Comment les personnes handicapées mentales ont-elles obtenu le droit de vote ?
Avant 2005, les personnes handicapées se voyaient retirer automatiquement leur droit de vote dès lors qu’elles étaient placées sous tutelle, c’était la mort civile. La première étape pour conquérir ce droit a été la loi « handicap » de 2005 : le juge des tutelles pouvait autoriser les majeurs sous tutelle à voter, mais cela restait exceptionnel. La loi de 2007 sur la protection juridique des majeurs – entrée en vigueur en 2009 – inverse ce principe : le droit de vote est devenu la norme et l’interdiction – qui doit être imposée par le juge – une exception. 100 000 personnes handicapées mentales sous tutelle ont pu voter cette année. C’est donc la première fois qu’un président de la République, et maintenant les députés, sont élus au suffrage réellement universel.
Quels ont été les obstacles ?
Pour certains majeurs protégés, la mesure de tutelle n’avait pas été révisée par le juge et ils étaient encore sous le régime d’avant 2007. Ceux-ci n’ont pas pu exercer leur droit de vote. Ensuite, il fallait qu’ils soient inscrits sur les listes électorales. Certaines associations, les services tutélaires notamment, les ont aidés à le faire. Enfin, il fallait sensibiliser les personnes à ce droit nouveau.
Quelles actions avez-vous menées ?
Il s’agissait de faire un travail d’éducation civique. Dans les établissements, nos associations ont mené des « ateliers citoyens » pour apprendre aux personnes à exercer ce nouveau droit (1). Elles ont organisé des élections fictives dans lesquelles les personnes se sont mises en scène. Certaines associations ont aussi traduit l’ensemble des programmes en termes simples.
Vous avez aussi alerté les candidats…
Au niveau national, nous avons d’abord informé les candidats du fait que les personnes handicapées mentales allaient voter pour la première fois. Nous leur avons aussi demandé d’expliquer avec des mots compréhensibles ce qu’ils comptaient faire pour elles s’ils étaient élus. Ils ont tous répondu par écrit mais deux seulement – Eva Joly et Marine Le Pen – l’ont fait à travers une vidéo qui est le support le plus adapté aux difficultés liées à la déficience intellectuelle (2). Pour les législatives, les associations locales ont fait la même démarche en direction des candidats de leur circonscription.
Quels sont les premiers retours ?
Une personne m’a rapporté qu’elle n’était pas sûre d’avoir mis dans l’enveloppe le bulletin qu’elle souhaitait, ce genre de difficulté est répandu pour des personnes qui n’ont pas toujours accès à la lecture. D’autres ont sollicité de l’aide de la part des assesseurs qui ont refusé, sans doute de peur d’être accusés d’influencer la personne. Cette frilosité dans l’accompagnement au moment du vote résulte de l’absence de préparation du dispositif électoral.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Cette situation est nouvelle pour tous, il faut qu’elle entre dans les mœurs. Qu’il s’agisse des candidats, des professionnels qui accompagnent les personnes au quotidien ou de celles qui tiennent les bureaux de vote, tout le monde doit désormais intégrer ce droit de vote. Nous allons lancer un appel à témoignages auprès des personnes handicapées mentales pour tirer un bilan, voir ce qui a été fait et ce qui reste à faire. L’objectif est de proposer une amélioration du dispositif. L’une de nos premières recommandations sera de mettre le visage du candidat sur le bulletin.
(1)
(2) L’Unapei a créé un site dédié :