Plus de 80 personnes, directeurs généraux des services (DGS) des départements, mais aussi directeurs généraux adjoints, directeurs de services sociaux venant de plus de 30 départements, représentants d’associations professionnelles et d’institutions (1), étaient présentes à la rencontre organisée le 13 juin à Bobigny (Seine-Saint-Denis) par les 34 DGS signataires de la contribution « L’action sociale : boulet financier ou renouveau de la solidarité ? » (2). L’ensemble des participants a souligné l’intérêt de la démarche : « C’est la première fois que des directeurs généraux de département, plutôt éloignés du travail social quotidien, abordent la question du sens de l’action sociale », relève Laurent Puech, vice-président de l’ANAS (Association nationale des assistants de service social), qui se félicite que l’ensemble des acteurs du département soient prêts, chacun avec sa vision propre, à discuter du travail social. Un avis partagé par Cristelle Martin, présidente de l’Ancasd (Association nationale des cadres de l’action sociale départementale), qui voit dans la réflexion ouverte par les DGS « une formidable opportunité d’alliance à tous les étages de la maison départementale ». Et de l’avis des participants, même s’il y a eu des points de divergences, les échanges ont été particulièrement ouverts et constructifs.
La question de la prise de risque – les directeurs généraux avaient pointé l’insuffisante prise de risque dans les prises en charge – a notamment été fortement débattue. « Nous partageons le constat que l’empilement des dispositifs conduit à faire des guichets d’aide sociale et à multiplier les protocoles qui prennent beaucoup de temps et laissent peu de place à la prise de risque pour les professionnels de terrain, souligne Cristelle Martin. Néanmoins pour qu’on arrête de faire des accompagnements qui ne mènent à rien et qu’on pose des limites, il faut que cette orientation soit portée au plus haut niveau du conseil général. » « Il y a une injonction paradoxale à demander aux travailleurs sociaux de prendre des risques dans des organisations qui ne le permettent pas, ajoute Laurent Puech. Par exemple, certains conseils généraux viennent demander une évaluation systématique en cas d’information préoccupante quel que soit son niveau. » « Nous sommes bien évidemment concernés par l’aversion au risque comme par l’ensemble des questions que nous abordons dans notre contribution, souligne en réponse à ces remarques Denis Vallance, directeur général des services de Meurthe-et-Moselle et l’un des trois rédacteurs du texte. Nous remettons en cause nos pratiques comme celles des autres acteurs. Plus précisément, ajoute-t-il, il est nécessaire que les travailleurs sociaux puissent bénéficier d’une large délégation pour apprécier la situation de la personne mais en même temps qu’ils puissent se baser sur un référentiel quicroise les logiques de leur métier et les logiques de l’institution. Il y a un juste dosage à trouver. »
D’autres points ont également fait l’objet de discussions. Par exemple, les DGS relevaient, dans leur texte, que l’enseignement du développement social était « trop limité » dans la formation des travailleurs sociaux. « La réforme du diplôme d’Etat d’assistant de service social prend en compte le développement social, mais encore faut-il proposer des stages ou des emplois qui permettent aux jeunes professionnels d’exercer ces compétences. Ce qui signifie, par exemple, pour les conseils généraux, faire un peu moins de guichet », explique Cristelle Martin. « Les conseils généraux sont aussi des coproducteurs de la formation et ont à ce titre une responsabilité », poursuit Laurent Puech, qui s’inscrit en faux contre l’idée, évoquée par les DGS, que le secret professionnel empêcherait le travail social d’intérêt collectif.
Dans leur contribution, ceux-ci soulignaient également la nécessité d’une implication plus importante des cadres dirigeants des départements dans l’accompagnement managérial des cadres de proximité. « Il faut revoir la formation de ces derniers, souligne dans le même sens Cristelle Martin. On a plus besoin de cadres dotés d’une capacité à manager une équipe pluridisciplinaire sur le mode “projet” sur le territoire et ayant des connaissances juridiques, financières que de supertravailleurs sociaux. Cela fait cinq ans qu’on travaille sur cette question avec le CNFPT [Centre national de la fonction publique territoriale] pour qu’il fasse évoluer en ce sens son offre de formation. » Enfin, si les participants ont relevé le fait qu’ils pouvaient agir à leur niveau, ils ont insisté sur la nécessité que les élus départementaux intègrent la préoccupation sociale dans toutes les politiques publiques.
Ces échanges devraient permettre aux DGS d’identifier les problématiques qui seront débattues lors de la journée nationale qu’ils envisagent le 18 octobre et qui devrait être ouverte aux représentants des personnels des départements, aux élus et à leurs partenaires de l’action sociale. D’ores et déjà quatre grands thèmes ont été retenus : la question du sens de l’action sociale face aux limites du système, la mobilisation des usagers et le développement social, le rapprochement entre développement économique et développement social et les évolutions de la formation des travailleurs sociaux. « Nous sommes assez surpris des nombreuses réactions sur notre texte qui circule au sein de plusieurs réseaux. Cela nous dépasse un peu, comme si nous avions lancé un débat national, commente Denis Vallance. Nous avons le sentiment que nous sommes en train de passer à une étape nouvelle de l’action sociale. » Un sentiment partagé par Cristelle Martin : « Il y a vraiment une prise de conscience que le département ne peut plus être une simple chambre d’enregistrement et qu’il faut ouvrir une nouvelle page pour l’action sociale départementale décentralisée et le travail social de proximité. » « En consacrant tout un texte à l’action sociale, relève, de son côté, Marc Rouzeau, responsable du pôle recherches et études de l’IRTS de Bretagne, les DGS montrent bien que celle-ci est devenue un secteur à part entière de l’action publique et qu’ils veulent participer à sa constitution et à son décloisonnement. Cela suppose qu’ils investissent dans la formation initiale des professionnels, dans le management, mais aussi dans la recherche et le développement et dans les coopérations internationales. »
(1) Etaient notamment représentés l’Andass. (Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé), l’ANAS (Association nationale des assistants de service social), l’Ancasd (Association nationale des cadres de l’action sociale départementale), l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale décentralisée), la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis.