SENTIMENTS IMPORTÉS. Honte et culpabilité, étroitement intriquées, sont des affects particulièrement mobilisés par la confrontation au handicap, tant chez les personnes concernées que chez leurs aidants. Ces deux émotions impliquent un sens développé d’une signification partagée (d’une situation, d’un événement), la transmission d’un sens qui deviendra commun, expliquent Albert Ciccone et Alain Ferrant, psychologues et psychanalystes, contributeurs de cet ouvrage collectif dirigé par leur confrère Sylvain Missonnier. Chez l’enfant handicapé, « les sentiments de honte et de culpabilité sont d’abord “importés”, c’est d’abord un autre qui dit au sujet […] qu’il doit avoir honte ou se sentir coupable », précisent Albert Ciccone et Alain Ferrant. Ce regard extérieur, qui transmet à l’enfant la représentation de ce qu’est le handicap et les émotions que celui-ci suscite chez ses parents, charge l’intéressé d’un fardeau supplémentaire. Et, de fait, les enfants et les adolescents handicapés sont « parfois hantés, rongés » par une honte d’autant plus difficile à évoquer qu’elle est difficilement formulable, souligne la psychologue Régine Scelles. Les professionnels peuvent aider ces jeunes dans la narration des situations sources de honte, mais encore faut-il pour cela qu’ils parviennent eux-mêmes à élaborer la honte parfois ressentie face au handicap. Educateurs et soignants doivent également mettre au travail la culpabilité, le plus souvent inconsciente, qui les pousse à en faire trop ou pas assez avec les sujets handicapés, attitudes qui, l’une comme l’autre, « empêchent le discernement du geste ou de la parole juste », ajoute de son côté Jean-Pierre Durif-Varembont, psychanalyste.
Honte et culpabilité dans la clinique du handicap – Sous la direction de Sylvain Missonnier – Ed. érès – 25 €