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La loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité

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LA LOI RELATIVE À L’IMMIGRATION, À L’INTÉGRATION ET À LA NATIONALITÉ TRAITÉE DANS LES ASH

Crédit photo OLIVIER SONGORO
Nous achevons notre dossier consacré au volet « éloignement » de la loi du 16 juin 2011, avec un focus sur les dispositions relatives au contentieux administratif et au contentieux judiciaire.
II. LA RÉFORME DU CONTENTIEUX DES MESURES D’ÉLOIGNEMENT

Le contentieux des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre des étrangers en situation irrégulière fait intervenir à la fois le juge administratif et le juge judiciaire. Cette dualité de juridictions était vue comme une source de complexité par l’ancien gouvernement. Après avoir songé à une unification juridictionnelle, il a finalement opté pour une voie consistant, tout en préservant la dualité des juridictions, à décaler dans le temps l’intervention de l’une par rapport à l’autre. En clair, dans le schéma en vigueur avant la loi du 16 juin 2011, les interventions des deux ordres de juridiction s’entrecroisaient, voire se contredisaient. « En effet, a expliqué Thierry Mariani, rapporteur (UMP) de la loi à l’Assemblée nationale, si le juge judiciaire [intervenait] au bout de 48 heures de rétention pour se prononcer sur la nécessité de la mesure de rétention et sur la régularité de la procédure ayant conduit au placement en rétention de l’intéressé, dans les faits, en tant que premier juge saisi, il [était] très souvent conduit à prononcer une appréciation sur la régularité même de la procédure de rétention, acte administratif sur lequel il ne devrait pas avoir à se prononcer. » « A l’inverse, le juge administratif [intervenait] plus tard alors même qu’il était le juge de la décision administrative initiale, la décision d’éloignement, qui est au fondement de l’ensemble de la procédure. » Pour Thierry Mariani, il résultait de cet enchevêtrement des procédures des situations paradoxales. Par exemple, « un étranger [pouvait] voir sa rétention prolongée par le juge judiciaire alors même qu’elle [était] fondée sur une décision administrative que le juge administratif [allait] ultérieurement annuler » (Rap. A.N. n° 2814, septembre 2010, Mariani, page 44). L’intervention trop tardive du juge administratif faisait que le juge judiciaire était conduit à prolonger une rétention fondée sur une décision illégale.

Désormais, le juge administratif intervient donc en premier – dans les 5 premiers jours de rétention – pour contrôler à la fois la légalité de la décision d’éloignement et de celle du placement en rétention ou de l’assignation à résidence. Le juge judiciaire n’intervient plus qu’au-delà de ces 5 jours, pour se prononcer sur la prolongation de la rétention.

Plusieurs articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) relatifs au déroulement de la procédure contentieuse devant le juge administratif pour les étrangers faisant l’objet des mesures d’éloignement ont par ailleurs été réécrits dans le cadre de la loi du 16 juin 2011 afin, notamment, de tenir compte de la profonde réforme des procédures d’éloignement opérée par cette même loi.

D’autres dispositions concernent plus spécifi­quement le contentieux judiciaire et visent, selon l’ancien gouvernement, à « garantir la sécurité juridique des procédures d’éloignement ». Des associations de défense des droits des étrangers comme la Cimade l’ont, à cet égard, accusé de vouloir soit éviter le contrôle du juge judiciaire, soit restreindre les possibilités pour ce dernier de sanctionner des irrégularités dans les procédures, et ainsi éviter la remise en liberté d’étrangers dont les droits n’auraient pas été respectés.

A. LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF (ART. 48 DE LA LOI)

La loi distingue deux types de procédure contentieuse devant le juge administratif pour les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement :

 une procédure de semi-urgence où le délai de recours est de 30 jours ;

 une procédure d’urgence où le délai de recours est de 48 heures et le délai pour statuer de 72 heures.

