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Contrôle du titre de séjour par les forces de l’ordre : la Cour de cassation juge le droit français contraire au droit européen

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En attendant de se prononcer définitivement sur la question de la conformité à la « directive retour » des placements en garde à vue d’étrangers au seul motif qu’ils sont soupçonnés d’être en situation irrégulière (voir ci-contre), la première chambre civile de la Cour de cassation vient de provoquer une nouvelle onde de choc sur le terrain de la conformité du droit français des étrangers avec le droit européen. Dans un arrêt du 6 juin, la Haute Juridiction estime en effet que l’article L. 611-1 alinéa 1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), relatif aux contrôles des titres de séjour, ne satisfait pas aux exigences des articles 67 paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006 établissant le code des frontières « Schengen ».

En vertu de la disposition controversée et de la jurisprudence dont elle a fait l’objet, les officiers de police judiciaire sont autorisés, sur l’ensemble du territoire national, à contrôler directement la régularité du séjour d’une personne de nationalité étrangère « en dehors de tout contrôle d’identité » – c’est-à-dire sans vérifier, en premier lieu, son identité en suivant les procédures régies par le code de procédure pénale –, dès lors qu’« un signe extérieur d’extranéité » (1) présume de sa qualité d’étranger.

C’est sur ce fondement que la personne à l’origine de l’affaire – un ressortissant somalien qui voyageait dans un autocar effectuant la liaison Milan-Paris – s’est fait contrôler. Cette vérification ayant révélé qu’il se trouvait en situation irrégulière, l’intéressé a été interpellé et placé en garde à vue pour entrée irrégulière sur le territoire national et détention et usage de faux documents. Dans la foulée, le préfet de la Haute-Savoie lui a notifié un arrêté de reconduite à la frontière et une décision de placement en rétention administrative, laquelle a été prolongée par le juge des libertés et de la détention. Par la suite, le premier président de la cour d’appel de Lyon a rendu une ordonnance confirmant cette décision, relevant notamment que « l’immatriculation de l’autocar à l’étranger constituait un élément objectif d’extranéité justifiant le contrôle des passagers ».

La Cour de cassation a cassé et annulé cette ordonnance au motif que l’article L. 611-1 alinéa 1 du Ceseda ne respecte pas les exigences du droit européen, qui garantit le principe de la libre circulation et a banni les « vérifications aux frontières intérieures » au sein de la zone Schengen. La Haute Juridiction se fonde plus précisément sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 22 juin 2010 dans lequel la Cour de Luxembourg estime que l’article 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/2006 s’opposent à une législation nationale qui ne garantirait pas, faute d’encadrement nécessaire, qu’en pratique, les contrôles d’identité effectués indépendamment du comportement des personnes concernées et de circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre public, ne revêtent pas d’effet équivalent à celui des vérifications aux frontières. Or l’article L. 611-1 alinéa 1 du Ceseda n’est assorti d’aucune disposition de nature à garantir que l’usage de la faculté qu’il accorde aux policiers ne revêt pas un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières, souligne la Cour de cassation. Ce faisant, il ne satisfait donc pas aux exigences des textes européens susvisés.

[Cass. civ. 1re, 6 juin 2012, n° 10-25.233, disp. sur www.legifrance.gouv.fr]
Notes

(1) Circonstances extérieures à la personne de l’étranger.

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