménages signalés par les travailleurs sociaux. Une forme de services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) avant l’heure… En plus de l’ASLL, un co-financement Etat-département et agglomération de Tours permet de proposer un accompagnement social de trois à six mois centré sur la préparation à l’entrée dans le logement (évaluation, stabilisation du budget, pédagogie sur le « savoir habiter »…). « Le ratio des recours DALO est extrêmement faible dans la région Centre, nous l’expliquons par 20 ans de prévention et de coordination », souligne Vincent Nicoud, directeur adjoint de la Ficosil.
Pour autant, le rapport de FORS-Recherche sociale révèle que ces stratégies partenariales font encore défaut. L’éclatement des compétences depuis les lois de décentralisation, la multiplication des réformes dans le champ des politiques du logement, la recomposition des services déconcentrés de l’Etat et les « logiques de rationalisation budgétaire » ont abouti à un mode de pilotage complexe du secteur. Si les associations sont devenues des opérateurs incontournables de la politique du logement, elles ne sont pas systématiquement représentées dans les instances locales. « L’éclatement de la gouvernance et son manque d’organisation ne favorisent pas les réflexions stratégiques sur la place et les fonctions de l’offre » du « tiers secteur », les acteurs locaux restant surtout concentrés sur le suivi de dispositifs et de programmes superposés, « avec des réflexions encore insuffisantes sur la complémentarité et l’éventuelle concurrence de chacun ».
Le rapport préconise donc de conforter la « fonction intégrative » des PDALPD, en y incluant les plans départementaux accueil hébergement insertion. L’une des pistes « pour aller vers une logique ensemblière plus cohérente pourrait être de donner un rôle aux comités régionaux de l’habitat » en matière d’hébergement et d’accès au logement, suggère-t-il encore. S’ils doivent aboutir à une meilleure utilisation des capacités d’accueil, les nouveaux SIAO ont, pour leur part, à associer l’ensemble des acteurs de l’hébergement et du logement, ce qui n’est pourtant pas encore le cas, et à préserver l’adéquation entre la spécificité de l’offre et le public orienté. « Le dispositif ne doit pas créer une file d’attente qui nous adresse une personne dès qu’il y a de la place, au lieu de l’orienter en fonction de l’évaluation de ses besoins, au risque de la mettre elle-même en difficulté », explique Remi Gérard.
A l’occasion de leur journée commune du 29 juin, l’UNAFO, la FAPIL et la Fédération des PACT veulent réitérer leurs prises de position sur la place du secteur dans la conduite du « logement d’abord ». « L’accès au logement doit être favorisé tant en secteur public qu’en secteur locatif privé conventionné, l’accompagnement doit être modulé, voire intégré à la gestion locative, l’hébergement et le logement doivent réduire leurs frontières et trouver chacun leur place dans le parcours vers l’autonomie », avaient-elles déjà affirmé lors des assises du « logement d’abord » de l’hiver dernier. Elles proposent en priorité de défendre les lignes budgétaires existantes, mais aussi de « construire de nouvelles nomenclatures d’aides à partir d’une mise à plat des aides et de leurs finalités ». Pour garantir la fonction sociale des structures, « il faut une mise en œuvre locale, mais l’Etat doit aussi y mettre des moyens », martèle Remi Gérard. Les réseaux veulent aussi un retour de l’Etat dans l’investissement. « Nous demandons la création d’un nouveau PLAI spécifique, qui garantirait un meilleur financement pour les associations », précise Jean-Michel David. Estimant que la politique du « logement d’abord » ne se réduit pas à l’attribution de logements pour les publics « prioritaires », ils attendent que le chantier de la refondation soit lié aux PDALPD par un pilotage cohérent. Ce dernier doit, revendiquent-ils, être interministériel, notamment pour tenir compte des enjeux de santé dans l’insertion, articuler la politique de l’Etat et des collectivités territoriales et renforcer le rôle des associations dans cette gouvernance. « Le logement accompagné doit assurer une fonction d’“ensemblier”, souligne Gilles Desrumeaux. Notre objectif n’est pas de dire “donnez-nous plus d’argent et les pauvres seront mieux gardés”, mais de mieux articuler les réponses. »
Encore faut-il que la stratégie du « logement d’abord » ne se résume pas à un simple transfert d’enveloppe. La FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), qui plaide pour des moyens permettant un « accompagnement social global » des ménages et pas seulement centré sur l’habitat, craint que l’accent mis sur la transformation des places d’hébergement, en dehors d’un diagnostic territorial « partagé », ne trahisse les ambitions lancées il y a quatre ans pour refonder le système.
Si son activité a d’abord consisté à loger les travailleurs migrants, Aléos, dans le Bas-Rhin, a vu son métier évoluer dans les années 1980, avec le retour de ces derniers au « pays » et l’émergence de nouveaux visages de la précarité.