Les conditions de leur mise en œuvre ont été redessinées au sein de l’article L. 512-1 du Ceseda, lequel régit ainsi, plus précisément, les recours dirigés contre (code de justice administrative [CJA], art. R. 776-1 modifié) :

 les obligations de quitter le territoire français (OQTF), ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec elles ;

 les décisions relatives au délai de départ volontaire ;

 les interdictions de retour sur le territoire français ;

 les décisions fixant le pays de renvoi ;

 les arrêtés de reconduite à la frontière ;

 les décisions de placement en rétention et les décisions d’assignation à résidence « avec perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement » (1).

Les conclusions tendant à l’annulation d’une autre mesure d’éloignement prévue par le Ceseda – à l’exception des arrêtés d’expulsion (2) – et présentées dans le cadre d’une requête dirigée contre la décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence prise au titre de cette mesure sont instruites et jugées dans les mêmes conditions (CJA, art. R. 776-1 modifié).

1. LES RECOURS DIRIGÉS CONTRE LES OQTF

a. Les OQTF avec délai de départ volontaire

Dans le cas d’une OQTF avec délai de départ volontaire sans placement en rétention ni assignation à résidence, l’étranger visé peut en demander l’annulation devant le tribunal administratif dans un délai de 30 jours suivant sa notification. La contestation peut porter également sur la décision relative au séjour qui fonde l’OQTF, la décision mentionnant le pays de destination ainsi que la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant. Le même délai s’applique pour la contestation des décisions prolongeant l’interdiction de retour (3) (Ceseda art. L. 512-1 et CJA, art. R. 776-3 modifiés).

Ce délai de recours contentieux de 30 jours n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif (CJA, art. R. 776-5-I modifié).

L’intéressé peut, par ailleurs, toujours demander l’aide juridictionnelle, mais au plus tard lors de l’introduction de la requête en annulation (Ceseda, art. L. 512-1-I modifié).

Le tribunal administratif statue, en formation collégiale, dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine (Ceseda, art. L. 512-1-I modifié).

Toute cette procédure ne s’applique plus si l’étranger est, à l’issue du délai de départ volontaire, placé en rétention ou assigné à résidence « avec perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloi­gnement », avant même que le tribunal adminitratif ait rendu son jugement (Ceseda, art. L. 512-1-I modifié). En effet, dans cette hypothèse, le recours est alors soumis à une procédure spécifique (voir page 37).

Rappelons que l’administration peut, à tout moment au cours d’un délai de départ volontaire, décider que l’étranger est obligé de quitter immédiatement le territoire français si un des motifs le justifiant aux yeux de la loi apparaît (4). Le cas échéant, le délai de recours contre l’OQTF expire 48 heures après que l’autorité compétente a notifié à l’intéressé sa décision de supprimer le délai de départ volontaire. Cette dernière peut être contestée dans le même délai (CJA, art. R. 776-2-I modifié).

b. Les OQTF sans délai de départ volontaire

« Lorsqu’une OQTF n’est pas assortie d’un délai de départ volontaire, elle a vocation à être exécutée le plus rapidement possible », explique Thierry Mariani, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 2814, septembre 2010, page 261). Ainsi, si un étranger fait l’objet d’une telle mesure, il ne dispose que d’un délai de 48 heures suivant sa notification pour demander l’annulation de la décision (Ceseda, art. L. 512-1-II et CJA, art. R. 776-2-II modifiés). Ce qui correspond au délai prévu dans le droit antérieur pour la contestation des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF).

L’intéressé doit s’adresser pour ce faire au président du tribunal administratif. Il peut également demander l’annulation de la décision relative au séjour qui fonde l’OQTF, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant (Ceseda, art. L. 512-1-II et CJA, art. R. 776-2-II modifiés).

Deux hypothèses sont alors possibles : si l’étranger n’est pas placé en rétention ou assigné à résidence « avec perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement », le tribunal administratif statue, en formation collégiale, dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine. Dans le cas contraire, le recours est alors soumis à une procédure spécifique (voir ci-dessous) (Ceseda, art. L. 512-1-II modifié).

