LIVRE

DOCTEUR ÈS TRAUMAS. Psy de banlieue, c’est le quotidien du Service où exerce la narratrice, entre « consultes » et visites à domicile, auprès de femmes enceintes, de jeunes enfants ou de familles touchées par la perte subite d’un bébé. Dans cette fiction inspirée de faits réels, on croise des histoires douloureuses de couples soudés malgré le décès d’un enfant désiré, de fratries délaissées et de souffrances jamais dites, le récit déchirant de mères « debout anéanties », mais aussi, à force de « patience, humilité, détermination », des mécaniques familiales grippées qui se remettent à grincer dans le bon sens, des enfants mutiques qui finissent par s’ouvrir aux autres, des nourrissons différents qu’on accueille dans la joie.

Entre deux éclats de cette vie violente et vibrante, apparaissent les doutes, les convictions, les engagements de professionnelles qui font passer « les familles avant les dossiers et la vie avant les règlements ». Comment gagner la confiance des patients ? Comment tenir malgré la frustration « de ne jamais savoir si on a fait comme il faut, si on a été juste, si on a été à la bonne place » ? Comment trouver la clé pour accrocher l’attention d’un enfant absent à lui-même ? Comment préserver l’identité du Service malgré « les nouvelles orientations, les statistiques et les bilans comptables » ? « Etre psy d’banlieue, c’est d’abord une question de style, écrit José Morel Cinq-Mars, psychologue clinicienne au sein de la protection maternelle et infantile de Seine-Saint-Denis. Un rapport plus direct au corps, un lien plus vital à l’humour, une moindre répugnance à côtoyer les traumatismes, un souci atténué de la mise en scène de soi-même, un rapport moins tendu à la modernité et à ses objets, un plus grand souci des langues et des cultures, les siennes comme celles des autres. Etre psy d’banlieue, c’est aussi une question de posture politique et esthétique, un rapport au savoir, plus ironique que magistral. »