« Nous avons vu arriver des publics désaffiliés, déstructurés, ayant besoin d’un accompagnement social très lourd », explique Loïc Richard, directeur de l’association. Aujourd’hui, elle gère des places en résidences sociales, des logements dans le parc « diffus », des places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale, en pensions de famille, en centres provisoires d’hébergement, en centres maternels et des lits halte soins santé, un ensemble de structures disposant d’une quinzaine de travailleurs sociaux. L’accompagnement social global en résidence sociale est financé par une dotation de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (anciennement liée aux activités de l’association auprès des migrants), qui a chuté de 40 % depuis 2010. Pour maintenir 1,5 poste de CESF sur ses 900 places en résidence sociale à Mulhouse (sachant que 40 % des occupants ont besoin d’un suivi très rapproché), l’association a dû augmenter de 1 % ses redevances. Quant à la dotation de l’AGLS, « elle n’a pas évolué depuis 2004, quand nous proposions 506 places ».
Aléos vient néanmoins de compléter ses prestations d’accompagnement par un poste de « coordinatrice santé » financé par l’agence régionale de santé.
« Ensemblier » du parcours résidentiel, l’association a par ailleurs créé un « pôle insertion emploi » en partie financé par la politique de la ville, et auquel ses résidents peuvent accéder. Opérationnel depuis peu, le service intégré d’accueil et d’orientation dispose d’un certain nombre de chambres et de studios réservés dans son parc. Localement reconnue comme « exemplaire » par son histoire et son initiative, l’association n’en attend pas moins un dialogue constructif avec l’Etat.
« Le silence autour de l’accompagnement et le fait de ne pas savoir quels moyens sont mis en face de nos obligations dans le cadre de la contractualisation nous empêchent de travailler dans la sérénité », fait valoir Loïc Richard.
A l’actif du PACT Aveyron : 450 logements, par la réhabilitation d’immeubles existants, situés dans des quartiers résidentiels. « Nous travaillons non seulement sur l’analyse des besoins qui remontent des associations et des services sociaux, mais aussi avec des partenaires qui interviennent auprès certaines catégories de publics, comme les salariés des ESAT [établissements et services d’aide par le travail] ou les personnes sortant d’hôpital psychiatrique, explique Patrick Marot, son directeur. Nous allons jusqu’à réaliser des programmes spécifiques, par exemple pour des familles très nombreuses. Nous avons ainsi monté une quinzaine d’opérations dans des maisons individuelles en ville. Après avoir historiquement d’abord logé des travailleurs pauvres, l’association doit diversifier son offre et adapter ses logements aux personnes isolées et aux ménages monoparentaux. Et aujourd’hui, les effets de la précarité font que les besoins liés au logement changent dans des délais très courts. »
Dans la pratique, l’association a fait le choix d’un « dispositif intégré », qui ne distingue pas la gestion locative de l’accompagnement social lié au logement. « Le travailleur social a comme support le contrat de location. Nous avons trois conseillères en économie sociale et familiale, soutenues par une personne qui assure les suivis administratifs et financiers. » Les personnels de l’équipe technique, qui s’assurent de la bonne utilisation des équipements, constituent en quelque sorte leur binôme. « S’ils viennent dans le logement et voient que les gamins n’ont rien à déjeuner, ils peuvent relayer l’information à leurs collègues. Chacun voit la vie de tous les jours sous des facettes différentes. » Pour l’heure sans financement pour cet accompagnement, l’association est obligée de puiser dans les loyers perçus pour le prendre en charge. Elle doit aussi, dans sa gestion, compter avec les délais nécessaires pour l’ouverture des droits des nouveaux résidents.
« La CAF mettant entre deux et quatre mois pour ouvrir ces droits, notamment à l’APL, nous devons pendant ce temps avancer les loyers. » Un tiers des personnes ont besoin d’un suivi rapproché dans les premiers mois, les autres ayant simplement besoin d’une présence « régulière ». Une partie de l’accompagnement consiste à articuler l’appropriation du logement et la maîtrise des charges. « Si un locataire ne se rend pas compte que son compteur est bloqué sur les heures creuses, on peut l’alerter », illustre Patrick Marot.
La moitié des occupants sont présents dans le parc depuis moins de trois ans. « Nous n’avons pas de raisons de leur dire de partir une fois leurs problèmes réglés, mais souvent, ils ont envie de tourner la page. Le logement d’insertion peut représenter un rappel de leurs traumatismes. »
(1) Les plafonds de ressources pour des logements financés en PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) dépassent légèrement le seuil de pauvreté.
(2) Les activités de maîtrise d’ouvrage, d’ingénierie sociale, financière et technique et d’intermédiation locative et de gestion locative sociale ont été définies à travers la réforme des agréments des organismes agissant en faveur du logement des personnes défavorisées, dans la loi « de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions » du 25 mars 2009.