Signalons que, dès notification de l’OQTF, l’intéressé dispose des mêmes garanties que celles prévues antérieurement pour la contestation des APRF : possibilité d’avertir un conseil, le consulat ou une personne de son choix, communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiés, etc. Nouveauté, toutefois : il est précisé que ces éléments lui sont communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend (Ceseda, art. L. 512-2 modifié). Une manière de transposer l’article 12 de la directive « retour » du 16 décembre 2008, qui prescrit la fourniture d’une « traduction écrite ou orale des principaux éléments des décisions liées au retour […] dans une langue que le ressortissant d’un pays tiers comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend ».

c. L’effet suspensif des recours formés contre les OQTF

Comme c’était déjà le cas avant pour ceux faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, les étrangers faisant l’objet d’une OQTF ne peuvent être matériellement reconduits à la frontière tant que leur éventuel recours administratif n’a pas été jugé (Ceseda, art. L. 512-3 modifié).

Le législateur a distingué deux situations (Ceseda, art. L. 512-3 modifié) :

 si l’étranger bénéficie d’un délai de départ volontaire, aucun départ forcé ne peut être organisé avant son expiration. Lorsque ce délai est expiré, il est également nécessaire qu’un éventuel recours ait été jugé par le tribunal administratif, soit selon la procédure de droit commun (jugement en 3 mois), soit selon la procédure d’urgence (jugement dans les 72 heures suivant la saisine) si l’étranger a été placé en rétention ou assigné à résidence ;

 si l’étranger ne bénéficie pas d’un délai de départ volontaire, l’OQTF est exécutoire seulement 48 heures après sa notification, période pendant laquelle il peut former un recours en annulation de cette décision. Précisément, si un tel recours est formé, le départ forcé ne peut davantage intervenir avant la décision du tribunal administratif ou, en cas de placement en rétention ou d’assignation à résidence, du président du tribunal ou de son délégué.

L’étranger doit être informé de tout cela par la notification écrite de l’OQTF (Ceseda, art. L. 512-3 modifié).

2. LES RECOURS DIRIGÉS CONTRE LES DÉCISIONS DE RÉTENTION OU D’ASSIGNATION À RÉSIDENCE

La loi du 16 juin 2011 a créé une procédure accélérée de jugement des recours en annulation contre les arrêtés de rétention ou d’assignation à résidence « avec perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement ». Ce, afin de transposer en droit interne l’article 15 de la directive « retour », qui prévoit qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention. Il est ainsi dorénavant possible d’obtenir l’annulation de la rétention même si le placement résulte d’une décision d’éloignement exécutoire, comme une OQTF validée par le tribunal administratif.

a. Le délai de recours

L’étranger visé par une décision de rétention ou d’assignation à résidence peut en demander l’annulation au président du tribunal administratif dans les 48 heures suivant sa notification par voie administrative (Ceseda, art. L. 512-1-III modifié).

Si l’intéressé a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et si la rétention ou l’assignation à résidence ont été notifiées en même temps que la mesure d’éloignement, le recours formé contre l’arrêté de rétention ou d’assignation peut également être dirigé contre l’OQTF et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant (Ceseda, art. L. 512-1-III modifié).

Signalons toutefois que le recours formé par un étranger assigné à résidence peut porter « direc­tement » sur l’OQTF ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour (Ceseda, art. L. 512-1-III modifié). Cette précision concerne le cas d’un étranger faisant simultanément l’objet d’une OQTF et d’une assignation à résidence, et souhaitant uniquement l’annulation de l’OQTF – et des mesures qui l’accompagnent – mais pas celle de l’assignation à résidence.

b. La procédure applicable

La procédure applicable aux recours ainsi introduits est proche de celle qui était en vigueur avant la loi du 16 juin 2011 pour les recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.

La décision, rendue par un magistrat administratif jugeant seul, doit intervenir au plus tard dans les 72 heures à compter de sa saisine. Ce magistrat est le président du tribunal administratif ou son délégué, choisi parmi les magistrats de la juridiction et parmi certains magistrats honoraires (Ceseda, art. L. 512-1-III modifié).

