Un travailleur qui tombe malade pendant ses congés payés annuels doit pouvoir récupérer ultérieurement, sous forme de congés, la période pendant laquelle il a été malade. C’est ce qu’a décidé, dans un arrêt du 21 juin, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui complète ainsi sa jurisprudence en la matière. Le 10 septembre 2009, en effet, elle avait déjà jugé qu’un travailleur en situation d’incapacité de travail avant le début d’une période de congé payé a le droit de prendre celui-ci à un autre moment que celui coïncidant avec la période de congé de maladie (1).
Les faits sont les suivants : plusieurs organisations syndicales espagnoles ont saisi la justice de recours collectifs pour faire reconnaître le droit des travailleurs des grands magasins de bénéficier de leur congé annuel payé, même lorsque celui-ci coïncide avec des périodes de congé maladie. Dans la législation espagnole, en effet, un travailleur a le droit, comme en France, de récupérer son congé lorsque celui-ci coïncide avec une période d’incapacité due à une grossesse, un accouchement ou à l’allaitement. Mais rien n’est prévu en cas d’incapacité due à un congé de maladie. Saisie du litige, la Cour suprême espagnole a, avant de statuer, demandé à la CJUE de répondre à la question suivante : une réglementation qui prévoit qu’un travailleur en incapacité temporaire de travail survenue durant la période de son congé payé annuel ne peut pas bénéficier ultérieurement de ce congé annuel est-elle contraire à l’article 7 § 1 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 sur l’aménagement du temps de travail (2) ?
Oui, répond la Cour de justice de l’Union européenne, donnant ainsi raison aux syndicats espagnols. Elle rappelle que la finalité du droit au congé annuel – permettre de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs – diffère de celle du droit au congé maladie, qui est de permettre de se rétablir d’une maladie. Elle relève par ailleurs que le droit au congé annuel payé doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union européenne revêtant une importance particulière, consacré par la Charte européenne des droits fondamentaux et la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Les juges concluent que ce droit ne peut être interprété de manière restrictive et doit donc être accordé indépendamment du moment où l’incapacité de travail survient, que ce soit avant le congé, comme la Cour l’a déjà affirmé dans sa décision du 10 septembre 2009, ou pendant le congé. « Il serait en effet aléatoire et contraire à la finalité du droit au congé annuel payé […] d’accorder ledit droit au travailleur uniquement à la condition que ce dernier soit déjà en situation d’incapacité de travail lorsque la période de congé annuel payé a débuté », explique la CJUE. Elle rappelle en outre que, dans son arrêt de 2009, elle a jugé que la nouvelle période de congé annuel dont le travailleur est en droit de bénéficier après son rétablissement, et qui correspond à la durée du chevauchement entre la période de congé annuel initialement fixée et le congé maladie, peut être fixée, le cas échéant, en dehors de la période de référence correspondante pour le congé annuel.
En France, la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 4 décembre 1996 (3), que si la maladie survient pendant le congé payé annuel du salarié, l’employeur, qui lui a accordé le congé prévu par la loi, s’est acquitté de ses obligations. En conséquence, le salarié ne peut exiger de nouveaux congés. Une position qui est donc contraire à la décision de la CJUE et que la Haute Juridiction devrait être amenée prochainement à modifier.
Concernant les fonctionnaires, le Conseil d’Etat a déjà admis, sous certaines conditions, le report des congés payés annuels lorsque l’agent public tombe malade pendant ces congés. Dans un arrêt du 29 décembre 2004 (4), il a ainsi jugé que si la maladie survient alors que le fonctionnaire est en congé annuel et n’exerce donc pas ses fonctions, il appartient à l’autorité hiérarchique, saisie d’une demande de congé de maladie, d’apprécier si l’intérêt du service, en raison des conséquences du report du congé annuel en cours, ne s’oppose pas à son octroi.
(1) Voir ASH n° 2626 du 2-10-09, p. 17.
(2) Cet article dispose que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. La période minimale de ce congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »
(3) Cass. soc., 4 décembre 1996, n° 93-44.907, disp. sur
(4) Conseil d’Etat, 29 décembre 2004, n° 262006, disp. sur