Les associations porteuses de structures dédiées au placement à l’extérieur doivent-elles être contraintes de répondre à des appels d’offres alors qu’elles définissent elles-mêmes le contenu de l’accompagnement social des publics accueillis ? Le paradoxe a été soulevé par l’Uniopss, Citoyens et justice, Chantier école et la Farapej, dans un courrier adressé le 8 juin à la garde des Sceaux et au ministre de l’Economie, des Finances et du Commerce extérieur.
Elles rappellent que le partenariat entre l’administration pénitentiaire et les associations, qui avaient initialement défini le contenu de cette mesure d’aménagement de peine, avait été rénové dans le cadre de l’élaboration d’un référentiel en 2006. Mais, depuis le milieu de l’année 2008, l’administration pénitentiaire, qui finance une partie de cette activité par un prix de journée, semble changer son fusil d’épaule en optant pour la passation d’un marché public. « Cette démarche est confortée par une note de la direction de l’administration pénitentiaire datée du 13 mars 2002, qui invite les directeurs interrégionaux à recourir aux procédures de la commande publique dans le cadre du placement à l’extérieur », expliquent les fédérations. Lesquelles ont sollicité la direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie et des Finances, qui les a reçues en octobre dernier. Lors de cette rencontre, en présence de l’administration pénitentiaire, « différents points ont pu être abordés, mais aucune réponse n’a été apportée, alors même que des éléments juridiques restaient en suspens ». Parmi eux : le fait que le prix versé dans le cadre d’une commande publique doit couvrir l’intégralité du coût de la prestation, alors que l’administration pénitentiaire est cofinanceur de la mesure. Difficile, en outre, de considérer les associations comme de simples prestataires, puisque le placement à l’extérieur implique des réponses adaptées au besoin des personnes accueillies. L’appel d’offres remet enfin en cause la notion de parcours et d’individualisation de la peine dans lequel il s’inscrit.
Au-delà, la logique concurrentielle dans le secteur non lucratif « vient mettre en tension la logique de partenariat qui a joué et continue de jouer un rôle fondamental dans l’accueil et l’accompagnement social des publics les plus fragilisés », argumentent les associations.
Elles ont adressé un courrier au directeur de l’administration pénitentiaire, Henri Masse, en décembre dernier, afin de lui proposer des pistes de travail, notamment le rattachement du placement à l’extérieur aux dispositions de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Une proposition balayée par le destinataire, qui en revanche a confirmé la volonté de soumettre « les prestations de placement à l’extérieur aux dispositions du code des marchés publics », une mise en conformité « exigée au regard des règles de la commande publique ». Les associations espèrent désormais que la nouvelle ministre de la Justice, Christiane Taubira, tiendra davantage compte du « caractère éminemment social » de la mesure.