Le tribunal administratif compétent est plus précisément celui dans le ressort duquel se trouve le lieu où le requérant est placé en rétention ou assigné à résidence au moment de l’introduction de la requête en annulation ou, si celle-ci a été introduite avant le placement en rétention ou l’assignation à résidence, au moment où cette mesure est décidée. Toutefois, lorsque, avant la tenue de l’audience, l’étranger est transféré dans un autre lieu de rétention, le président du tribunal administratif peut décider, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par une décision non susceptible de recours, de transmettre le dossier au tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le nouveau lieu de rétention (CJA, art. R. 776-16 modifié).

L’audience peut se tenir au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l’étranger si ce dernier est placé en rétention. La loi a également ouvert la possibilité de tenir des audiences délocalisées. Ainsi, si une salle d’audience attribuée au ministère de la Justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention, le magistrat peut y statuer (Ceseda, art. L. 512-1-III modifié).

L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public et en présence de l’intéressé sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un et il peut demander au magistrat qu’il lui en soit désigné un d’office. Il peut également lui demander le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise (Ceseda, art. L. 512-1-III modifié).

L’Etat est représenté en défense par le préfet du département où est situé le lieu de rétention ou d’assignation à résidence ou, si ce lieu est situé à Paris, par le préfet de police (CJA, art. R. 776-20 modifié).

A noter : lorsque l’étranger placé en rétention ou assigné à résidence avait auparavant formé un recours – non encore jugé – contre une OQTF, cette procédure d’urgence s’applique au jugement en cours d’instance, que l’étranger forme ou non un recours contre le placement en rétention. Le délai de 72 heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence (Ceseda, art. L. 512-1-III modifié).

3. LES CONSÉQUENCES D’UNE ANNULATION

Les règles relatives aux conséquences des annulations contentieuses ont été modifiées afin de tenir compte de la réforme du régime de l’éloignement.

Lorsque l’OQTF est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance dont l’étranger fait l’objet – placement en rétention, assignation à résidence – et ce dernier est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (Ceseda, art. L. 512-4 modifié). Cette règle s’appliquait auparavant en cas d’annulation d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Si seule la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire est annulée, l’étranger bénéficie alors d’un tel délai mais pas d’une autorisation provisoire de séjour puisque, dans cette hypothèse, l’OQTF prise à son encontre n’a pas été annulée par le juge. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin doit, à cet égard, lui rappeller cette obligation de quitter le territoire français dans le délai auquel il a désormais droit. Ce délai court à compter de sa notification. La même règle s’applique dans le cas où seul le placement en rétention ou l’assignation à résidence est annulée : l’OQTF est toujours valable et doit être exécutée avec un délai de départ volontaire (Ceseda, art. L. 512-4 modifié).

Signalons enfin que l’annulation de la décision relative au séjour emporte abrogation de la décision d’interdiction de retour qui l’accompagne le cas échéant, y compris lorsque le recours dirigé contre celle-ci a été rejeté (Ceseda, art.L.512-6 créé).

B. LE CONTENTIEUX JUDICIAIRE

Parallèlement au décalage dans le temps de l’intervention du juge judiciaire pour décider ou non de la prolongation d’un placement en rétention, la loi du 16 juin 2011 a prévu plusieurs mesures destinées à renforcer la sécurité juridique des procédures d’éloignement. La durée maximale de la rétention est par ailleurs allongée.

1. LA SAISINE DU JLD EN VUE DE PROLONGER LA RÉTENTION (ART. 51, 54 et 59)

Le juge des libertés et de la détention (JLD) doit être saisi par le préfet désireux de prolonger un placement en rétention au-delà d’une certaine durée. Selon l’article 66 de la Constitution, il est « garant de la liberté individuelle ». A ce titre, il lui revient non seulement de vérifier que la personne retenue a été pleinement informée de ses droits et mise en mesure de les exercer effectivement au moment de la notification de la décision de placement, mais aussi de s’assurer de la régularité de la procédure antérieure au placement en rétention. La loi du 16 juin 2011 a introduit notamment deux nouveautés le concernant.

