Le parcours d’adoption est une épreuve longue et semée d’embûches. Cela contribue sans doute à expliquer le silence des parents enfin comblés sur les difficultés rencontrées par et avec l’enfant qu’ils se sont vu confier. Celles-ci, pourtant, ne sont pas rares. Spécialistes de la question et mères adoptives elles-mêmes, Cécile Delannoy et Catherine Vallée constatent assez souvent qu’à l’orée de l’âge adulte « nos jeunes […] vivent un malaise parfois jusqu’à la souffrance, qui se perçoit dans leurs attitudes à notre égard, à l’égard de leur entourage et/ou dans leur comportement ». Ce sont les raisons de ce mal-être spécifique d’enfants qui ne sont pas tout à fait comme les autres que les auteures s’emploient à cerner. Les recherches sur les enjeux relationnels de l’adoption sont essentiellement centrées sur la théorie de l’attachement. Cécile Delannoy et Catherine Vallée invitent, elles, à réfléchir aux conflits d’appartenance que vivent les jeunes adoptés. Majoritairement issus de l’adoption internationale, ces adolescents sont extrêmement sensibles au regard porté sur eux : leur sentiment de ne pas appartenir au même groupe que leurs camarades, d’avoir été greffés de l’extérieur à une famille française, risque de constituer une souffrance, à tout le moins une gêne diffuse, et une difficulté à définir leur propre identité, avancent les auteures. Constamment renvoyés à une origine qui est non seulement différente mais aussi socialement dévalorisée, ces jeunes manquent, pour se construire, du « miroir tendu par l’autre soi-même, le semblable », et nombre d’entre eux sont poussés vers la marginalité.
Vivre et grandir dans l’adoption. Entre appartenances et quête d’identité – Cécile Delannoy et Catherine Vallée – Ed.La Découverte – 15 €