Pourquoi l’ADRIC s’est-elle intéressée à la parentalité ?
Cette agence organise des colloques, des séminaires et des formations destinés aux professionnels et aux élus sur des thématiques liées aux questions interculturelles et de citoyenneté.
Ces deux dernières années, nous avons remarqué que, quel que soit le sujet des rencontres (laïcité, familles immigrées, violences faites aux femmes, primo-arrivants…), les participants soulevaient inévitablement la question de la parentalité, terme qui désigne l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent. Nous avons donc choisi de synthétiser les actions menées sur ce thème par l’ADRIC auprès des professionnels (travailleurs sociaux, médecins, enseignants, éducateurs spécialisés…) pour réaliser un guide destiné aux acteurs socio-éducatifs qui interviennent dans le processus de socialisation et d’éducation des enfants et des jeunes.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les professionnels auprès des familles ?
Ils sont de plus en plus dans des situations de profond désarroi et de stress. Ce phénomène est la conséquence d’incompréhensions et de malentendus, parfois d’agressivité, qui se développent entre les familles et les professionnels. C’est lié à des clivages culturels mais aussi à l’institution qui impose de classer les personnes dans des catégories qui ne correspondent pas à la réalité. Par exemple, nous avons tendance à réduire la parentalité aux parents ; or, dans certaines familles, les enfants sont élevés par les grands-parents, par les oncles et les tantes, qui ne détiennent pas l’autorité parentale. Des malentendus interviennent aussi parce que se met en place un jeu de rôles où chacun – le professionnel et le parent – joue sur les représentations stéréotypées qu’il a de l’autre. Je me souviens d’une assistante sociale qui a appris au troisième entretien avec une Malienne, mère de trois enfants, que celle-ci avait fait des études supérieures : toutes les femmes africaines ne sont pas analphabètes et vouées aux travaux de ménage ! Certains professionnels ont une approche culturaliste qui enferme les personnes dans une assignation identitaire et, par exemple, attribuent spontanément à des traditions culturelles ce qui, de fait, tient aux contraintes de l’exil, au mal-logement ou à la précarité.
Vous proposez aux professionnels d’engager une démarche interculturelle, quels en sont les principes ?
C’est une démarche qui essaie de redonner du sens au travail social et éducatif. Nous invitons les professionnels à ne pas raisonner en termes de catégories de populations en raison de leur origine, mais à faire une analyse de la situation individuelle de chaque famille, avec son histoire, en appliquant une méthode interculturelle.
Celle-ci passe par un accueil de qualité qui favorise l’expression des besoins et des attentes, avec notamment un lieu pour accueillir les jeunes enfants. Deuxième exigence : diversifier les modes d’écoute qui peuvent être des entretiens individuels ou des groupes de paroles, et ouvrir largement la palette des actions ou activités proposées. Il s’agit aussi de mener une réflexion sur la définition de l’accompagnement social, qui, au-delà de l’aide ponctuelle, vise à faire « avec » et non « pour » la personne. Cette méthode suppose de définir avec la famille un objectif à atteindre ainsi que des critères d’évaluation. Enfin, elle implique de créer un partenariat avec tous les acteurs concernés.
(1) « La parentalité dans tous ses états – Pour une démarche interculturelle avec les familles et les professionnels ». Ce guide sera présenté le 29 mai à Paris et diffusé lors des formations menées par l’ADRIC –