En premier lieu, par coordination avec la réforme de la procédure de placement en rétention – c’est-à-dire le passage de 2 à 5 jours de la durée pendant laquelle l’administation peut maintenir un étranger en rétention sans l’intervention du juge judiciaire (5) –, la loi du 16 juin 2011 prévoit que le juge des libertés et de la détention doit être saisi non plus après un délai de 48 heures depuis la décision de placement en rétention mais après un délai de 5 jours (Ceseda, art. L. 552-1 modifié) (sur les réserves du Conseil constitutionnel, voir encadré page 40).

En second lieu, le JLD dispose désormais d’un délai de 24 heures pour statuer par ordonnance sur la demande de prolongation du placement par le préfet (Ceseda, art. L. 552-1 modifié).

Par coordination, il est désormais prévu que la première ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration d’un délai de 5 jours de rétention, et non plus de 48 heures (Ceseda, art. L. 552-3 modifié).

Signalons enfin que, toujours par coordination, la loi du 16 juin 2011 a modifié l’article L. 555-1 du Ceseda, qui prévoit le placement de plein droit en rétention de l’étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire. Bien que ce placement soit automatique et ne relève pas d’une décision de l’administration, il est néanmoins prévu que le JLD intervienne pour autoriser la prolongation de la rétention dans les mêmes conditions que pour les rétentions ­faisant suite à une autre mesure d’éloignement. Il est ainsi dorénavant précisé que l’intervention du JLD est requise après un délai de 5 jours de rétention et non plus de 48 heures (Ceseda, art. L. 555-1 modifié).

2. LA NOTIFICATION ET L’EXERCICE DES DROITS EN RÉTENTION (ART. 52)

Le juge judiciaire doit vérifier, lors de l’audience de prolongation de la rétention, que l’étranger s’est bien vu notifier ses droits et a été mis en état de les faire valoir. Avant la loi du 16 juin 2011, il devait le faire « au moment de la notification de la décision de placement ». Cette formulation a été remplacée par une disposition selon laquelle l’étranger est informé de ses droits « dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement » (Ceseda, art. L. 552-2 modifié).

En outre, le juge doit vérifier en particulier que l’étranger a été placé en état de faire valoir ses droits dès son arrivée au lieu de rétention (Ceseda, art. L. 552-2 modifié).

La loi envisage par ailleurs le cas particulier de la notification des droits lorsqu’un nombre important d’étrangers est placé simultanément en rétention. Dans cette hypothèse, précise le texte, le juge doit tenir compte de ces circonstances particulières « pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet » (Ceseda, art. L. 552-2 modifié).

Enfin, sans changement, le juge doit informer l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice, dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance.

3. LES IRRÉGULARITÉS POUVANT ÊTRE INVOQUÉES À L’ENCONTRE D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT (ART. 53 ET 57)

Dorénavant, « en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la main­levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger » (Ceseda, art. L. 552-13).

Avec cette disposition, le législateur a en fait voulu inscrire dans le Ceseda le principe « pas de nullité sans grief », selon lequel une nullité de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. Il a choisi, pour ce faire, une formulation reprenant à l’identique les termes de l’article 802 du code de procédure pénale, qui s’applique à la garde à vue.

Explication donnée par le rapporteur (UMP) de la loi au Sénat, François-Noël Buffet : « Imaginons qu’un étranger rencontre un interprète, lui explique sa situation ; l’interprète émarge la feuille justifiant son intervention. On oublie cependant de préciser le nom de l’interprète qui est intervenu, ce qui constitue une irrégularité formelle. Une telle erreur doit-elle entraîner la nullité totale de la procédure, alors que l’on sait pertinemment que l’interprète a été vu et qu’il a signé le document ? Telle est la nature des irrégularités visée » (Rap. Sén. n° 35 S. [C.R.], avril 2011, page 2848).

