Brassages scéniques

Agenouillée entre sa mère et ses sœurs, dans le campement que sa famille vient d’installer, la petite Papouzza est en colère. Le gendarme Dur-Dur, non content d’avoir dressé une amende pour le stationnement illégal de la caravane, veut maintenant savoir si les enfants sont inscrits à l’école. « L’école, on veut pas y aller ! Quand on veut apprendre, personne ne s’occupe de nous, et les petits gadjé, ils sont tout le temps en train de se moquer ! », s’emporte la fillette. Un véritable cri du cœur, poignant de sincérité… et surtout un joli moment de théâtre : comme le gendarme suspicieux et les villageois bornés, la famille de Gitans est interprétée par une troupe d’enfants du quartier de La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), animée par la compagnie Tamèrantong ! (TMT !). Créée en 1992, TMT ! affiche une véritable ambition artistique et éducative : amener au théâtre les enfants des quartiers populaires, susciter le brassage des cultures, des familles et des milieux sociaux. En vingt ans, la compagnie fondée dans le quartier parisien de Belleville a essaimé : une troupe « ados » a ouvert dans le même quartier, et deux groupes d’enfants se sont implantés à Mantes-la-Jolie (Yvelines) et à La Plaine-Saint-Denis. Alternant années d’initiation et de création, chaque troupe assure à tour de rôle les tournées de TMT ! « Il s’agit toujours de pièces originales, fondées sur des contes traditionnels, auxquels on greffe l’actualité », précise la fondatrice de TMT !, la comédienne Christine Pellicane. Sur la scène de la Maison des métallos, les jeunes Dionysiens présentent donc un diptyque tonitruant et lyrique, Michto !, comprenant La Tsigane de Lord Stanley et Les bottes rouges, fables sur l’acceptation de la différence, l’appel de la route et la puissance de l’amour. Pour le spectateur, le travail fourni et le plaisir de jouer ensemble sont évidents : « Les enfants ont ce quelque chose qui nous réveille, affirme Christine Pellicane. Du rire, de l’énergie, une vraie présence sur scène… Il faut leur apprendre la technique, mais l’essentiel est là. La vie. »