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Retour des titulaires d’un titre temporaire de séjour dépourvus de visa : la CJUE ne s’oppose pas à l’interdiction posée par la réglementation française

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Les ressortissants de pays tiers appartenant à une nationalité soumise à visa et qui ne sont détenteurs que d’un titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile, sont autorisés, à ce titre, à séjourner en France. Pour autant, ils ne peuvent pas en sortir et y revenir comme bon leur semble. La réglementation française, à travers une circulaire ministérielle du 21 septembre 2009, leur interdit en effet le retour en France en l’absence d’un visa de retour (1). Interrogée par le Conseil d’Etat sur la compatibilité de cette règle avec le droit européen, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) estime, dans un arrêt du 14 juin, que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une telle interdiction. Elle précise toutefois qu’un Etat membre qui délivre un visa de retour au ressortissant désireux d’y revenir ne peut limiter son entrée dans l’espace Schengen aux seuls points de son territoire national.

Ce que dit le droit européen

Le règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006, dit « code frontières Schengen », soumet l’entrée des ressortissants des pays tiers dans l’espace Schengen à plusieurs conditions. Ainsi, pour un séjour n’excédant pas trois mois sur une période de six mois à compter de la date de la première entrée sur le territoire des Etats membres, ces étrangers doivent notamment être en possession d’un document de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière (intérieure ou extérieure) d’un Etat membre et d’un visa en cours de validité, si celui-ci est requis.

Par dérogation, les ressortissants des pays tiers qui ne remplissent pas toutes les conditions énoncées au « code frontières Schengen » mais qui sont titulaires d’un titre de séjour ou d’un « visa de retour » délivré par l’un des Etats membres ou, lorsque cela est requis, de ces deux documents, se voient autorisés à entrer aux fins de transit sur le territoire des autres Etats membres afin de pouvoir atteindre le territoire de l’Etat membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa de retour.

Ce que dit la circulaire controversée

En vertu d’une circulaire du ministère de l’Immigration du 21 septembre 2009, tous les documents provisoires (récépissé de première demande de titre de séjour, autorisation provisoire de séjour [APS]) permettent de rentrer en France… à deux exceptions près, pour lesquelles un visa consulaire de retour est exigé. Permettent ainsi à leur titulaire de revenir librement dans l’espace Schengen :

 l’ensemble des autorisations provisoires de séjour, à la seule exception de celles délivrées dans le cadre d’une demande d’asile ;

 les récépissés de demande de renouvellement de titre de séjour.

En revanche, ne permettent pas à leurs titulaires de revenir librement dans l’espace Schengen :

 les APS délivrées dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile ;

 les récépissés de première demande de titre de séjour.

Autrement dit, les ressortissants de pays tiers soumis à visa et qui auraient quitté l’Hexagone munis soit d’une APS délivrée dans le cadre d’une demande d’asile, soit d’un récépissé de demande délivré dans le même cadre, soit encore d’un récépissé de première demande de titre de séjour, ne peuvent revenir dans l’espace Schengen que munis d’un visa. La règle dans ce domaine est en principe la possession d’un « visa consulaire de retour » mais, précise la circulaire, le préfet peut, « dans certaines hypothèses exceptionnelles », délivrer à titre de facilité un visa de retour préfectoral dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des situations individuelles (cas humanitaires, étudiants retournant dans leur pays d’origine pendant les vacances scolaires ou universitaires…). Le ministère avertit toutefois que, à l’exception de celui délivré aux étrangers mineurs, ce visa de retour préfectoral ne permet normalement le franchissement des frontières extérieures de l’espace Schengen que par un point d’entrée français.

L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre cette circulaire qui, selon elle, ne se contente pas d’appliquer le règlement (CE) n° 562/2006 mais va plus loin. Ayant des doutes sur l’interprétation de ce règlement européen, la Haute Juridiction s’est donc tournée vers la CJUE ? pour lui demander de prendre position sur la compatibilité de la règle française avec le droit européen.

Ce que dit la CJUE

La CJUE estime en premier lieu que, si la possession d’un titre de séjour délivré par un Etat membre au ressortissant d’un pays tiers permet bien à ce dernier d’entrer et de circuler dans l’espace Schengen, de quitter cet espace et d’y revenir sans devoir passer par la formalité du visa, le titre temporaire de séjour délivré au cours de l’examen de la première demande de titre de séjour ou au cours de l’examen d’une demande d’asile est expressément exclu de la notion de titre de séjour au sens du règlement.

La CJUE estime par ailleurs qu’il résulte des règles régissant le refus d’entrée énoncées au « code frontières Schengen » que le ressortissant d’un pays tiers qui est en possession d’un titre temporaire de séjour délivré par un Etat membre dans l’attente d’une décision sur sa demande de séjour ou sa demande d’asile, ne peut plus, s’il quitte le territoire de cet Etat, y revenir sous le seul couvert de son document provisoire de séjour. Par conséquent, lorsqu’il se présente aux frontières de l’espace Schengen, les autorités chargées du contrôle doivent, en application du règlement, lui refuser l’entrée sur le territoire à moins qu’il ne relève de certaines exceptions (motifs humanitaires ou d’intérêt national ou encore obligations internationales).

La Cour était interrogée également sur la notion de « visa de retour ». Le Conseil d’Etat se demandait en effet dans quelles conditions un tel visa peut être délivré par un Etat membre et, en particulier, s’il peut limiter l’entrée aux seuls points du territoire national. Pour la CJUE, il résulte du « code frontières Schengen » qu’un visa de retour doit autoriser le ressortissant d’un pays tiers à entrer aux fins de transit sur le territoire des autres Etats membres afin de pouvoir atteindre le territoire de l’Etat membre qui l’a délivré. Par conséquent, le code doit être interprété en ce sens qu’un Etat membre qui délivre un visa de retour ne peut limiter l’entrée dans l’Espace Schengen aux seuls points de son territoire national. Ce qu’a fait la circulaire controversée pour le visa de retour préfectoral.

Il revient désormais au Conseil d’Etat de trancher le litige conformément à la décision de la Cour.

[CJUE, aff. C-606/10 du 14 juin 2012, disp. sur http://curia.europa.eu]
Notes

(1) Voir ASH n° 2625 du 25-09-09, p. 11.

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