Le législateur a voulu également empêcher que soient soulevées devant le juge des libertés et de la détention, lors de la seconde audience de prolongation, des irrégularités commises avant l’audience de première prolongation (c’est-à-dire celle qui intervient au bout de 5 jours dorénavant). Sont visées, en particulier, les conditions d’interpellation et de garde à vue. La loi du 16 juin 2011 dispose ainsi que, « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la seconde prolongation » (Ceseda, art. L. 552-8).

4. LE CARACTÈRE SUSPENSIF DE L’APPEL D’UNE DÉCISION DE REFUS DE PROLONGATION DE LA RÉTENTION (ART. 54 ET 58)

La loi du 16 juin 2011 a fait passer de 4 à 6 heures le délai donné au parquet pour demander au premier président de la cour d’appel de donner un caractère suspensif à son appel contre une décision de refus de prolongation de la rétention (Ceseda, art. L. 552-10 modifié).

Par coordination, il est désormais prévu que l’étranger doit rester à disposition de la justice pendant un délai de 6 heures (et non plus de 4 heures) à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République (Ceseda, art. L. 552-3 modifié).

5. LA DURÉE MAXIMALE DE RÉTENTION (ART. 56)

La loi du 16 juin 2011 a porté de 32 à 45 jours la durée maximale pendant laquelle un étranger peut être maintenu en rétention (Ceseda, art. L. 552-7 modifié).

Il s’agissait, selon l’exposé des motifs du projet de loi, de faciliter la négociation des accords de réadmission négociés par la Commission européenne. En effet, dans le cadre des négociations de l’Union européenne avec les pays sources de l’immigration, nombre de ceux-ci refusent de s’engager à délivrer dans un délai inférieur à 1 mois et demi des laissez-passer consulaires, qui sont la condition du retour dans le pays d’origine, a expliqué le gouvernement.

Seule la durée a été modifiée. Les conditions nécessaires pour que l’administration puisse obtenir du JLD une nouvelle prolongation de la rétention sont restés inchangées.

Concrètement, au terme d’une première période de 5 jours (contre 48 heures auparavant), le JLD autorise la prolongation de la rétention pour une durée de 20 jours, au lieu de 15 auparavant (Ceseda, art. L. 552-7 modifié).

Au terme de ce délai, le JLD est à nouveau saisi (pour une deuxième prolongation, donc) dans les trois cas suivants (Ceseda, art. L. 552-7 modifié) :

 en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou d’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résultant de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

 si, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport, et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai ;

 si la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l’administration, pour pouvoir procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement au cours de la première prolongation.

Dans le premier cas, la durée maximale de l’éventuelle deuxième prolongation était auparavant de 15 jours. Dans les deux autres, elle était de 5 jours. Dorénavant, dans toutes ces hypothèses, si le juge ordonne une nouvelle prolongation de la rétention, son ordonnance court pour une nouvelle période d’une durée maximale de 20 jours (Ceseda, art. L. 552-7 modifié). Ce qui porte donc la durée maximale de la rétention à 45 jours.

Par dérogation, si l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le JLD placé auprès du tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de 1 mois renouvelable, avec une durée maximale de 6 mois (Ceseda, art. L. 552-7 modifié).

A noter : le législateur avait également prévu de porter de 6 à 18 mois la durée de la rétention administrative d’un étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme – ou à l’encontre duquel une mesure d’expulsion a été prononcée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées – dans un cas de figure bien précis : « lorsque, malgré les diligences de l’administration, l’éloignement ne peut être exécuté en raison soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires ». Mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, jugeant que cette prolongation apportait à la liberté individuelle une atteinte contraire à l’article 66 de la Constitution.

LA LOI RELATIVE À L’IMMIGRATION, À L’INTÉGRATION ET À LA NATIONALITÉ TRAITÉE DANS LES ASH
Ce qu’il faut RETENIR

 Contentieux administratif. La loi a créé une procédure accélérée de jugement des recours en annulation contre les arrêtés de rétention ou d’assignation à résidence de 5 jours.

 Prolongation de la rétention. Le juge des libertés et de la détention n’intervient plus qu’au terme d’un délai de 5 jours pour prolonger un placement en rétention et dispose désormais de 24 heures pour se prononcer.

