Dans une communication adoptée le 21 mai, la Commission européenne invite les Etats membres de l’Union européenne (UE) à « redoubler d’efforts » pour répondre aux exigences du cadre européen des stratégies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’à 2020, définitivement adopté en juin 2011 (1). Un appel qui intervient le jour même où une étude de l’Agence européenne des droits fondamentaux dresse un tableau sombre de la situation des Roms dans les 11 Etats membres – dont la France – où vit l’écrasante majorité des citoyens rom de l’UE (2).
Pour chacun des domaines clés du cadre européen – l’éducation, l’emploi, la santé et le logement –, la Commission répertorie les Etats qui ont, dans leur stratégie nationale (3), envisagé les mesures prévues. Et donne des exemples d’engagements pertinents ou de bonnes pratiques. La France est ainsi citée en exemple pour ses « villages d’insertion », aménagés par plusieurs autorités locales pour répondre aux besoins des personnes défavorisées, et notamment des Roms, qui vivent dans des campements illégaux. En revanche, la Commission ne formule aucune critique précise à l’égard des Etats qui présentent des lacunes dans leur politique d’intégration des Roms, ni aucune préconisation ciblée à l’attention de chacun d’eux, se contentant de recommandations stratégiques générales.
Elle demande notamment aux Etats membres de s’engager plus fortement en matière de financement et de suivi de leurs actions en faveur des Roms. Le cadre de l’UE prévoit en effet qu’ils doivent consacrer un financement suffisant à la charge de leur budget national, financement qu’ils peuvent compléter, le cas échéant, par des fonds européens et internationaux. Or seuls 12 Etats membres ont clairement identifié des fonds à allouer à leur politique. La France, tout comme l’Irlande, Chypre, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande et le Royaume-Uni, ne l’ont pas fait. En matière de suivi, le cadre européen recommande aux Etats membres de concevoir « un système […] solide, en fixant une ligne de conduite, des indicateurs appropriés et des objectifs mesurables, et de veiller à ce que chaque programme contienne des dispositions prévoyant l’évaluation de sa pertinence, de son efficacité, de son efficience et de ses effets ». Mais seules l’Irlande, la Lituanie et la Slovaquie respectent ce double objectif.
La France s’isole en outre sur la question de l’éducation et du logement. A la différence des autres Etats membres, elle ne prévoit en effet aucun objectif concret pour combler le déficit d’instruction, ni même pour accroître la fréquentation des établissements d’enseignement supérieur ou prévenir la ségrégation. Selon la Commission, en dehors des « villages d’insertion », la stratégie française ne propose rien non plus en matière d’accès au logement, et notamment de logement social.
Selon l’étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 80 % des Roms interrogés vivent dans un ménage menacé par la pauvreté, moins d’un tiers occupe un emploi salarié et seuls 15 % ont terminé un enseignement secondaire supérieur, contre plus de 70 % pour les non-Roms. Le logement de 45 % d’entre eux est dépourvu de cuisine, de toilettes, de salle de bains privative ou d’électricité. Et environ la moitié des Roms ont indiqué avoir subi des discriminations liées à leur ethnicité au cours de l’année passée. « C’est un appel à l’action : les Etats membres doivent étendre les soins de santé et la sécurité aux Roms et améliorer leurs conditions de vie », a déclaré Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la justice et vice-présidente de la Commission, affirmant qu’elle publiera chaque année un rapport sur les progrès accomplis en matière d’intégration de la population rom dans les Etats membres et sur la réalisation des objectifs fixés par le cadre de l’UE.
(2) Au-delà de la France, cette étude, disponible sur
(3) Sur la stratégie française, voir ASH n° 2741-2742 du 13-01-12, p. 21 et n° 2747 du 17-02-12, p. 20.