 Durée de la rétention. La durée maximale de la rétention est dorénavant de 45 jours.

PLAN DU DOSSIER

DANS NOTRE NUMÉRO 2760 DU 18 MAI 2012, PAGE 35

I. La réforme du régime de l’éloignement

DANS CE NUMÉRO

II. La réforme du contentieux des mesures d’éloignement

A. Le contentieux administratif

B. Le contentieux judiciaire

PROLONGATION DE LA RÉTENTION : LES RÉSERVES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Conséquence des articles 44 et 51 de la loi du 16 juin 2011, l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut dorénavant être placé en rétention par le préfet pour une durée de 5 jours (et non plus 2), avant l’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD). Dans le même temps, l’intéressé a 48 heures pour contester la légalité des mesures administratives le concernant, et notamment des décisions le plaçant en rétention et l’obligeant à quitter le territoire. Et le juge administratif doit statuer dans les 72 heures de sa saisine sur ces contentieux (voir page 37). La saisine du JLD aux fins de prolongation de la rétention n’intervient quant à elle désormais qu’au terme d’un délai de 5 jours depuis la décision de placement, contre 48 heures auparavant (voir page 39).

Dans sa décision du 9 juin 2011, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution ce nouveau délai d’intervention du juge judiciaire. Il a relevé que le législateur a souhaité, dans le respect des règles de répartition des compétences entre les ordres de juridiction, que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures administratives relatives à l’éloignement des étrangers avant que n’intervienne le juge judiciaire. « En organisant ainsi le contentieux, le législateur a eu pour but de garantir l’examen prioritaire de la légalité de ces mesures et, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de permettre un traitement plus efficace des procédures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. » Les sages ont estimé en outre que, en prévoyant que le juge judiciaire ne soit saisi, aux fins de prolongation de la rétention, qu’après l’écoulement d’un délai de 5 jours à compter de la décision de placement en rétention, il a assuré, entre la protection de la liberté individuelle et les objectifs à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de protection de l’ordre public, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée.

Le Conseil a toutefois exprimé deux réserves. La première concerne l’hypothèse dans laquelle le placement en rétention aurait été précédé d’une garde à vue de 48 heures. Dans ce type de cas, la privation de liberté ne pourra s’étendre à 7 jours (5 + 2) sans intervention du JLD.

En effet, expliquent les Hauts Magistrats, les articles 44 et 51 de la loi « ne sauraient, sans méconnaître l’article 66 de la Constitution, permettre que l’étranger privé de sa liberté soit effectivement présenté à un magistrat du siège après l’expiration d’un délai de 7 jours à compter du début de la garde à vue ».

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs rappelé, sous la forme d’une autre réserve, que l’autorité judiciaire conserve la possibilité d’interrompre à tout moment la prolongation de la rétention administrative lorsque les circonstances de fait ou de droit le justifient.

Notes

(1) Pour mémoire, les étrangers visés par ce type d’assignation sont ceux pour lesquels l’exécution de l’OQTF dont ils font l’objet demeure une perspective raisonnable et qui présentent des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’ils se soustraient à cette obligation – Voir la première partie de notre dossier, ASH n° 2760 du 18-05-12, p. 35.

(2) Les recours en annulation formés contre les arrêtés d’expulsion suivent une procédure différente, que la loi du 16 juin 2011 n’a pas modifiée. Ainsi, l’étranger dispose toujours, pour demander l’annulation de la mesure devant le tribunal administratif, d’un délai de 2 mois suivant la notification de la décision.

(3) Rappelons en effet que l’autorité administrative peut, dans certaines hypothèses, prolonger cette mesure pour une durée maximale de 2 ans – Voir la première partie de notre dossier, ASH n° 2760 du 18-05-12, p. 35.

(4) Voir la première partie de notre dossier, ASH n° 2760 du 18-05-12, p. 35.

(5) Voir la première partie de notre dossier, ASH n° 2760 du 18-05-12, p. 35.

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